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17/10/2024 | FRANCE | N°22LY02407

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 17 octobre 2024, 22LY02407


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon à lui verser les sommes de 17 967,52 euros et 90 000 euros, augmentées des intérêts au taux légal, en réparation respectivement de son préjudice matériel et de son préjudice moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence à raison de l'illégalité de son licenciement et des fautes commises dans le cadre de l'exécution de son contrat

de travail.

Par un jugement n° 2002929 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon à lui verser les sommes de 17 967,52 euros et 90 000 euros, augmentées des intérêts au taux légal, en réparation respectivement de son préjudice matériel et de son préjudice moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence à raison de l'illégalité de son licenciement et des fautes commises dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

Par un jugement n° 2002929 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier universitaire de Dijon à verser à M. A... une somme de 2 900,18 euros et une somme nette correspondant à 4 548 euros de primes brutes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2020, ainsi qu'une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2022 M. B... A..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2002929 du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à lui verser une somme de 17 967,52 euros, à parfaire, en réparation de son préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 90 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable indemnitaire ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CHU de Dijon a commis une faute en raison de son licenciement jugé illégal, mais également en raison du harcèlement moral et du défaut de protection dont il a été victime, ainsi qu'en raison des conditions insatisfaisantes de sa réintégration ;

- il justifie d'un préjudice financier de 9 800 euros au titre de la perte de salaire, de 3 167,52 euros au titre du coût d'un prêt à la consommation, de 5 000 euros au titre de la prime de service pour l'année 2018 et de ses frais de déplacements non versés ;

- en outre, les agissements fautifs de son employeur ayant généré la survenue d'une pathologie grave et invalidante et ayant par ailleurs constitué une atteinte à son honneur et à sa réputation, il est fondé à solliciter le versement d'une somme de 90 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, le CHU de Dijon, représenté par Me Gourinat, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'illégalité de la décision de licenciement du 27 juillet 2017 ouvre droit à réparation à hauteur des préjudices en lien direct et certain avec la faute ainsi commise par le CHU ;

- la situation de harcèlement dénoncée par M. A... n'est en revanche pas démontrée ;

- il en est de même de la circonstance selon laquelle les conditions de sa réintégration ne seraient pas satisfaisantes ou de l'absence de régularisation de sa situation administrative ;

- si l'indemnisation des pertes de salaires, le versement d'une somme de 4 548 euros au titre des primes non perçues pendant la période d'éviction et d'une somme de 400 euros au titre du préjudice résultant de la part du coût du crédit à la consommation souscrit par M. A... pendant sa période de chômage imputable au CHU ne sont pas contestés, M. A... ne produit aucune pièce de nature à justifier d'un préjudice résultant du non remboursement de ses frais de déplacement ; en tout état de cause, la demande présentée sur ce fondement est forclose ;

- l'indemnisation du préjudice moral ne saurait excéder la somme de 1 000 euros ;

- M. A..., n'ayant pas été privé de toute possibilité de continuer ses activités musicales ni même d'exercer une autre activité professionnelle, la somme demandée au titre de l'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence est excessive ;

- la réalité du préjudice résultant d'une atteinte à l'honneur ou à la réputation de M. A... n'est pas démontrée ;

- il en est de même du lien de causalité entre la faute commise et la pathologie dont souffre le requérant.

Par une ordonnance du 5 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 octobre 2023 à 16h30.

Par un courrier du 11 septembre 2024 il a été demandé au centre hospitalier universitaire de Dijon de communiquer à la cour la périodicité du versement, au cours d'une année de travail, de la prime d'un montant de 1 137 euros brut qui a été versée en dernier lieu à M. A... en juin 2017 ainsi que de lui communiquer l'équivalent en net du montant de cette prime ainsi que du montant de sa prime mensuelle de 15,30 euros brut.

