Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, en lui impartissant un délai de départ volontaire de trente jours pour ce faire, et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2304129 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2023, M. C... B..., représenté par Me Paras, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2304129 du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et la décision portant obligation de quitter le territoire français du 5 mai 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir, à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois suivant cette notification et, dans l'attente, de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 septembre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les observations de Me Paras, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant algérien né en 1946, perçoit une pension de retraite française et a été muni d'un certificat de résidence portant la mention " retraité ", valable dix ans à compter du 24 mai 2017. Après avoir retiré ce titre de séjour, par une décision du 12 juillet 2022 que M. B... a vainement contestée par recours gracieux, le préfet de la Loire a, le 5 mai 2023, obligé cet étranger à quitter le territoire français. M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision préfectorale du 5 mai 2023.
Sur les conclusions en annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et son épouse, Mme A... B..., titulaire d'un certificat de résidence de dix ans en qualité de conjointe de retraité, sont parents de cinq enfants, nés entre 1968 et 1984. Tous vivent en France, quatre étant de nationalité française. M. B... a exercé, à Saint-Etienne, de nombreuses années durant, une activité professionnelle, avant de regagner l'Algérie, dans les années 1980, tout en maintenant des liens avec le pays quitté, comme en témoigne son passeport, délivré en avril 2015, où apparaissent de nombreux allers-retours entre la France et l'Algérie. Par ailleurs, les trois fils de M. B... résidant à Saint-Etienne assistent, rôle que ne peut pas tenir l'épouse du requérant, leur père, dont les pathologies, de caractère invalidant et qui ont conduit à hospitalisations, nécessitent une aide humaine. Dans ces conditions, en prononçant, le 5 mai 2023, une mesure d'éloignement à l'encontre de M. B..., alors âgé de presque 76 ans, le préfet de la Loire a porté une atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision doit, par suite, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence les décisions du même jour fixant un délai de départ volontaire de trente jours et désignant le pays de renvoi de M. B....
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. L'exécution du présent jugement n'implique pas que l'administration délivre un titre de séjour au requérant, mais seulement qu'elle réexamine sa situation et le munisse, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Loire de munir le requérant de ce document et de réexaminer sa situation dans les délais respectifs de huit jours et de deux mois suivant la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Paras, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Paras renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 septembre 2023 et l'arrêté du préfet de la Loire du 5 mai 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant cette notification.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Paras au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Paras renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03278