Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL Au comptoir de la caisse a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2015, 2016 et 2017, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période courant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.
Par un jugement n° 2205889 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Lyon a réduit de la somme de 14 694,23 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés de l'EURL Au comptoir de la caisse au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016, l'a déchargée, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de cet exercice et des pénalités correspondantes en conséquence de la réduction de sa base d'imposition et, d'autre part, de l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts en tant qu'elle avait été appliquée aux factures émises par M. F... G... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 16 avril 2024 sous le n° 24LY01110, l'EURL Au comptoir de la caisse, représentée par Me Grau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 février 2024, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande ;
2°) de la décharger des impositions et pénalités restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rejet pur et simple de la comptabilité des trois exercices est excessif et injustifié, les erreurs relevées ne remettent pas en question la fiabilité globale des comptes et il est crucial de prendre en considération le contexte global ainsi que la nature des irrégularités constatées ;
- elle démontre qu'elle a effectivement occupé les locaux loués à Valence, justifiant ainsi le paiement de loyers à la SCI Karsab, de sorte que les factures correspondantes ne peuvent être qualifiées de fictives et sont déductibles de ses bénéfices ;
- les commissions versées à M. D..., apporteur d'affaires, sont justifiées par l'exercice effectif des prestations et sont déductibles ;
- les factures établies par l'entreprise SaMe n'ont aucun caractère fictif et sont également déductibles ;
- la facture émise le 6 octobre 2015 par M. G... correspond à l'achat de matériel et n'a aucun caractère fictif ;
- la facture de 3 700 euros émise le 9 juin 2015 par la SARL BLS Confluence portant sur l'organisation d'un séminaire pour 50 personnes correspond à une prestation réelle et peut être déduite ;
- la facture émise par le cabinet d'avocats Brumm et associés n'a pas le caractère de facture de complaisance et peut être déduite ;
- il en est de même des cinq factures émises par la SARL Dizing correspondant à un montant total de 49 500 euros TTC qui ont concerné des prestations effectuées dans l'intérêt de l'entreprise ;
- les factures émises par la société Auchagbri au titre des frais de conciergerie pour un montant total de 15 643 euros HT et de 3 129 euros de taxe sur la valeur ajoutée correspondent à des services rendus dans le cadre professionnel ;
- les autres charges en litige correspondent à des dépenses effectuées dans son intérêt ;
- l'application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée ;
- il en est de même des pénalités pour manquement délibéré ;
- l'application de l'amende de 50 % sur les factures de complaisance n'est pas plus justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions tendant à la décharge d'impositions pour lesquelles aucun moyen n'est invoqué sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par l'EURL Au comptoir de la caisse ne sont pas fondés.
L'EURL Au comptoir de la caisse a produit un mémoire, enregistré le 16 septembre 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
II. Par une requête, enregistrée le 22 mai 2024, sous le n° 24LY01460, l'EURL Au comptoir de la caisse, représentée par Me Grau, demande à la cour :
1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension du recouvrement des impositions contestées jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la requête n° 24LY01110 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il existe un doute sérieux concernant la légalité de l'imposition ;
- la condition d'urgence est caractérisée par l'obligation de payer immédiatement une somme très importante de nature à compromettre tant sa situation financière que sa crédibilité au regard de ses partenaires commerciaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la condition d'urgence et celle tenant au doute sérieux quant à la légalité de l'imposition ne sont pas satisfaites.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,
- et les observations de Me Essayem substituant Me Grau, représentant l'EURL Au comptoir de la caisse ;
Et avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée dans l'affaire n° 24LY01110 pour l'EURL Au comptoir de la caisse enregistrée le 24 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Au comptoir de la caisse qui exerce une activité d'achat-revente, entretien réparation et maintenance de caisses enregistreuses tactiles et de logiciels de caisse, dont M. A... est gérant et associé unique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, prolongée jusqu'au 30 avril 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 12 décembre 2018, l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2015, 2016 et 2017, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période courant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Ces impositions ont été assorties des pénalités pour manœuvres frauduleuses et pour manquement délibéré, ainsi que de l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts. Par un jugement du 13 février 2024, le tribunal administratif de Lyon a réduit de la somme de 14 694,23 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016, a déchargé la société, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de cet exercice et des pénalités correspondantes et, d'autre part, de l'amende du I de l'article 1737 du code général des impôts en tant qu'elle a été appliquée aux factures émises par M. F... G... et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par la requête n° 24LY01110, l'EURL Au comptoir de la caisse relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des conclusions de sa demande. Par la requête n° 24LY01460, elle demande la suspension du recouvrement des impositions et pénalités contestées sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
2. Les requêtes n° 24LY01110 et n° 24LY01460 sont relatives aux mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête n° 24LY01110 :
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
3. L'EURL Au comptoir de la caisse réitère en appel le moyen tiré de ce que le rejet de sa comptabilité des trois exercices en litige est totalement injustifié. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal aux points 5 à 8 de son jugement.
