Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 mars 2023 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2304383 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2023, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
Il soutient que :
- le moyen retenu par le tribunal pour annuler son arrêté, tiré de l'indisponibilité des soins dans le pays d'origine, n'est pas fondé ;
- les autres moyens invoqués devant le tribunal ne sont pas davantage fondés ;
Par un mémoire enregistré le 28 novembre 2023, le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration a présenté ses observations ;
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 20 décembre 2023.
Par mémoire enregistré le 29 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Mathis, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que la critique articulée par le préfet contre le moyen auquel le tribunal a fait droit n'est pas fondée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er mars 1972 a déposé une demande d'asile en France le 21 février 2017, qui a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 28 février 2021. Il s'est ensuite vu délivrer le 30 août 2021 un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 2 mars 2023, le préfet de la Savoie a refusé de renouveler ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours au motif, notamment, qu'il pouvait bénéficier dans son pays d'origine des soins appropriés au regard de son état de santé. Le préfet interjette appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté.
Sur le moyen retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Il ressort de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, émis le 22 novembre 2022, que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si l'intéressé, qui souffre d'un diabète insulino-dépendant, d'hypertension et d'affections psychiatriques, produit des attestations d'un pharmacien en Guinée faisant état de la difficulté d'accès à certains des traitements et matériels médicaux dont il bénéficie en France, il ressort des observations de l'office français de l'immigration et de l'intégration, qui produit pour la première fois en appel les fiches MedCOI correspondant aux pathologies dont est atteint M. A..., que les médicaments indisponibles sont substituables par d'autres médicaments disponibles dans ce pays et qu'il y existe des structures médicales en capacité de le prendre en charge. Dans ces conditions, quand bien-même M. A... justifierait d'une résidence habituelle en France, le préfet de la Savoie n'a pas méconnu les dispositions précitées. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour ce motif, annulé l'arrêté litigieux.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, le préfet de la Savoie, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. A..., a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Par suite, M. A..., qui n'apporte aucune autre précision à l'appui de ce moyen, n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait insuffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. "
7. Il résulte de ce qui a été dit point 3 que le moyen tiré de ce que le préfet de la Savoie ne justifierait pas avoir saisi le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté comme manquant en fait. Alors que le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du collège est dépourvu de précisions, il ressort des pièces du dossier que ce rapport a bien été établi conformément aux dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
9. Si M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2017, soit sept ans à la date de l'arrêté litigieux, qu'il travaillait pendant la durée de son séjour régulier et qu'il est investi comme bénévole dans le milieu associatif de Chambéry, il est célibataire sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Pour les mêmes motifs, et alors que M. A... peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ainsi qu'il vient d'être dit, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, comme indiqué ci-dessus, le refus de titre de séjour opposé à M. A... n'étant pas entaché d'illégalité, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser (...) le renouvellement du titre de séjour (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 613-1 du même code : " Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". Dès lors que l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. A... fait suite à un refus de renouvellement de son titre de séjour, lui-même suffisamment motivé, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte, ne peut qu'être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, M. A..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision aurait été prise aux termes d'une procédure irrégulière, qu'elle méconnaîtrait l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la fixation du pays de destination :
13. Comme il a été indiqué ci-dessus, le refus de titre de séjour opposé à M. A... et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ces décisions doit, en tout état de cause, être écarté. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, M. A... n'est pas fondé à soutenir que sa vie serait menacée dans son pays d'origine et que son retour en Guinée conduirait ainsi à méconnaitre l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de première instance.
15. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions du conseil de M. A... tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2304383 du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°23LY03325