Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le syndicat mixte de ... (S...) à leur verser la somme de 11 677,60 euros en réparation de préjudices consécutifs à des travaux de confortement des berges du B... au droit de leur propriété sur le territoire de la commune de Z....
Par un jugement n° 2006586 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er septembre 2023, ensemble un mémoire complémentaire enregistré le 25 avril 2024, Mme C... B..... épouse A..... et M. D... A....., représentés par la SCP Saillet et Bozon, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006586 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner le S... à leur verser la somme de 11 677,60 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020, en réparation de préjudices consécutifs à des travaux de confortement des berges du B... au droit de leur propriété sur le territoire de la commune de Z... ;
3°) de mettre à la charge du S... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, faute que le tribunal ait relevé d'office l'irrecevabilité du mémoire en défense en l'absence de production du mandat du représentant légal du S... ;
- les productions du S... sont irrecevables en l'absence de délégation donné à son président pour le représenter en justice ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que leurs préjudices financiers n'étaient pas établis ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la convention de passage du 15 octobre 2020 portait sur les travaux de remise en état ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'ils n'avaient pas supporté le coût de replantation de la haie arrachée ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que leur préjudice de jouissance n'était pas indemnisable ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le prunier arraché ne se trouvait pas sur leur propriété ;
- le S... est responsable, même sans faute, des dommages que les travaux leur ont causés, eux-mêmes ayant la qualité de tiers ; il a au surplus commis une faute tenant aux conditions irrégulières d'engagement des travaux ;
- ils ont subi des préjudices tenant à l'arrachage d'arbres et d'une haie, ainsi qu'à l'ajout de pierres dans le cours du ruisseau qui le rendent plus bruyant ;
- ils doivent être indemnisés à hauteur des frais qu'ils ont dû supporter pour la remise en état de leur propriété, leur perte de jouissance et leurs troubles dans leurs conditions d'existence.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2024, le S..., représenté par la SELARL CDMF Avocats Affaires publiques, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le S... soutient que :
- les époux A..... se sont opposés à la mise en œuvre de l'accord ;
- le juge administratif est incompétent dès lors que l'accord conclu avec les époux A..... a la nature de contrat de droit privé ;
- la demande de première instance est tardive ;
- la requête est irrecevable pour défaut d'objet dès lors que les dommages ont pris fin ;
- les préjudices sont imputables à une faute des époux A..... qui se sont opposés à la finalisation des travaux de remise en état ;
- subsidiairement, aucun montant ne peut être alloué dès lors que les préjudices ont disparu ou ne sont pas établis ;
- le préjudice de jouissance est la seule conséquence de la mise en œuvre de l'accord et ne peut donc ouvrir droit à réparation.
Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 16h30. Par ordonnance du 29 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 mai 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sansiquet, représentant le S....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... sont propriétaires d'une maison et d'un terrain sur le territoire de la commune de Z..., en bordure du ruisseau B.... Le syndicat mixte de ... (S...) a programmé des travaux de confortement par enrochement des berges de ce ruisseau. Le 14 octobre 2019, M. et Mme A... et le S... ont préalablement conclu un accord aux termes duquel la réalisation des travaux, qui implique une intervention sur leur propriété, s'accompagnerait, outre l'octroi d'une servitude de passage pour les besoins des travaux, de l'arrachage d'arbres et d'une haie, moyennant une réimplantation d'arbustifs à l'issue des travaux, avec apport de terre, ainsi que la pose d'une clôture en limites de propriété. Par le jugement attaqué du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. et Mme A... tendant à ce que le S... soit condamné à leur verser la somme de 11 677,60 euros en réparation des préjudices qu'ils imputent à ces travaux et au non-respect de cet accord.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce qu'allèguent les époux A....., le S... a produit en première instance, en annexe de son premier mémoire en défense, la délibération du conseil syndical du 29 juillet 2020 dont le point 9 donne délégation à son président pour défendre le syndicat dans toutes les actions contentieuses intentées contre lui. Ainsi, le tribunal n'a en tout état de cause entaché son jugement d'aucune irrégularité en ne soulevant pas d'office la prétendue irrecevabilité des écritures en défense pour défaut de qualité du président du S....
Sur la recevabilité des écritures en défense :
3. Pour les motifs exposés au point précédent, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du président du S... pour le représenter en justice doit être écartée.
Sur l'exception d'incompétence opposée en défense :
4. L'accord précité conclu le 14 octobre 2019 entre le S... et les époux A..... se rapporte à la réalisation d'une opération de travaux publics. Il a, dès lors, la nature d'un contrat de droit public. L'exception d'incompétence opposée par le S... au motif que le juge administratif n'est pas compétent pour connaitre d'un contrat de droit privé doit, ainsi, être écartée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Le S... soutient que la demande de première instance des époux A..... serait tardive, au motif qu'elle a été présentée plus de deux mois après le rejet tacite de leur demande préalable indemnitaire. Toutefois, en l'absence de mention du délai et des voies de recours, aucun délai n'est opposable. La fin de non-recevoir invoquée par le S... et tirée de la tardiveté doit en conséquence être écartée.