S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés
4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".
5. Les impositions ont été établies conformément à l'avis émis le 20 septembre 2019 par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, la comptabilité était entachée de graves irrégularités. Par suite, il appartient à la société requérante d'apporter la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.
6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. / (...). ".
A propos des loyers facturés par la SCI Karsab :
7. L'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse des sommes correspondant au règlement de factures de loyers émises par la SCI Karsab, dont le représentant légal est M. B... A..., d'un montant trimestriel de 4 500 euros, au titre des années 2015 et 2016 et d'un montant mensuel de 1 500 euros au titre des mois de janvier à mai 2017, pour la location d'un local situé à Valence. L'administration a relevé que, lors du contrôle dont elle a fait l'objet, l'EURL Au comptoir de la caisse n'avait pas été en mesure de présenter un contrat de bail, que le mandat de gestion portant sur l'immeuble concerné ne mentionne la location que d'un seul appartement à usage d'habitation pour des loyers bien inférieurs à ceux en litige, que l'EURL Au comptoir de la caisse n'a déclaré aucun établissement à Valence, que l'acte de vente de l'immeuble daté du 14 juin 2017 ne mentionne que des locaux à usage d'habitation et qu'aucune facture de consommation d'électricité n'a été fournie au titre du local concerné. En appel, la requérante se borne à se référer aux mêmes éléments que ceux produits en première instance consistant notamment en une attestation d'une agence immobilière, un procès-verbal d'installation de matériel informatique et des témoignages d'agents commerciaux et de clients dont la teneur ne permet pas de contredire sérieusement les constatations du vérificateur. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de ces dépenses des résultats imposables de la société au titre des exercices en litige.
A propos des commissions versées à M. D... :
8. Au titre de l'exercice clos en 2016, l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse la somme de 1 514,97 euros correspondant à des prestations d'apporteur d'affaires non réalisées en l'absence de contrat conclu. En se bornant à faire valoir, sans apporter aucun document permettant de justifier de la réalité des prestations en cause, que les contrats ont été annulés par les clients, alors que l'apporteur d'affaires avait effectué un travail avancé de négociation, la requérante n'établit pas la déductibilité des sommes en cause. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé leur déduction de son résultat imposable.
A propos des factures établies par l'autoentreprise SaMe :
9. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse, au motif qu'il n'était pas justifié de la réalité des prestations d'apporteur d'affaires en cause, la somme de 7 500 euros correspondant aux sommes versées à l'autoentreprise SaMe, exploitée par Mme E... C..., ancienne compagne de M. A..., qui avait exercé jusqu'au 15 octobre 2015 les fonctions de directrice des ventes et contrôleuse de gestion au sein de l'EURL Au comptoir de la caisse. Cette dernière fait valoir que la participation de Mme C... justifiait sa rémunération en raison de sa connaissance du milieu et de la clientèle. Toutefois, les documents auxquels elle se réfère et qu'elle a produits en première instance, constitués essentiellement de bons de commande et d'échange de courriers électroniques, ne suffisent pas à établir la réalité des prestations exercées par l'autoentreprise SaMe, alors que les clients concernés qui ont été contactés par l'administration n'ont pas confirmé la réalité de l'intervention de cette entreprise. Par suite c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de cette somme des résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse.
