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24/09/2024 | FRANCE | N°22LY03255

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 24 septembre 2024, 22LY03255


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le maire de la commune de Taninges a rejeté sa demande de permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement d'un lot sur un terrain situé au lieu-dit Plonnex, et la décision rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 1907176 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour


Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 novembre 2022 et 12 décembre 2023, Mme B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le maire de la commune de Taninges a rejeté sa demande de permis d'aménager portant sur la création d'un lotissement d'un lot sur un terrain situé au lieu-dit Plonnex, et la décision rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1907176 du 26 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 novembre 2022 et 12 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Bastid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 du maire de Taninges refusant le permis d'aménager sollicité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Taninges le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- en contestant les motifs de refus opposés dans le refus de permis d'aménager, elle devait être regardée comme contestant également, par voie d'exception, ceux, identiques, de l'avis défavorable émis par le préfet ;

- l'avis défavorable du préfet est illégal, le projet respectant le principe de continuité d'urbanisation au sens des articles L. 122-5 et L. 122-5-1 du code de l'urbanisme ; à cet égard, la voie privée sans issue grevée d'une servitude de passage n'est pas une route et ne constitue pas une coupure d'urbanisation ; le motif tiré de la discontinuité du projet avec un groupe d'habitations ne peut par ailleurs se cumuler avec le motif précédent tiré d'une coupure d'urbanisation, et il est entaché d'inexactitude, le terrain étant en continuité d'un ensemble d'habitations particulièrement dense, plusieurs permis ayant été délivrés sur des parcelles limitrophes ; la coupure d'urbanisation est en réalité constituée par le ruisseau surélevé par un talus boisé et au-delà duquel se trouvent les espaces agricoles.

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2023, la commune de Taninges, représentée par Me Fiat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés, pour les mêmes motifs que ceux exposés par le préfet de la Haute-Savoie en première instance, les motifs qu'il invoque n'étant au demeurant pas contradictoires et un seul d'entre eux pouvant, à lui seul, fonder l'avis défavorable opposé.

Par ordonnance du 24 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maubon, rapporteure,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;

- les observations de Me Fiat, pour la commune de Taninges.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a déposé le 16 mars 2019 une demande de permis d'aménager portant sur un lot à bâtir, pour une surface hors œuvre maximale envisagée de 300 m², sur un terrain d'une superficie de 1 478 m² cadastré section C... situé au lieu-dit Plonnex, sur le territoire de la commune de Taninges. Par un arrêté du 25 juin 2019, pris après un avis défavorable du préfet de la Haute-Savoie du 14 avril 2019 émis en application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, le maire de la commune de Taninges a rejeté cette demande. Mme B... a formé le 1er août 2019 un recours gracieux, reçu le 5 août suivant par la commune, qui a été rejeté implicitement. Le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement du 26 septembre 2022, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions au motif que le maire de la commune de Taninges était tenu de se conformer à l'avis défavorable du préfet de la Haute-Savoie, dont la régularité et le bien-fondé n'étaient pas contestés par voie d'exception. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne ressort pas du dossier de première instance que Mme B... aurait excipé de l'illégalité de l'avis défavorable du préfet de la Haute-Savoie du 14 avril 2019, émis en application de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, à l'encontre des décisions contestées devant le tribunal administratif de Grenoble. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'une irrégularité en ce qu'il n'aurait pas répondu à ce moyen.

Sur la légalité du refus de permis d'aménager du 25 juin 2019, de l'avis conforme défavorable du préfet de la Haute-Savoie du 14 avril 2019 et du rejet implicite du recours gracieux :

3. D'une part, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

4. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. " L'article L. 122-5-1 du même code précise que " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ".

5. Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants et également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ". Est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un groupe d'habitations suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

6. En l'espèce, par un arrêté du 25 juin 2019, le maire de la commune de Taninges, reprenant l'avis défavorable du préfet de la Haute-Savoie du 14 avril 2019 émis au titre de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, a rejeté la demande de permis d'aménager au motif que le projet n'est pas situé en continuité avec un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant, dont il est séparé par une route formant une coupure d'urbanisation, en méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

7. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques et cartographiques qui y sont joints, complétés par les données publiques de référence produites par l'Institut géographique national et librement accessibles au public sur le site internet geoportail.gouv.fr, que le lieu-dit Plonnex, situé au nord de la route départementale n° 907 dite route de Samoëns, peut être regardé comme un groupe de constructions d'habitation appartenant à un même ensemble, étant relevé qu'il a été identifié comme un hameau dans le projet d'aménagement et de développement durables adopté en septembre 2015. Toutefois la parcelle cadastrée section C..., d'une superficie de 1478 m², est bordée au sud par cette route départementale n° 907 puis un vaste espace naturel, à l'ouest par une route privée goudronnée d'une largeur de 4,30 mètres qui traduit une coupure d'urbanisation, au nord par la parcelle A..., également à usage de pré, non construite et comprenant elle-même en sa partie haute cette même route la séparant du bâti existant. Elle est en continuité, à l'est, nonobstant la présence de quelques arbres et du petit ruisseau du Nanchet, d'un espace agricole et naturel conséquent s'étendant jusqu'au hameau de Verdevant. Le projet en litige ne peut, dans ces conditions, être regardé comme étant en continuité d'urbanisation avec un groupe d'habitations existant au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme. Le moyen, soulevé par voie d'exception, tiré de l'illégalité de l'avis défavorable émis le 14 avril 2019 par le préfet de la Haute-Savoie et fondé sur l'absence de conformité du projet avec l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. Il résulte des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme que l'avis du préfet s'impose à l'autorité communale. Mme B... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de permis d'aménager, ensemble le rejet de son recours gracieux.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Taninges, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doivent également être rejetées, aucun frais de cette nature n'ayant été engagé.

10. Mme B... versera à la commune de Taninges la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Taninges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la commune de Taninges.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.

La rapporteure,

G. Maubon La présidente,

M. F...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY03255 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03255
Date de la décision : 24/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - motifs - Pouvoirs et obligations de l'administration.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Lotissements.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;22ly03255 ?
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