Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D.... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de décisions du 23 septembre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2301758 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2023, Mme C... D...., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Sabatier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301758 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 23 septembre 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Mme D.... soutient que :
- elle est fondée à solliciter le prononcé, avant-dire droit, d'une injonction tendant à ce que le préfet lui communique le rapport médical préalable à l'avis rendu par le collège de médecins de de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'absence de prise en charge médicale de l'enfant D... ;
- la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et désignant son pays sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Mme D.... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les observations de Me Guillaume, pour Mme D.....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D...., ressortissante algérienne née en 1989, est entrée en France le 18 mars 2018, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa espagnol de court séjour, accompagnée d'un fils mineur, D... A......., né en juillet 2013. En novembre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade et le préfet du Rhône lui a alors délivré un certificat de résidence d'un an valable à compter du 24 avril 2020. Mais, par des décisions du 23 septembre 2022, il lui en a refusé le renouvellement et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en désignant le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Mme D.... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juillet 2023, qui a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales du 23 septembre 2022.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".
3. Les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants mineurs dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade. Il est alors loisible au préfet de consulter pour avis le collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
4. Pour refuser de renouveler le certificat de résidence de Mme B......, le préfet du Rhône s'est appuyé sur l'avis rendu le 7 septembre 2021 par le collège de médecins de l'OFII, selon lequel une abstention de prise en charge médicale, pour nécessaire qu'elle soit, de l'état de santé de l'enfant D... ne devrait pas entraîner pour ce dernier de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier que cet enfant présente des séquelles de leucomalacie périventriculaire, des troubles spastiques aux membres inférieurs et des retards de développement ainsi que des troubles épileptiques. Il bénéficie d'un suivi pluridisciplinaire qui lui a permis notamment d'améliorer son potentiel de marche, avec aide technique et bénéficie, depuis octobre 2021, d'une scolarisation en institut médico-psychologique. Les pièces médicales produites par la requérante, en particulier le certificat médical du 19 février 2019, qu'elle cible, émanant d'un médecin pédiatre du centre médico-chirurgical de réadaptation des Massues, qui estime qu'une absence de prise en charge neuro-orthopédique conduirait à une très rapide perte de marche sans récupération possible, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII. Ce collège, après son premier avis favorable du 28 février 2020, n'a plus discerné, le 7 septembre 2021, de conséquences d'une exceptionnelle gravité consécutives à une abstention de prise en charge médicale de l'enfant D.... La circonstance qu'était envisagée, en février 2022, une intervention chirurgicale consistant en une radicotomie postérieure fonctionnelle, n'est pas de nature à rendre obsolète cet avis du 7 septembre 2021. Par ailleurs, il n'est pas démontré, ni même soutenu, que l'enfant D... ne pourrait pas bénéficier, en Algérie, des soins et du suivi qui lui sont nécessaires et d'une scolarité adaptée. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin en l'espèce de solliciter la communication du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'OFII, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnaître l'intérêt supérieur de l'enfant D..., protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que le préfet du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme D.....
5. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Durant son séjour dont la durée, à la date du refus de renouvellement du certificat de résidence, opposé le 23 septembre 2022, s'établissait à 4 années et demi, Mme D.... a exercé un peu plus de neuf mois durant les fonctions de vendeuse polyvalente, à raison de trente heures mensuelles. Elle a pu également tisser des liens dans le cadre de diverses activités associatives. Toutefois, ceci ne suffit pas à témoigner d'une particulière insertion en France de la requérante. Par ailleurs, divorcée en septembre 2020, elle n'est pas dépourvue d'attaches en Algérie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de presque 29 ans, où vivent sa fille, née en 2010, et sa mère. Le préfet du Rhône ne peut ainsi pas être regardé, quand il oppose le refus de séjour en litige, comme portant une atteinte excessive au droit de Mme D.... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations ci-dessus visées de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les autres décisions :
7. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision de refus de séjour, Mme D.... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement.
8. Pour les motifs exposés au point 4, et l'enfant D... n'étant pas séparé de sa mère, cette mesure ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les motifs exposés au point 6, et en l'absence d'argument particulier, cette mesure n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartées les exceptions d'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, articulées à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de celle désignant le pays de renvoi de la requérante.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D.... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D.... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D.... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03340