Par un courrier du 23 septembre 2024, le centre hospitalier universitaire de Dijon a communiqué les informations demandées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grenier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce les fonctions de musicothérapeute au CHU de Dijon depuis le 1er septembre 1990. Il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 17 septembre 1998 et à compter de mai 2014, il a exercé ses fonctions à temps non complet (75 %) au sein du service de pédopsychiatrie de l'établissement. Par une décision du 27 juillet 2017, la directrice générale du CHU a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire à compter du 1er août 2017. Par un jugement du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision et a enjoint au CHU de Dijon de procéder à la réintégration de M. A... ainsi que de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter de la date de son éviction illégale. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 août 2020. Parallèlement, M. A... a été réintégré dans ses fonctions de musicothérapeute au sein du pôle personnes âgées et rééducation fonctionnelle du CHU de Dijon en novembre 2018. Par courrier du 26 mars 2020, notifié le 21 avril suivant, M. A... a réclamé l'indemnisation des préjudices résultant, d'une part, de son licenciement illégal et, d'autre part, des fautes commises par le CHU dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. Il n'a pas été répondu à sa réclamation. Par un jugement du 2 juin 2022, dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Dijon a condamné le CHU de Dijon à verser au requérant une somme de 2 900,18 euros et une somme nette correspondant à 4 548 euros de primes brutes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2020 ainsi qu'une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.

Sur le principe de la responsabilité :

En ce qui concerne la décision de licenciement du 27 juillet 2017 :

2. Il est constant, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que par un jugement du 12 avril 2018, confirmé en appel par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 août 2020 devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 27 juillet 2017 par laquelle la directrice du CHU de Dijon avait prononcé le licenciement pour motif disciplinaire de M. A... en considérant que les faits qui lui étaient reprochés, à savoir d'avoir travaillé pour l'orchestre de Dijon Bourgogne durant ses arrêts de travail, n'étaient pas constitutifs d'une faute de nature à justifier son licenciement. Par suite, l'illégalité de cette décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement.

En ce qui concerne les autres faits générateurs :

S'agissant des faits de harcèlement dont M. A... soutient avoir été victime :

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui et le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. M. A... soutient avoir été victime d'agissements nombreux et récurrents constitutifs d'un harcèlement moral de la part de la cadre de santé responsable du service de pédopsychiatrie, particulièrement à compter de 2016.

5. Cependant, il résulte des échanges de mails produits par le requérant qu'aucune des réponses faites à ses demandes ou relances auprès de sa responsable hiérarchique ne laisse présumer une volonté de dégrader ses conditions de travail ou de faire obstacle à l'exécution de ses missions. En particulier, il résulte de l'instruction que l'avis défavorable émis par la supérieure hiérarchique de M. A... à une demande de disponibilité pour participer à une formation en mars 2017, bien que tardif, était motivé par des raisons de services. Par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que la demande de M. A... d'être davantage associé aux prescriptions intéressant son périmètre d'activité, adressée à sa hiérarchie le 30 août 2016, ou la demande de rectification de sa " balance horaire négative " n'aient pas été suivies d'effet. En tout état de cause, le contrôle des horaires effectués comme les autorisations d'absence relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. A cet égard, il résulte de l'instruction que M. A... a, en octobre 2016, directement sollicité du chef de service une telle autorisation sans même mettre sa supérieure hiérarchique directe en copie de son courriel. Enfin, les qualités de musicothérapeute et les compétences professionnelles de M. A..., dont témoignent les nombreuses attestations produites à l'appui de sa demande, n'ont jamais été remises en cause ainsi qu'en attestent l'ensemble de ses comptes rendus d'entretiens professionnels, y compris ceux conduits en 2016 et 2017, quand bien même le compte-rendu relatif à son évaluation et à sa notation au titre de l'année 2017 mentionne des difficultés à appliquer certaines procédures s'agissant des demandes d'absence et des dépassements d'heures, procédures qui lui avaient rappelées par sa supérieure hiérarchique directe par courriels des 25 janvier et 2 mars 2017 produits par le requérant lui-même.

6. Par ailleurs, si les attestations produites par le requérant soulignent le climat conflictuel au sein du service de pédopsychiatrie et mentionnent les répercussions d'un climat délétère qui a affecté plusieurs agents et conduit à des départs, les considérations dont il est fait état, qui révèlent un malaise général et des difficultés managériales et relationnelles, n'évoquent aucun fait ou agissement qui aurait directement affecté ou concerné M. A... et auraient pu constituer des faits de harcèlement moral.

7. Ainsi aucun des documents produits par M. A... à l'instance ne révèle des agissements répétés ou excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

8. Enfin, ni la circonstance que M. A... ait été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises à compter du 15 février 2017 ni l'illégalité, à raison d'une erreur de qualification des faits, de la décision de licenciement pour motif disciplinaire le concernant, ne permettent, à elles seules, d'établir l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

9. Dans ces conditions, aucun fait de harcèlement moral susceptible d'engager la responsabilité du CHU de Dijon à l'égard de M. A... n'est établi en l'espèce.

