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19/09/2024 | FRANCE | N°24LY00701

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 19 septembre 2024, 24LY00701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour et de lui accorder, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte, et de supprimer toute mention le concern

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Par un jugement n° 2305435 du 23 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour et de lui accorder, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte, et de supprimer toute mention le concernant dans le fichier dit " A... ".

Par un jugement n° 2305435 du 23 novembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mars 2024, M. B..., représenté par Me Combes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'une semaine à compter de cet arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de supprimer toute mention le concernant dans le fichier dit " A... " ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit de son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, est irrégulier, faute d'avoir examiné le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dirigé contre cette décision, soulevé dans son mémoire enregistré le 25 octobre 2023 avant la clôture de l'instruction ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; elle méconnaît l'article L. 611-3 (9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de son état de santé ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 12 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République islamique de Mauritanie né le 22 octobre 1997 à Tevragh Zeina, est entré irrégulièrement en France avec sa mère, sa sœur et son frère en juin 2015. Sa première demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 3 juin 2016, qui a également rejeté sa demande de réexamen le 14 avril 2017. Il a été destinataire d'un arrêté du 13 août 2018 portant notamment refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français devenu définitif. M. B... a demandé, le 19 novembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au préfet de l'Isère qui, par un arrêté du 5 juillet 2023, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 18 septembre 2023, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement des articles R. 776-11 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixé, dans le cadre de l'instance introduite par M. B..., la clôture de l'instruction au 25 octobre 2023 à 12 heures. Toutefois, par un mémoire enregistré le 25 octobre 2023 à 10 heures 57, soit avant l'intervention de cette clôture, l'intéressé, à l'appui de sa demande dirigée contre l'arrêté du 5 juillet 2023 du préfet de l'Isère en ce qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français, a soulevé notamment un nouveau moyen tiré de ce que cette décision méconnaissait l'article L. 611-3 (9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de son état de santé. Or, les premiers juges n'ont ni visé ni répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, et en raison de cette omission, le jugement attaqué doit, en tant qu'il s'est prononcé sur cette décision et sur la décision subséquente fixant le pays de destination, être annulé. Par suite, il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de l'intéressé présentée devant le tribunal dirigée contre ces deux décisions, et par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2023 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Tout personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...). ".

4. M. B... se prévaut de sa durée de résidence sur le territoire français, de la présence de membres de sa famille, de son intégration personnelle et scolaire, et ce, malgré des problèmes de santé. Toutefois, si l'intéressé se prévaut de plus de huit années de présence en France depuis son arrivée au mois de juin 2015, il s'y est cependant maintenu en situation irrégulière malgré un refus de titre de séjour et une mesure d'éloignement, devenus définitifs, pris en 2018. Il apparaît par ailleurs que sa mère et sa sœur ont également fait l'objet de refus de titre de séjour et de mesures d'éloignement, qu'il est majeur, célibataire et sans enfant, et que si son jeune frère est désormais titulaire d'un titre de séjour, il ne justifie pas que sa présence à ses côtés serait indispensable. En outre, si M. B... a obtenu un baccalauréat général série scientifique spécialité sciences et vie de la terre lors de la session 2018, il n'a obtenu depuis, malgré plusieurs inscriptions dans différentes filières de l'enseignement supérieur pour les années 2018-2019 à 2023-2024, aucun diplôme. S'il fait valoir que des problèmes de santé ne lui ont pas permis de mener à bien ces études, et s'il apparaît qu'il a fait l'objet de soins d'ordre psychiatrique et de plusieurs hospitalisations sous contrainte à compter de l'année 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi par le préfet, et alors qu'il n'a pas répondu à sa convocation au stade de l'élaboration du rapport, a émis un avis le 27 février 2023 dont il résulte que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire il pouvait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié, pouvant également à la date de cet avis voyager sans risques vers son pays d'origine. Il n'apparaît pas à cet égard que, avant l'intervention de la décision en litige, il aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Il ne ressort pas en outre des pièces du dossier que M. B... justifierait d'une insertion sur le plan personnel d'une particulière intensité. Aucune atteinte disproportionnée portée par le refus de titre et l'obligation de quitter le territoire français contestés au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni violation de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par ce refus de titre, ne saurait donc être retenue.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...). ".

6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il apparaît que le préfet de l'Isère a saisi pour avis le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a émis un avis le 27 février 2023. Dès lors, et en admettant même que M. B... a entendu soutenir que, faute de saisine de ce collège, l'obligation de quitter le territoire français était entachée d'un vice de procédure, ce moyen ne saurait donc être admis.

7. En troisième lieu, et comme il a été vu ci-dessus, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis en date du 27 février 2023 pour les motifs rappelés plus haut. Si M. B... se prévaut de la pathologie psychiatrique dont il souffre, de ce qu'il a été hospitalisé en décembre 2019, en octobre et novembre 2021 ainsi qu'en janvier et février 2022, produit différents documents médicaux et présente des considérations générales sur l'offre de soins psychiatriques en Mauritanie, ces seuls éléments ne sauraient suffire à remettre en cause l'avis du collège de médecins, émis d'ailleurs postérieurement aux documents médicaux produits. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 (9°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc être retenu.

8. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est fondé, ni à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination du 5 juillet 2023, ni à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande dirigée contre l'arrêté du 5 juillet 2023. Sa demande présentée devant ce tribunal dirigée contre cette obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination et le surplus des conclusions de sa requête présentée devant la cour doivent être rejetés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 novembre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... en ce qu'elle était dirigée contre les décisions du 5 juillet 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et dirigée contre l'arrêté du 5 juillet 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi ainsi que le surplus des conclusions de sa requête présentée devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

J. ChassagneLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00701

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00701
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SARL NOVAS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;24ly00701 ?
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