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03/10/2024 | FRANCE | N°23LY02376

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 03 octobre 2024, 23LY02376


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



I - M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 20 mai 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a prolongé d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français dont il avait fait l'objet et l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Thiers pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2301053 du 26 mai 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté

sa demande.



II - M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I - M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 20 mai 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a prolongé d'un an l'interdiction de retour sur le territoire français dont il avait fait l'objet et l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Thiers pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2301053 du 26 mai 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

II - M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 3 juillet 2023 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme a renouvelé pour une durée de quarante-cinq jours la mesure d'assignation à résidence du 20 mai 2023.

Par un jugement n° 2301595 du 11 juillet 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 14 juillet 2023 sous le n° 23LY02376, M. D... C..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2301595 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et d'annuler l'arrêté préfectoral d'assignation à résidence du 3 juillet 2023 ;

2°) subsidiairement, à titre de mesure d'instruction, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de justifier des diligences relatives à l'exécution de la mesure d'éloignement et de la faisabilité de cette dernière dans le délai de 45 jours ;

3°) de lui allouer le bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire, au titre de la première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou bien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- la présidente du tribunal a manqué à son devoir d'impartialité et a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de communiquer son dossier ;

- c'est au prix d'une erreur de fait qu'elle a estimé que l'administration n'avait pas à justifier des diligences effectuées par le préfet en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- il est recevable à contester le jugement en tant qu'il rejette la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dès lors que l'article 62 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, qui interdit tout recours en la matière, méconnaît l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que l'article 6, 1° et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la présidente du tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit en subordonnant l'octroi provisoire de l'aide juridictionnelle au dépôt préalable de demande d'une telle aide ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'une erreur de droit pour défaut d'examen de sa situation ;

- le préfet a également commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement.

Le préfet du Puy-de-Dôme, régulièrement mis en cause, n'a pas produit de mémoire en défense.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 août 2023.

II - Par une requête enregistrée le 21 août 2023 sous le n° 23LY02710, M. D... C..., représenté par Me Demars, demande à la cour :

1°) d'annuler, ou subsidiairement de réformer, le jugement n° 2301053 du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et d'annuler les décisions préfectorales du 20 mai 2023 portant prolongation d'interdiction de retour et assignation à résidence ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de sept jours suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- la présidente du tribunal a manqué à son devoir d'impartialité, méconnu le principe du contradictoire, car il n'a pas pu prendre connaissance en temps utile des pièces produites par le préfet, omis de statuer sur ses conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'il soit enjoint au préfet de communiquer son dossier, omis de répondre à son moyen d'erreur de fait affectant la décision d'assignation à résidence et elle a insuffisamment motivé son jugement ;

- les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente pour ce faire et sont entachées d'un vice de forme au regard des exigences posées par l'article L. 212-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de prolongation de l'interdiction de retour est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de qualification juridique des faits et d'une erreur de droit ;

- cette décision est également entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de l'interdiction de retour, elle est insuffisamment motivée et entachée de deux erreurs de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.

Le préfet du Puy-de-Dôme, régulièrement mis en cause, n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., ressortissant algérien né en 1991 est entré en France à la date déclarée du 2 janvier 2022. Par décisions du 12 juillet 2022, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi, et lui a interdit tout retour pendant une période de deux ans. Le préfet du Puy-de-Dôme, suite à l'interpellation de cet étranger par les services de gendarmerie, a, par décisions du 20 mai 2023, prolongé d'un an l'interdiction de retour et a assigné M. C... à résidence dans l'arrondissement de Thiers pour une durée de 45 jours. Par décision du 3 juillet 2023, le préfet a renouvelé cette assignation à résidence pour la même durée. M. C... relève appel des jugements du 26 mai et du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant ses demandes d'annulation des décisions préfectorales des 10 mai et 3 juillet 2023.

2. Les deux requêtes enregistrées sous les n° 23LY02376 et 23LY02710 concernent la situation de la même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers ni de la motivation des jugements attaqués des 26 mai et 11 juillet 2023 que la présidente du tribunal aurait manqué à son devoir d'impartialité. Ne sont pas susceptibles de révéler un tel manquement le rejet, par ces jugements, des demandes d'admission provisoire du requérant au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou les déclarations de la présidente rapportées par des organes de presse ou la prétendue application d'un régime de preuve défavorable au requérant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". Aux termes de l'article L. 6 du même code : " Les débats ont lieu en audience publique ". En vertu de l'article R. 776-21 du même code, " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) " Aux termes de l'article R. 776-24 du même code : " Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations. ". L'article R. 776-26 du même code prévoit que " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. ".