A propos de la facture de 18 000 euros émise par M. G... :
10. Au titre de l'exercice clos en 2015, l'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse une facture émise par M. G..., d'un montant de 18 000 euros. Si la société requérante indique que cette facture correspond à un rachat de matériel auprès de M. G... et que cette opération a été annulée, cette facture, toutefois, a été comptabilisée en dépit de l'annulation de l'opération. Par suite, alors même qu'un avoir correspondant à cette opération a été émis postérieurement aux opérations de contrôle, le 18 février 2021, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'opération comptabilisée présentait un caractère fictif.
A propos de la facture émise par la SARL BLS Confluence :
11. L'administration a réintégré dans le résultat de l'EURL Au comptoir de la caisse de l'exercice clos en 2015 la somme de 3 700 euros, correspondant à une facture émise par la SARL BLS Confluence, qui exploite le restaurant Selcius, portant sur l'organisation d'un séminaire pour 50 personnes, le 9 juin 2015. L'administration a remis en cause la déduction de cette charge au motif que l'EURL Au comptoir de la caisse n'avait pu apporter aucune précision ou document sur l'identité des 50 participants, sur l'organisation de ce séminaire et sur la validation de la prestation retenue auprès du restaurant. Il résulte de la proposition de rectification du 12 décembre 2018 que l'administration s'est également fondée sur le fait que la comptabilité de la SARL BLS Confluence ne comprenait pas la facture litigieuse. En se bornant à invoquer l'importance de ce séminaire pour ses salariés, clients et fournisseurs et à se référer aux attestations produites en première instance, établies par deux membres du personnel de la SARL BLS Confluence, concernant la présence de 50 personnes au restaurant le 9 juin 2015, l'EURL Au comptoir de la caisse n'établit pas la réalité de la prestation en cause. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction de cette somme de son résultat.
A propos des factures émises par le cabinet d'avocats Brumm et associés :
12. Aux titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse les sommes de 2 400 euros et de 3 345 euros correspondant à quatre factures émises par le cabinet d'avocats Brumm et associés, mentionnant comme objet " abonnement juridique ", au motif qu'elles se rapporteraient en réalité à des litiges d'ordre privé concernant M. B... A..., ainsi qu'il avait pu être déduit des recoupements effectués avec d'autres documents trouvés dans la comptabilité de la société. En se bornant à se prévaloir de la nécessité dans laquelle elle se trouve d'avoir recours à une assistance juridique sans apporter aucun élément permettant d'établir l'existence d'un abonnement juridique auprès du cabinet d'avocats concerné ou de prestations réalisées à son bénéfice, la requérante ne démontre pas que ces charges ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation. C'est à bon droit, dès lors, que l'administration a refusé la déduction de ces sommes de ses résultats.
A propos des factures émises par la SARL Dizing :
13. Au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a remis en cause la déduction de factures d'un montant total de 49 500 euros, émises par la SARL Dizing, dirigée par Mme H..., qui exerce l'activité d'architecte et décoratrice d'intérieur, après avoir constaté que ces dépenses ont concerné le domicile personnel de M. A.... Si l'EURL Au comptoir de la caisse se prévaut de ce que Mme H... a joué un rôle dans la mise en relation et la conclusion avec certains clients de contrats et qu'elle a fourni des services de préparation à un salon, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir le bien-fondé de ses allégations et, dès lors, le caractère professionnel de ces dépenses. C'est donc à bon droit que l'administration a refusé la déduction de ces sommes de ses résultats.
