Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 5 décembre 2022 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2300743 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Ben Hadj Younes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 5 décembre 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour litigieux n'est pas suffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la fixation du pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par mémoire enregistré le 23 juin 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou (SELARL Centaure avocats), conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 5 décembre 2022 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
3. Il est constant que M. A..., ressortissant turc né en 1991, est entré le 23 février 2017 en France, pour y rejoindre son épouse, avec laquelle il est marié depuis le 4 novembre 2013 et titulaire d'une carte de résident, désormais valable jusqu'au mois d'août 2031. Le préfet de la Côte-d'Or ne conteste pas que le couple entretient depuis une communauté de vie, ainsi que le corroborent les factures établies à leurs noms, versées au dossier. De leur mariage sont nés, sur le territoire français, deux enfants, le 2 avril 2016 et le 13 octobre 2017. Dans ces circonstances, et alors même que M. A... relève d'une catégorie d'étrangers susceptible de bénéficier du regroupement familial et qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre, il est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
4. Le refus de titre de séjour opposé à M. A... étant ainsi entaché d'illégalité, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement dont il est assorti doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et à demander l'annulation des décisions du préfet de la Côte-d'Or du 5 décembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. Dès lors qu'aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait ne résulte de l'instruction, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, au sens des dispositions précitées, que le préfet territorialement compétent délivre à M. A... une carte de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le préfet de la Côte-d'Or soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Ben Hadj Younes, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2300743 du tribunal administratif de Dijon du 10 juillet 2023 est annulé.
Article 2 : Les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 5 décembre 2022 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Ben Hadj Younes une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03254