S'agissant du manquement de l'établissement à son obligation de protection :

10. Il résulte de l'instruction que M. A... a été reçu, à sa demande, par la directrice des ressources humaines du CHU et la responsable du secteur accompagnement professionnel de cette direction le 26 avril 2017. Au cours de cet entretien, il a souligné ses difficultés personnelles avec sa supérieure hiérarchique dans le cadre de l'exécution de ses missions ainsi que les problèmes de management au sein du service de pédopsychiatrie en mentionnant les sollicitations du CHSCT de l'établissement à ce sujet. Il ressort du compte rendu de cet entretien que les documents relatifs à la procédure " harcèlement " lui ont été remis, qu'il a été informé de ce que cette procédure débutait par un écrit factuel et circonstancié de sa part et qu'il lui a été proposé de se rapprocher de la psychologue pour le personnel. M. A..., qui ne soutient ni même n'allègue avoir donné suite à cette procédure, s'est borné, au cours de l'entretien, à solliciter le changement d'affectation de sa supérieure hiérarchique en indiquant que si rien n'était fait, il était susceptible de donner sa démission. S'il soutient qu'il avait adressé un écrit factuel et circonstancié à la direction des ressources humaines du CHU le 13 septembre 2016 suite à un précédent entretien, il ne l'établit pas.

11. Dans ces circonstances et en l'absence d'éléments permettant de retenir l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ainsi qu'il a été exposé aux points 4 et 5 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le CHU de Dijon aurait manqué à son obligation de protection ou fait preuve, à son égard, d'une carence fautive de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant des manquements dans la procédure de réintégration :

12. Le CHU soutient que le poste occupé par M. A... antérieurement à son licenciement ayant été supprimé, il a été réintégré, en qualité de musicothérapeute et pour la même quotité de travail au sein du pôle personnes âgées et rééducation fonctionnelle. Si M A... soutient que le poste antérieurement occupé n'avait pas été supprimé, il ne produit aucun élément de nature à l'établir. En outre, il ressort de son entretien professionnel d'évaluation du 9 juillet 2019 qu'il a indiqué apprécier sa nouvelle affectation et le travail qui lui est confié.

13. S'il résulte de l'instruction que M. A... s'est plaint, en dernier lieu le 14 octobre 2019, de ce qu'il assurait les séances de musicothérapie avec son matériel personnel depuis sa nouvelle affectation au pôle des personnes âgées et que sa hiérarchie a reconnu la nécessité d'acquérir du matériel supplémentaire pour ses interventions, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait été empêché d'exercer ses missions du fait d'un manque de matériel.

14. M. A... soutient que ses primes, ses congés et RTT au titre de l'année 2018 n'ont pas été régularisés par les services des ressources humaines du CHU de Dijon depuis sa réintégration. Il résulte cependant des pièces produites par le CHU de Dijon et non contestées que la situation administrative de M. A... a été régularisée en octobre 2022. Le retard dans la régularisation de sa situation administrative suite à sa réintégration, qui n'est pas à elle seule de nature à démontrer l'existence d'un harcèlement, peut cependant être de nature à ouvrir droit à indemnisation des préjudices en lien direct et certain avec ce manquement.

S'agissant de la faute résultant du refus de remboursement des frais de déplacement antérieurs au licenciement :

15. D'une part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) / La date du dépôt de la demande à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

16. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation (...) ". Toutefois, aux termes de l'article L. 112-2 de ce code : " Les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ".

17. Est irrecevable un recours indemnitaire exclusivement fondé sur l'illégalité de décisions pécuniaires définitives.

18. Il résulte de l'instruction que M. A... avait, par l'intermédiaire de son conseil, présenté, par un courrier du 23 novembre 2017, notifié le 29 novembre suivant, une demande portant exclusivement sur le remboursement de ses frais de déplacement. Du silence opposé par l'administration à cette demande, une décision implicite de rejet est réputée être née le 29 janvier 2018, date à compter de laquelle le délai de recours, opposable à l'intéressé à l'encontre de ce refus, a commencé à courir pour s'achever le 30 mars 2018 à minuit. Par suite, à la date de la réclamation indemnitaire préalable ultérieure du 20 août 2018, notifiée le 23 août suivant au CHU, la décision implicite de rejet du 29 janvier 2018 qui relève d'un litige distinct, était devenue définitive. Dans ces conditions, M. A... n'est, pas recevable à solliciter la condamnation du CHU de Dijon à lui rembourser ses frais de déplacements.

