Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Dijon, chacun pour ce qui le concerne, d'ordonner au préfet de la Côte-d'Or de se procurer et de communiquer l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 par lesquels le préfet de la Côte-d'Or leur a respectivement refusé la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301031, 2301032 du 10 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 septembre 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Clémang, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner au préfet de la Côte-d'Or de se procurer et de communiquer l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII ;
3°) d'annuler les arrêtés du 13 mars 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de leur délivrer chacun une autorisation provisoire de séjour d'une durée d'un an sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de leur conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour le premier juge d'avoir visé, et statué sur, leurs demandes tendant à la communication de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII ; il est également irrégulier, en l'absence de réponse suffisamment motivée sur le moyen tiré de l'erreur de droit en raison de ce que le préfet s'est crû lié par l'avis du collègue des médecins de l'OFII ;
- le refus de titre de séjour est illégal, l'administration n'ayant pas communiqué l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII ; il est entaché d'erreur de droit, le préfet s'étant crû lié par l'avis du collègue des médecins de l'OFII ; il est entaché d'erreur de fait et d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête de M. et Mme A... a été communiquée au préfet de la Côte-d'Or qui n'a pas produit d'observations.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2023.
Par une ordonnance du 2 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants de la République d'Albanie nés les 17 avril 1985 et 12 août 1992 à Bucaj et Bajram, sont entrés en France en avril 2022, avec leurs deux enfants mineurs. Les demandes d'asile de M. et Mme A... ont été rejetées en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions du 9 janvier 2023. Le 9 juin 2022, M. et Mme A... ont par ailleurs chacun demandé au préfet de la Côte-d'Or la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'état de santé de l'un de leurs enfants. Par deux arrêtés du 13 mars 2023, le préfet de la Côte-d'Or leur a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté leurs demandes d'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité :
2. En premier lieu, le tribunal, au point 10 du jugement attaqué, a visé et s'est prononcé sur la demande de M. et Mme A... tendant à la production du dossier médical détenu par l'OFII, et du rapport médical, aucune irrégularité n'ayant été commise à cet égard.
3. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., le premier juge, qui a répondu au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en se croyant lié par l'avis du collègue des médecins de l'OFII, a suffisamment motivé sur ce point le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité.
Sur la légalité des arrêtés du 13 mars 2023 :
4. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...). ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, (...), se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 dudit code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, (...). ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...). ".
5. En vertu de ces dispositions, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
6. D'autre part aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Tout d'abord, si M. et Mme A... soutiennent que le refus de titre de séjour serait illégal faute pour l'administration d'avoir communiqué l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII dans le cadre de la présente instance, une telle circonstance est, en toute hypothèse, sans incidence sur la légalité d'un tel refus. Le moyen ne peut qu'être écarté.
8. Ensuite, pour refuser à M. et Mme A... un titre de séjour en qualité de parent accompagnant un enfant malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Côte-d'Or s'est approprié l'avis émis le 3 décembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé, après une convocation pour examen au stade de l'élaboration du rapport, que si l'état de santé de leur fils né le 31 août 2017 nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait cependant bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risques vers ce pays. M. et Mme A... se prévalent de ce que, compte tenu de la nature de la pathologie de leur fils et des soins qui lui sont dispensés en France, il ne pourra recevoir en Albanie les soins nécessités par son état de santé. Toutefois, il apparaît que si la pathologie de cet enfant n'a pas été diagnostiquée à sa naissance mais ultérieurement, elle l'a néanmoins été dans son pays d'origine. A cet égard, il résulte d'un certificat médical établi par un neuropédiatre exerçant au centre hospitalier universitaire Nene Tereza de Tirana le 10 mars 2022 qu'un diagnostic a été posé au mois de novembre 2021 et que, malgré l'absence de produit prêt à l'emploi en Albanie, l'enfant a bénéficié du régime alimentaire qu'il devait recevoir, le défaut de disponibilité d'une molécule relevé par ce même certificat n'étant pas ici débattu. D'après le certificat du 28 juillet 2022 émanant d'un praticien hospitalier adressé à l'OFII, cet enfant a pu recevoir en France un traitement lié à un régime alimentaire complété par des acides aminés de synthèse, accompagné d'analyses sanguines hebdomadaires, une ordonnance du 13 novembre 2023 confirmant la nature des aliments prescrits. Si, comme il résulte de deux certificats des 14 avril et 31 août 2023, le chef de service de pédiatrie multidisciplinaire indique que l'alimentation spécifique qu'implique la pathologie de l'enfant ne serait pas proposée en Albanie, il n'apparaît pas, au vu notamment du certificat ci-dessus du praticien albanais précité, et alors que le collège des médecins de l'OFII, qui était informé du traitement donné à l'enfant et en particulier l'administration d'acides aminés de substitution, a lui-même estimé que les soins étaient disponibles dans ce pays, que tel serait le cas ici. Dans ces circonstances, et sans qu'il soit nécessaire de solliciter de l'OFII l'entier dossier médical sur la base duquel ce collège s'est prononcé, il n'apparaît pas que le refus de titre de séjour en litige procéderait d'erreurs de fait et d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il aurait été opposé en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Ces moyens ne sauraient donc être retenus.
9. En deuxième lieu, le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'erreur de droit, le préfet s'étant crû lié par l'avis du collègue des médecins de l'OFII, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
10. En troisième lieu, si M. et Mme A... soutiennent que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant comme de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du fait des traitements inhumains et dégradants auxquels leur fils serait soumis en cas de retour en Albanie, ces moyens doivent, en toute hypothèse, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, être écartés.
11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes. Leur requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
J. ChassagneLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02895
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