Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre, d'une part, des années 2015 et 2016 et, d'autre part, de l'année 2017.
Par un jugement n°s 2206662-2206663 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint ces demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 16 avril 2024, sous le n°24LY01111, M. B... A..., représenté par Me Grau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne démontre pas qu'il avait la qualité de seul maître de l'affaire ;
- elle n'établit pas qu'il aurait bénéficié personnellement des distributions de la société ;
- il conteste la réalité des revenus distribués en se référant aux moyens développés dans la requête présentée pour l'EURL Au comptoir de la caisse ;
- l'administration n'était pas fondée à lui appliquer la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses ;
- elle n'était pas davantage fondée à lui appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a produit un mémoire, enregistré le 16 septembre 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
II. Par une requête enregistrée le 22 mai 2024, sous le n° 24LY01461, M. B... A..., représenté par Me Grau, demande à la cour :
1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension du recouvrement des impositions contestées jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête n°24LY01111 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il existe un doute sérieux concernant sa qualité de maître de l'affaire ainsi que son appréhension des revenus distribués en litige ;
- la condition d'urgence est caractérisée par l'obligation de payer immédiatement une somme très importante de nature à compromettre tant sa situation financière que sa crédibilité au regard de ses partenaires commerciaux.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la condition d'urgence et celle tenant au doute sérieux quant à la légalité de l'imposition ne sont pas satisfaites.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Essayem substituant Me Grau, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Au comptoir de la caisse qui exerce une activité d'achat-revente, entretien réparation et maintenance de caisses enregistreuses tactiles et de logiciels de caisse, dont M. A... est gérant et associé unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, prolongée jusqu'au 30 avril 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2015, 2016 et 2017, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période courant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. En conséquence de ces rectifications, par une proposition de rectification du 12 décembre 2018, l'administration a taxé entre les mains de M. A..., qu'elle a regardé comme seul maître de l'affaire, des sommes qualifiées de revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code. Par la requête n° 24LY01111, M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties. Par la requête n° 24LY01461, il demande également de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension du recouvrement de ces impositions et pénalités.
2. Les requêtes n°s 24LY01111 et 24LY01461 sont relatives aux mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête n° 24LY01111 :
3. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de charges de l'EURL Au comptoir de la caisse. Ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués, imposables entre les mains de M. A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, tant sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts que sur celui du c de l'article 111 du même code.
4. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...). ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ".
5. Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
6. D'autre part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ".
7. L'octroi d'un avantage sans contrepartie doit être qualifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
8. En cas de refus, comme en l'espèce, des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées par une société, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé, sauf à démontrer qu'il peut être regardé comme le maître de l'affaire.
En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :
9. En premier lieu, M. A... réitère en appel le moyen tiré de ce que le rejet de la comptabilité de l'EURL Au comptoir de la caisse pour les trois exercices en litige est totalement injustifié. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal aux points 7 et 8 de son jugement.
10. En second lieu, M. A... conteste la réintégration dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse de plusieurs factures, que l'administration a regardées comme présentant notamment un caractère fictif ou de complaisance.
S'agissant des loyers facturés par la SCI Karsab :
11. L'administration a réintégré, dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse, des sommes correspondant au règlement de factures de loyers, émises par la SCI Karsab, dont le représentant légal est M. B... A..., d'un montant trimestriel de 4 500 euros, au titre des années 2015 et 2016 et d'un montant mensuel de 1 500 euros au titre des mois de janvier à mai 2017, pour la location d'un local situé à Valence. L'administration a relevé que, lors du contrôle dont elle a fait l'objet, l'EURL Au comptoir de la caisse n'a pas été en mesure de présenter de contrat de bail, que le mandat de gestion portant sur l'immeuble concerné ne mentionne la location que d'un seul appartement à usage d'habitation pour des loyers bien inférieurs à ceux en litige, que l'EURL Au comptoir de la caisse n'a déclaré aucun établissement à Valence, que l'acte de vente de l'immeuble daté du 14 juin 2017 ne mentionne que des locaux à usage d'habitation et qu'aucune facture de consommation d'électricité n'a été fournie au titre des locaux concernés. En appel, le requérant se borne à se référer aux mêmes éléments que ceux produits en première instance consistant notamment en une attestation d'une agence immobilière, un procès-verbal d'installation de matériel informatique et des témoignages d'agents commerciaux et de clients dont la teneur ne permet pas de contredire sérieusement les constatations du vérificateur. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de ces dépenses des résultats imposables de la société au titre des exercices en litige.