Sur l'indemnisation des préjudices :

19. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander au CHU de Dijon l'indemnisation résultant pour lui des préjudices en lien direct et certain avec son licenciement illégal et du retard relatif à la reconstitution de sa situation administrative entre la date de ce licenciement et la date de sa réintégration.

En ce qui concerne les préjudices financiers :

S'agissant de la perte de rémunération :

20. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction et les revenus de remplacement perçus au titre de cette même période.

21. Il résulte des pièces du dossier que les traitements nets que M. A... aurait dû percevoir durant la période d'éviction du 1er août 2017 au 31 octobre 2018, calculé sur la base d'un traitement indiciaire brut de 2 652,29 euros et de sa quotité de travail, s'élèvent à un montant total de 26 751,30 euros. Il convient toutefois de prendre en compte les allocations de retour à l'emploi perçues par l'intéressé au cours de la même période pour un montant total de 18 202,64 euros. Il en résulte une perte de traitement de 8 548,66 euros qui sera mise à la charge du CHU de Dijon au titre des pertes de traitements.

22. Si M. A... sollicite une indemnisation à hauteur du montant des primes qu'il aurait pu percevoir durant la période de son éviction illégale, il résulte de l'instruction, et notamment des pièces non contestées produites par le CHU de Dijon, que sa situation a été régularisée par le versement, en octobre 2022, d'une somme de 4 548 euros brut correspondant au montant des primes non perçues pendant sa période d'éviction. Dans ces conditions, la demande présentée à ce titre sera rejetée.

S'agissant du préjudice financier résultant de la souscription d'un prêt personnel :

23. Si M. A... soutient que le prêt personnel d'un montant de 27 000 euros sur 48 mois souscrit en juillet 2018 a été rendu nécessaire pour compenser ses pertes de rémunération, il ne produit aucun élément de nature à justifier du niveau de ses charges au cours de la période d'éviction illégale. Par suite, le lien de causalité entre la souscription de cet emprunt et la décision illégale de licenciement n'étant pas établi, M. A... n'est pas fondé à contester la somme de 400 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Dijon au titre du préjudice résultant de la part des frais financiers générés par l'emprunt en cause en lien avec son éviction illégale, dont ni le principe, ni le montant ne sont contestés en défense.

S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :

24. Si le requérant soutient qu'il a subi une atteinte à son honneur et à sa réputation il ne produit aucun élément de nature à établir l'existence d'une telle atteinte.

25. Par ailleurs, les certificats médicaux produits par le requérant, dont le premier établi par son généraliste le 23 janvier 2019, se borne à faire état d'une " aggravation " de son état de santé en août 2017 " en rapport, selon les dires du patient, avec une procédure de licenciement " et d'un diagnostic de diabète en avril 2018 et dont le second, établi le 27 février 2019 par un médecin assistant-chef de clinique au service endocrinologie-diabétologie du CHU de Dijon mentionnant qu'il " n'est pas exclu " que le diabète " d'étiologie indéterminée ", dont la symptomatologie serait apparue à l'automne 2017 et qui a été diagnostiqué en mai 2018, " se soit déclaré dans les suites d'un stress post-traumatique " ne sont pas suffisant pour établir un lien de causalité direct et certain entre la pathologie dont souffre M. A... et la procédure de licenciement dont il a fait l'objet.

26. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... du fait de son licenciement illégal et du retard pris dans la reconstitution de sa situation administrative entre la date de ce licenciement et la date de sa réintégration en lui allouant à ce titre une somme de 3 000 euros.

27. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Dijon doit être condamné à verser à M. A... une somme de 11 548 euros de laquelle devra être déduite la somme de 6 026,66 euros que le CHU a été condamné à verser à M. A... à titre de provision par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon du 15 janvier 2021. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2020, date de réception de la demande indemnitaire préalable de M. A... par le CHU de Dijon.

Sur les frais liés au litige :

28. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à ce titre une somme de 1 500 euros à la charge du CHU de Dijon.

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Dijon est condamné à verser à M. A... une somme de 11 548,66 euros de laquelle devra être déduite la somme de 6 026,66 euros versée à titre de provision et qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2020.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 2002929 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Dijon versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et centre hospitalier universitaire de Dijon.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02407
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22ly02407 ?
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