6. En second lieu, la seule circonstance que les dommages auraient pris fin n'est pas de nature à priver d'objet les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme A..., pas davantage que la circonstance que le tribunal a estimé que certains préjudices ne sont pas établis. La fin de non-recevoir invoquée par le S... et tirée de ce que la requête serait irrecevable pour défaut d'objet doit, en conséquence, être écartée.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Des cocontractants ne peuvent exercer l'un contre l'autre d'autre action que celle procédant du contrat, dès lors que le dommage subi se rattache à l'exécution de ce contrat. Il résulte en l'espèce de l'accord conclu le 14 octobre 2019 entre les époux A..... et le S... qu'ils ne peuvent réclamer sur le fondement des dommages de travaux publics l'indemnisation des préjudices tenant à la réalisation du programme de travaux qui impliquait l'arrachage d'arbres et d'une haie. En revanche, ils peuvent demander la réparation du défaut d'exécution de cet accord s'il apparait que le S... n'a pas procédé ou fait procéder, à l'issue des travaux de confortement des berges du B..., à la remise en état prévue sous la forme d'une réimplantation d'arbustifs avec apport de terre ainsi que de la pose d'une clôture en limites de propriété.
8. En premier lieu, il est constant que le S... a procédé à l'apport de terre au-dessus du remblai, conformément à ce que prévoit l'accord. Les époux A..... contestent la qualité de la terre dite végétale qui a été utilisée, alors que l'accord prévoit que la terre utilisée doit permettre la plantation d'arbustifs. Ils produisent à cet égard un projet de convention d'autorisation de passage pour la réalisation de travaux de remise en état, qui évoque le " décapage de la terre végétale (épaisseur = 30 cm) non conforme ". Aucun élément précis n'est toutefois produit sur la qualité de la terre alors que l'accord ne contient aucune spécification particulière et il résulte de l'instruction et notamment des photographies non contestées produites en défense que des arbustifs ont pu être plantés. Aucune inexécution ne peut ainsi être retenue de ce fait.
9. En deuxième lieu, les époux A..... soutiennent qu'ils ont dû supporter le coût de plantation d'arbustifs. Il ressort des écritures du S... qu'il a stoppé les travaux de remise en état sans avoir planté les arbustifs prévus par l'accord conclu avec M. et Mme A.... Ces derniers font valoir qu'ils ont été contraints de procéder eux-mêmes à cette plantation, dont la matérialité est établie et d'ailleurs non contestée. Il ressort des deux factures produites par les époux A..... en appel que cette opération de plantation a nécessité l'achat de plants et du volume adéquat de terreau de plantation pour des montants de 110,01 euros et 451,35 euros, soit un montant total de 561,36 euros, qu'il y a en conséquence lieu de leur allouer.
10. En troisième lieu, les époux A..... font valoir que le S... n'a pas installé la clôture prévue par l'accord du 14 octobre 2019, ce que le S... admet. Le S... fait valoir que les époux A..... se sont opposés à l'installation d'un portillon, qui n'est toutefois pas prévu par l'accord. Aucune faute ne peut ainsi être imputée aux époux A...... E... résulte de l'instruction et notamment du devis d'aménagement produit par M. et Mme A... que la pose d'une clôture en limites de propriété correspond à un coût de 2 340 euros HT, soit un coût TTC de 2 808 euros. Il y a en conséquence lieu d'allouer ce montant aux époux A....., si mieux n'aime le S... procéder lui-même à cette pose, avec l'autorisation d'accès des époux A......
11. En quatrième lieu, le retard mis par le S... à mettre en œuvre l'accord conclu avec les époux A..... a entrainé pour ces derniers des troubles dans les conditions d'existence, dont il sera fait en l'espèce une juste appréciation en les évaluant à la somme de 500 euros.
12. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de confortement des berges auraient généré une majoration réelle du bruit d'écoulement de l'eau dans le ruisseau. Aucun montant ne peut dès lors être alloué à ce titre.
13. En sixième lieu, les montants précités seront assortis d'intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2020, date de réception par le S... de la demande indemnitaire préalable des époux A......
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les époux A..... sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas condamné le S... à leur verser la somme totale de 3 869,36 euros, outre intérêts au taux légal dans les conditions qui viennent d'être exposées.
Sur les frais de l'instance :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du S... une somme de 1 500 euros à verser aux époux A..... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les époux A..... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le S... sur le même fondement doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2006586 du 4 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Le syndicat mixte de ... est condamné à verser à M. et Mme A... une somme de 3 869,36 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2020, sous réserve de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt sur la possibilité pour ce syndicat mixte de procéder lui-même à la pose de cette clôture, la somme allouée devant alors être réduite du montant TTC indiqué au même point.
Article 3 : La somme de 1 500 euros, à verser à M. et Mme A..., est mise à la charge du syndicat mixte de l'Isère et de l'Arc en Combe de Savoie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..... épouse A..... et M. D... A....., ainsi qu'au syndicat mixte de l'Isère et de l'Arc en Combe de Savoie.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02810