S'agissant des commissions versées à M. E... :
12. Au titre de l'exercice clos en 2016, l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse la somme de 1 514,97 euros, correspondant à des prestations d'apporteur d'affaires non réalisées en l'absence de contrat conclu. En se bornant à faire valoir, sans apporter aucun document permettant de justifier de la réalité des prestations en cause, que les contrats ont été annulés par les clients, alors que l'apporteur d'affaires avait effectué un travail avancé de négociation, le requérant n'établit pas la déductibilité des sommes en cause. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de cette somme du résultat imposable de la société.
S'agissant des factures établies par l'autoentreprise SaMe :
13. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse, au motif qu'il n'était pas justifié de la réalité des prestations d'apporteur d'affaires en cause, la somme de 7 500 euros correspondant au montant de sommes versées à l'autoentreprise SaMe, exploitée par Mme F... C..., ancienne compagne de M. A..., qui avait également exercé, jusqu'au 15 octobre 2015, les fonctions de directrice des ventes et contrôleuse de gestion au sein de l'EURL Au comptoir de la caisse. M. A... fait valoir que la participation de Mme C... justifiait sa rémunération en raison de sa connaissance du milieu et de la clientèle. Toutefois, les documents auxquels il se réfère et qu'il a produits en première instance, constitués essentiellement de bons de commande et d'échange de courriers électroniques, ne suffisent pas à établir la réalité des prestations exercées par l'autoentreprise SaMe, alors que les clients concernés qui ont été contactés par l'administration n'ont pas confirmé la réalité de l'intervention de cette entreprise. Par suite c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de cette somme des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
S'agissant de la facture de 18 000 euros émise par M. G... :
14. Au titre de l'exerce clos en 2015, l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse une facture émise par M. G..., d'un montant de 18 000 euros. Si M. A... indique que cette facture correspond à un rachat de matériel auprès de M. G... et que cette opération a été annulée, cette facture, toutefois, a été comptabilisée en dépit de l'annulation de l'opération. Par suite, alors même qu'un avoir correspondant à cette opération a été émis postérieurement aux opérations de contrôle, le 18 février 2021, c'est à bon droit que l'administration a considéré que cette facture présentait un caractère fictif et a refusé la déduction de cette somme des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
S'agissant de la facture émise par la SARL BLS Confluence :
15. Au titre de l'exercice clos en 2015, l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse la somme de 3 700 euros, correspondant à une facture émise par la SARL BLS Confluence, qui exploite le restaurant Selcius, portant sur l'organisation d'un séminaire pour 50 personnes, le 9 juin 2015. L'administration a remis en cause la déduction de cette charge au motif que l'EURL Au comptoir de la caisse n'avait pu apporter aucune précision ou document sur l'identité des 50 participants, sur l'organisation de ce séminaire et sur la validation de la prestation retenue auprès du restaurant. Il ressort de la proposition de rectification du 12 décembre 2018 que l'administration s'est également fondée sur le fait que la comptabilité de la SARL BLS Confluence ne comprenait pas la facture litigieuse. En se bornant à invoquer l'importance de ce séminaire pour les salariés, clients et fournisseurs de l'EURL Au comptoir de la caisse et à se référer aux attestations produites en première instance, établies par deux membres du personnel de la SARL BLS Confluence, concernant la présence de 50 personnes au restaurant le 9 juin 2015, M. A... n'établit pas la réalité de la prestation en cause. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de cette somme des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
S'agissant des factures émises par le Cabinet d'avocats Brumm et associés :
16. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse les sommes de 2 400 euros et de 3 345 euros correspondant à quatre factures émises par le cabinet d'avocats Brumm et associés et mentionnant comme objet " abonnement juridique ", au motif qu'elles se rapporteraient en réalité à des litiges d'ordre privé concernant M. A..., ainsi qu'il avait pu être déduit des recoupements effectués avec d'autres documents trouvés dans la comptabilité de la société. En se bornant à se prévaloir de la nécessité dans laquelle l'EURL Au comptoir de la caisse se trouve d'avoir recours à une assistance juridique sans apporter aucun élément permettant d'établir l'existence d'un abonnement juridique auprès du cabinet d'avocats concerné ou de prestations réalisées au bénéfice de la société, le requérant ne remet pas en cause l'absence d'intérêt que présentaient ces charges pour l'exploitation de l'EURL Au comptoir de la caisse. C'est à bon droit, dès lors, que l'administration a refusé la déduction de cette somme des résultats de la société.