5. Il résulte de ces dispositions combinées, dans le champ desquelles entre le litige soumis par M. C... au tribunal administratif compte tenu de l'assignation à résidence qui a été prononcée le 20 mai 2023 à son encontre, qu'en dérogation à la procédure juridictionnelle écrite de droit commun, l'instruction contradictoire se poursuit à l'audience et la clôture de l'instruction est prononcée à l'issue du débat oral.

6. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. C... a eu communication, dans le cadre de l'instance n° 2301053 devant le tribunal, des pièces, la plupart connues du requérant, produites le 26 mai 2023 à 8 heures 51 par le préfet du Puy-de-Dôme, mises à disposition à 8 heures 57, et qu'il pouvait discuter lors de l'audience du même jour, ouverte à 9 heures, à laquelle il assistait. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué n° 2301053 du 26 mai 2023 aurait été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué du 26 mai 2023 que la présidente du tribunal a répondu à la demande du requérant tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, pour la rejeter. Ensuite, la présidente a expressément répondu, dans son jugement du 11 juillet 2023, aux conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de produire son dossier. Si, dans son jugement du 26 mai 2023, elle a visé de telles conclusions, elle n'était pas tenue d'y répondre, d'autant que, comme l'indique le jugement, les pièces s'y rapportant avaient été communiquées par le préfet. D'autre part, la présidente du tribunal a écarté, au point 5 du même jugement du 26 mai 2023, les moyens d'erreur de fait soulevés par le requérant. Par suite, les jugements attaqués ne sont pas entachés d'omissions à statuer.

8. En quatrième lieu, le jugement du 26 mai 2023 est motivé, conformément aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative.

9. En cinquième lieu, il résulte du dernier alinéa de l'article 62 du décret susvisé du 28 décembre 2020 que " La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours " et ainsi que l'exposent les articles 61 et 63 du décret du 28 décembre 2020, l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être accordée dans une situation d'urgence et le bureau d'aide juridictionnelle, qui est saisi de la demande, statuera seul de façon définitive sans être lié par la décision provisoire, sa décision définitive étant elle-même susceptible de recours. Par ailleurs, le jugement rendu est lui-même susceptible de faire l'objet d'une voie de recours dans le cadre de laquelle le requérant, qui pourra solliciter le bénéfice de l'aide juridictionnelle s'il en remplit les conditions, sera en mesure de contester le sens du jugement et sa régularité. Ainsi, l'article 62, qui, afin de tenir compte de l'urgence et dans un souci de rapidité de jugement du litige, exclut l'exercice d'un recours spécifique contre la seule décision provisoire sur l'aide juridictionnelle, compte tenu en particulier de la possibilité de contester à la fois la décision définitive sur l'aide juridictionnelle ainsi en outre que le jugement, ne méconnait ni l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ni les articles 6, 1° et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'étant pas, aux termes de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020, susceptible de recours, le requérant n'est pas recevable à critiquer le rejet qui lui a été opposé.

10. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché le jugement du 11 juillet 2023, qui se rapporte à son bien-fondé, est sans incidence sur sa régularité.

11. Il résulte de ce qui précède que les jugements attaqués ne sont pas irréguliers.

Sur les conclusions relatives à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire pour sa requête de première instance :

12. Aux termes de l'article 62 du décret susvisé du 28 décembre 2020 : " (...) La décision statuant sur la demande d'admission provisoire n'est pas susceptible de recours. ".

13. Les conclusions d'appel de M. C... tendant à l'annulation du jugement du 11 juillet 2023 qui a rejeté sa demande d'admission, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et au soutien desquelles il invoque une erreur de droit tirée de ce que la présidente a, à tort selon lui, subordonné à une demande d'aide juridictionnelle, l'octroi, à titre provisoire, de cette aide, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables, ainsi que celles tendant à l'allocation provisoire de l'aide juridictionnelle au titre de la première instance.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

14. D'une part, par un arrêté du 2 mars 2022, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Puy-de-Dôme, le préfet de ce département a donné à Mme B... A..., sous-préfète de l'arrondissement de Thiers, délégation à l'effet de signer, pendant ses périodes de permanence du corps préfectoral, notamment les décisions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, y compris les assignations à résidence. Il n'est pas démontré et ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme A... n'aurait pas été, le jour de la signature des décisions contestées, de permanence. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que les décisions des 20 mai et 3 juillet 2023 contestées portant prolongation d'interdiction de retour sur le territoire français, assignation à résidence et renouvellement de cette assignation auraient été prises par une autorité incompétente pour ce faire.