A propos des factures émises par la société Auchagbri :
14. L'administration a réintégré dans le résultat de l'exercice clos en 2016 des dépenses correspondant à des factures émises par la société Auchagbri au titre de frais de conciergerie pour un montant total de 15 643 euros hors taxe. Dans le cadre du droit de communication exercé par le service vérificateur, la société Auchagbri a indiqué que les prestations fournies à M. A... avaient consisté en l'organisation de déplacements à Paris, de séjours dans un château et à Disneyland Paris, d'un voyage à Marrakech et de la réservation d'une table dans un restaurant gastronomique situé dans le 1er arrondissement de Paris et dans un restaurant situé dans le 16ème arrondissement de la capitale. En se bornant à affirmer qu'il s'agissait de voyages professionnels organisés par la société Auchagbri, l'EURL Au comptoir de la caisse n'établit pas que les dépenses en cause présentaient un intérêt pour son exploitation. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé la déduction des sommes correspondantes de ses résultats.
A propos des autres charges :
15. Au titre des exercices en litige, l'administration a réintégré dans les résultats de l'EURL Au comptoir de la caisse des dépenses correspondant à des factures établies au nom de M. A.... Si la société requérante fait valoir que ces dépenses concernent principalement des notes de frais des salariés et des débours engagés au nom et pour le compte de ses partenaires commerciaux, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces frais auraient en réalité été engagés dans son propre intérêt. C'est donc également à bon droit que l'administration a refusé la déduction des sommes correspondantes de ses résultats.
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée
16. L'EURL Au comptoir de la caisse reprend, sans le développer davantage en appel qu'en première instance, le moyen tiré de ce que l'administration a remis en cause, à tort, le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses litigieuses. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal aux points 25 et 28 de son jugement.
En ce qui concerne les majorations :
S'agissant des amendes infligées sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts :
17. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture ou à la charge de la personne destinataire de la facture si elle établit que la personne concernée a soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.
18. Il résulte de la proposition de rectification du 12 décembre 2018 que l'administration a estimé que l'EURL Au comptoir de la caisse avait déduit des résultats des exercices en litige, des dépenses correspondant d'une part, à des factures fictives et, d'autre part, à des factures de complaisance. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration démontre, ainsi qu'il lui incombe, que la société requérante a sciemment produit des factures établies par des prestataires qui n'ont pas réalisé les prestations correspondantes à son profit, ou correspondant à des prestations qui n'étaient pas réelles. L'administration était ainsi fondée à appliquer aux montants portés sur ces factures l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts.
En ce qui concerne la majoration pour manœuvres frauduleuses :
19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...). ". Il résulte de ces dispositions que les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle.
20. L'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts aux impositions supplémentaires correspondant à la comptabilisation de factures fictives. Elle a relevé que la présentation de ces factures fictives manifeste clairement l'intention d'éluder une partie de l'impôt en majorant indûment les charges déductibles du résultat imposable et a également pour effet de créer une situation de nature à égarer le cabinet d'expertise-comptable dans un premier temps, puis l'administration fiscale dans un second temps, en donnant l'apparence d'une opération économique réelle entre les deux entités figurant sur les factures, et de dissimuler l'identité du véritable bénéficiaire des prestations facturées ou des paiements réalisés. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, c'est à bon droit qu'elle a appliqué sur les impositions supplémentaires résultant de ces factures fictives la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts.
En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :
21. L'EURL Au comptoir de la caisse reprend en appel, dans les mêmes termes qu'en première instance, le moyen tiré de ce que la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts qui lui a été appliquée n'est pas justifiée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 35 et 36 du jugement attaqué.
22. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, que l'EURL Au comptoir de la caisse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
Sur la requête n° 24LY01460 :
23. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur la requête n° 24LY01110 tendant à l'annulation du jugement n° 2205889 du 13 février 2024 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 24LY01460 tendant à la suspension du recouvrement des impositions et pénalités contestées sont devenues sans objet.
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé comme la partie perdante dans cette instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24LY01460 tendant à la suspension du recouvrement des impositions et pénalités restant en litige.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par l'EURL Au comptoir de la caisse dans la requête n° 24LY01460 est rejeté.
Article 3 : La requête n° 24LY01110 est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Au comptoir de la caisse et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°s 24LY01110-24LY01460
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