S'agissant des factures émises par la SARL Dizing :
17. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a remis en cause la déduction opérée par l'EURL Au comptoir de la caisse de factures d'un montant total de 49 500 euros émises par la SARL Dizing, dirigée par Mme H..., qui exerce l'activité d'architecte et décorateur d'intérieur, après avoir constaté que ces dépenses ont concerné le domicile personnel de M. A.... Si celui-ci se prévaut de ce que Mme H... a joué un rôle dans la mise en relation et la conclusion de contrats avec certains clients de l'EURL Au comptoir de la caisse et qu'elle a fourni des services de préparation à un salon, il n'apporte aucun élément permettant d'établir le bien-fondé de ses allégations et, dès lors, le caractère professionnel de ces dépenses. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de ces sommes des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
S'agissant des factures émises par la société Auchagbri :
18. Au titre de l'exercice clos en 2016, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse des dépenses correspondant à des factures émises par la société Auchagbri au titre de frais de conciergerie pour un montant total de 15 643 euros hors taxe. Dans le cadre du droit de communication exercé par le service vérificateur, la société Auchagbri a indiqué que les prestations fournies à M. A... avaient consisté en l'organisation de déplacements à Paris, de séjours dans un château et à Disneyland Paris, d'un voyage à Marrakech et de la réservation d'une table dans un restaurant gastronomique situé dans le 1er arrondissement de Paris et dans un restaurant situé dans le 16ème arrondissement de la capitale. Si M. A... affirme que ces voyages présentaient un caractère professionnel, la gérante de la société Auchagbri a indiqué à l'administration que l'intéressé lui avait commandé des prestations pour des déplacements et des loisirs personnels. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de l'EURL Au comptoir de la caisse. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a refusé la déduction des sommes correspondantes des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
S'agissant des autres charges :
19. Au titre des exercices en litige, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse des dépenses correspondant à des factures établies au nom de M. A.... Si celui-ci fait valoir que ces dépenses concernent principalement des notes de frais des salariés et des débours engagés au nom et pour le compte de ses partenaires commerciaux, il n'apporte aucun élément permettent d'établir que ces frais auraient en réalité été engagés dans l'intérêt de la société. C'est donc également à bon droit que l'administration a refusé la déduction des sommes correspondantes des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
20. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les sommes en cause ont été réintégrées au résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse si bien que l'administration justifie l'existence et le montant des revenus distribués correspondants.
En ce qui concerne l'appréhension des distributions :
S'agissant de l'imposition au titre de revenus distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts :
21. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 12 décembre 2018, que l'administration a relevé qu'au titre des années en litige, M. A... était le gérant et l'associé unique de l'EURL Au comptoir de la caisse, qu'il disposait de tous pouvoirs sur les comptes bancaires de l'entreprise, qu'il avait suivi les opérations de contrôle, qu'il représentait la société dans différents salons et expositions auxquels elle participait, qu'il assurait la direction et la gestion commerciale de l'entreprise et qu'il avait réalisé à lui seul environ 60 % de son chiffre d'affaires. M. A... soutient qu'il s'est concentré principalement sur les aspects commerciaux de l'entreprise et qu'il était épaulé par une directrice générale puis par une gérante de fait, toutes deux ayant des pouvoirs de gestion et financiers étendus, notamment la signature de documents commerciaux et de chèques, ainsi que l'accès aux comptes bancaires. Il précise que Mme D... a exercé une direction effective pendant une période où ils entretenaient des relations intimes, qu'elle a été reconnue comme gérante de fait de l'EURL par les salariés et les fournisseurs et qu'elle a signé des contrats commerciaux au nom de l'entreprise. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir que Mme D... et l'autre personne avaient un quelconque pouvoir dans la société et qu'elles auraient pu effectivement user sans contrôle des fonds sociaux. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas le regarder comme l'unique maître de l'affaire de l'EURL Au comptoir de la caisse, aux fins d'imposer entre ses mains les sommes en litige en tant que revenus distribués, doit être écarté. Alors que l'administration établit le désinvestissement de l'EURL Au comptoir de la caisse des bénéfices effectivement réalisés et soustraits à l'imposition, c'est à bon droit que les distributions litigieuses ont été mises à la charge de M. A... notamment sur le fondement des dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes étant sans incidence à cet égard.