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 212-3 du même code : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Ce référentiel est fixé par le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique qui renvoie notamment aux articles 26, 28 et 29 du règlement n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014. Aux termes de l'article 1er de ce décret : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ".

16. En se bornant à citer la mention " signé électroniquement par B... A... à la date du 20 mai 2023 15:43:14 GMT ", figurant sur l'une des décisions contestées du 20 mai 2023, sans expliquer en quoi aurait été méconnu le référentiel général de sécurité, en particulier s'agissant de la qualification de la signature électronique, le requérant n'apporte pas d'éléments de nature à remettre pas en cause la présomption de fiabilité posé par l'article 1er du décret du 28 septembre 2017. Le moyen tiré d'un " vice de forme " articulé à l'encontre des décisions des 20 mai et 3 juillet 2023 contestées doit en conséquence être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 612-11 du même code : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : 1° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français alors qu'il était obligé de le quitter sans délai (...) ". Aux termes de son article L. 612-10 : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même (...) pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

18. Il ressort sans équivoque des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement et d'une interdiction de retour sur le territoire français, prises le 12 juillet 2022 par le préfet de police, décisions dont il a signé les notifications respectives. Durant les dix-sept mois de son séjour en France, ce ressortissant algérien est connu pour des faits de vol en réunion, le 12 juillet 2022, pour des faits de conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans assurance et il a fait l'objet d'une interpellation, le 20 mai 2023, en raison d'un comportement suspect assimilé à une tentative d'intrusion dans des habitations. Il ne se prévaut d'aucune attache en France et ses parents, ses frères et sœurs ainsi que ses propres enfants et la mère de ces derniers résident en Algérie. Dans ces conditions, en portant à trois ans la durée d'interdiction de retour, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur " dans la qualification juridique des faits ", ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation, moyens confusément articulés à l'encontre de cette décision, même si le requérant n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement antérieure à celle du 12 juillet 2022.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

19. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". L'article L. 733-1 de ce code précise que : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie ".

20. L'assignation à résidence prononcée le 20 mai 2023 ne trouvant pas son fondement dans la décision de prolongation de la durée d'interdiction de retour du même jour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette dernière ne peut qu'être écarté.

21. En visant notamment le 1° de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en mentionnant que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 12 juillet 2022, que son éloignement demeure une perspective raisonnable mais qu'il ne peut pas quitter immédiatement le territoire français, compte tenu de la nécessité d'obtenir un laissez-passer consulaire, le préfet du Puy-de-Dôme a motivé sa décision en droit et en fait, conformément aux exigences de l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. Cette décision est exactement fondée sur les décisions du préfet de police du 12 juillet 2022 et le préfet n'a pas davantage commis d'erreur de fait en estimant que l'intéressé, pour n'avoir produit qu'une photographie de son passeport, était dépourvu de document de voyage en cours de validité.

23. En se bornant à faire état de l'existence d'une " crise diplomatique " entre les autorités françaises et algériennes, qui aurait entraîné une suspension de la délivrance des laissez-passer consulaires, M. C..., qui, pourtant, revendique la détention d'un passeport, ne démontre pas l'absence de perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement. Le moyen d'erreur de droit doit par conséquent être écarté.

24. Enfin, en se bornant à relever que le préfet l'oblige à se présenter tous les jours à 9 heures, aux services de gendarmerie nationale de Thiers, le requérant, qui réside également à Thiers, ne démontre pas que le préfet a entaché sa décision du 20 mai 2023 d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne le renouvellement de l'assignation à résidence :

25. Aux termes de l'article L. 732-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours / Elle est renouvelable deux fois dans la même limite de durée ".

26. D'abord, il ne ressort pas de la motivation de la décision du 3 juillet 2023 portant renouvellement de l'assignation à résidence, ni des pièces du dossier, que le préfet du Puy-de-Dôme n'aurait pas examiné s'il existait des perspectives raisonnables d'éloignement. La décision attaquée n'est donc pas entachée d'une erreur de droit pour défaut d'examen de la situation du requérant.

27. Ensuite, comme exposé au point 23, la seule invocation de tensions entre la France et l'Algérie n'est pas susceptible de démontrer l'absence de perspective raisonnable d'exécution de la mesure d'éloignement. La décision du 3 juillet 2023 n'est donc pas entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation.

28. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire la mesure d'instruction sollicitée, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. En conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées ainsi que celles tendant au versement de frais de procès.

DÉCIDE:

Article 1er : Les requêtes n° 23LY02376 et n° 23LY02710 de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président-assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02376, 23LY02710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02376
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23ly02376 ?
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