Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 2207796 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 février 2023, Mme A..., représentée par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer le titre de séjour sollicité et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
La décision portant refus de titre de séjour :
- est irrégulière en l'absence de rapport du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La décision fixant le délai de départ volontaire :
- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La décision fixant le pays de destination :
- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 13 avril 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant refus d'un titre de séjour sollicité pour des motifs médicaux ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un courrier enregistré le 13 octobre 2023, Mme A... a accepté de lever le secret médical.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a produit un mémoire, enregistré le 23 octobre 2023 et qui a été communiqué.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure ;
- les observations de Me Guillaume, substituant Me Bescou, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 18 janvier 1994 à Rezallë (Kosovo) et de nationalité kosovare, est entrée sur le territoire français le 15 octobre 2015 selon ses déclarations, accompagnée de son concubin et de son fils né en 2014. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmé le 30 juin 2016 par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de l'Ain, par un arrêté du 1er juillet 2016, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Par un arrêté du 28 mars 2017, ce même préfet a pris à son encontre un arrêté portant assignation à résidence. Mme A... a présenté, le 12 octobre 2021, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 septembre 2022, la préfète de l'Ain a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Mme A... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2022 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...). Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".
3. L'article R. 425-11 du même code dispose que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient Mme A..., que la décision en litige est intervenue, après convocation de l'enfant de Mme A... à un examen médical, sur la base d'un rapport du 17 juin 2022, produit en appel, émanant d'un médecin du service médical de l'OFII, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal a pu régulièrement estimer ne pas avoir à solliciter la production de ce rapport dont l'existence ressortait suffisamment des pièces du dossier, étant au demeurant relevé que rien ne faisait obstacle à ce que l'intéressée demande elle-même une copie de ce rapport à l'OFII pour le produire à l'instance si elle l'estimait utile. Par suite, la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure régulière.
5. D'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour refuser d'admettre au séjour Mme A... en qualité de parent d'enfant malade, la préfète de l'Ain s'est appropriée l'avis rendu le 4 juillet 2022 par le collège de médecins de l'OFII, selon lequel, si l'état de santé du fils de l'intéressée né le 28 mars 2018 nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme A... est atteint d'un trouble neurodéveloppemental majeur caractérisé par un trouble du développement intellectuel, un retard moteur avec marche acquise seulement à l'âge de 4 ans et 4 mois, une absence de langage verbal et de communication, un trouble de l'oralité alimentaire, des signes autistiques ainsi que des traits dysmorphiques avec microcéphalie, plagiocéphalie et crête métopique, étant relevé que l'enfant bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire en psychomotricité, orthophonie et ergothérapie au sein d'un centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP). S'il ressort du certificat médical du 23 septembre 2022, dont les termes sont repris à l'identique dans le certificat du 25 octobre 2022, et des certificats médicaux des 2 et 7 février 2023 postérieurs à la décision attaquée, que l'état de santé de l'enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait une régression de son développement, une évolution vers une psychose déficitaire avec régression vers un état grabataire et des troubles du comportement étant probable, ces risques, tels qu'évoqués dans ces certificats, ne revêtent pas un caractère d'exceptionnelle gravité au sens des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne sont dès lors pas, à eux seuls, de nature à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'OFII. Par suite, la préfète de l'Ain n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à Mme A... le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement de ces dispositions.
7. En second lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation dont la décision portant refus de titre de séjour serait entachée.
En ce qui concerne les autres décisions :
8. Mme A... soutient, en premier lieu, que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle soutient, en deuxième lieu, que la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination sont illégales compte tenu de l'illégalité des décisions précédentes. Elle soutient, en dernier lieu, que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et qu'elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans son principe et sa durée. Ces moyens doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être tous écartés par les motifs retenus par les premiers juges, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète de l'Ain et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 23LY00540 2