S'agissant de l'imposition au titre de revenus distribués en application du c de l'article 111 du code général des impôts :
22. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que les sommes correspondant à des dépenses personnelles de M. A..., non engagées dans l'intérêt de l'EURL Au comptoir de la caisse, étaient constitutives de revenus distribués au bénéfice de ce dernier sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. M. A..., qui ne produit pas plus en appel qu'en première instance de pièces probantes de nature à remettre en cause les constatations de l'administration à ce titre, ne conteste pas sérieusement avoir été le bénéficiaire de ces sommes et, par suite, qu'il les a appréhendées. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui démontre au surplus qu'il avait la qualité de seul maître de l'affaire, établit que les dépenses correspondantes n'étaient assorties d'aucune contrepartie effective pour l'EURL Au comptoir de la caisse et devaient être taxées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne les pénalités :
23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...). ". Il résulte de ces dispositions que les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle.
S'agissant de la majoration de 80 % :
24. Pour appliquer aux rehaussements portant sur les revenus distribués relatifs aux factures fictives et de complaisance la majoration prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale a relevé que la présentation de ces factures révélait clairement l'intention d'éluder une partie de l'impôt en majorant indûment les charges déductibles du résultat fiscal de l'EURL Au comptoir de la caisse et qu'elle avait eu pour effet de créer une situation de nature à égarer le cabinet d'expertise-comptable dans un premier temps, puis l'administration fiscale dans un second temps, en donnant l'apparence d'une opération économique réelle entre les deux entités figurant sur les factures, et de dissimuler l'identité réelle du véritable bénéficiaire des prestations facturées ou des paiements réalisés. Enfin, l'administration a relevé que ces éléments avaient permis à l'intéressé d'obtenir indûment des versements de l'EURL Au comptoir de la caisse ainsi que le paiement de dépenses personnelles. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, en se bornant à affirmer qu'il n'avait eu aucune intention d'éluder l'impôt et que toutes les charges comptabilisées par l'EURL Au comptoir de la caisse étaient réelles et avaient été engagées dans l'intérêt de son exploitation, M. A... ne conteste pas sérieusement les constats relevés par l'administration qui apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de la mise en œuvre de procédés ayant pour objet d'égarer le service dans son pouvoir de contrôle. Il suit de là que c'est à bon droit qu'elle a appliqué sur les impositions résultant de ces factures fictives et de complaisance la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts.
S'agissant de la majoration de 40 % :
25. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 12 décembre 2018, que l'administration a appliqué une pénalité pour manquement délibéré aux impositions en litige autres que celles portant sur les distributions correspondant à la prise en charge dans les résultats sociaux de factures fictives ou de complaisance. L'administration justifie l'application de ces pénalités pour manquement délibéré en relevant que la nature, le montant, le caractère répété et l'importance des dépenses concernées, non engagées dans l'intérêt de l'EURL au comptoir de la caisse ne pouvaient résulter d'une simple négligence, mais d'une volonté délibérée d'échapper à l'impôt. L'administration a également retenu qu'en sa qualité de gérant, associé unique de l'EURL Au comptoir de la caisse, M. A... ne pouvait ignorer le caractère de revenus distribués de ces prélèvements, ni leur caractère imposable. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, en se bornant à affirmer qu'il n'a eu aucune intention d'éluder l'impôt et que toutes les charges générées par la société étaient réelles et ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation, il ne conteste pas sérieusement les constats ainsi relevés par l'administration qui en conséquence apporte la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de l'intéressé d'éluder l'impôt et justifie, par suite, du bien-fondé de la pénalité qu'elle lui a infligée.
26. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
Sur la requête n° 24LY01461 :
27. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur la requête n° 24LY01111 tendant à l'annulation du jugement n°s 2206662-2206663 du 13 février 2024 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 24LY01461 tendant à la suspension du recouvrement des impositions et pénalités contestées sont devenues sans objet.
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé comme la partie perdante dans cette instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24LY01461 tendant à la suspension du recouvrement des impositions et pénalités en litige.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... dans la requête n° 24LY01461 est rejeté.
Article 3 : La requête n°24LY01111 est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 24LY01111-24LY01461