Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 20 mars 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2302820 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2023, M. C... B... A..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302820 du 30 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble et les décisions préfectorales du 20 mars 2023 ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à venir, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... A... soutient que :
- le préfet a méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... A..., ressortissant algérien né en 1954, a sollicité, le 9 août 2022, la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, l'a obligé à quitter le territoire français, lui impartissant pour ce faire un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi, par des décisions du 20 mars 2023. M. B... A... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande par le jugement du 30 juin 2023 dont il relève appel.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Et aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Pour refuser de délivrer le certificat de résidence sollicité par M. B... A..., le préfet de l'Isère s'est appuyé sur un avis, qu'il a versé au dossier de première instance, émis le 22 novembre 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lesquels ont estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces médicales du dossier, certaines postérieures de quelques semaines à l'arrêté en litige mais éclairant rétrospectivement l'état de santé de M. B... A..., que ce dernier présente plusieurs pathologies dont un diabète de type 2, diagnostiqué en Algérie, compliqué d'une rétinopathie et d'une néphropathie avec une affection aux pieds, et un stress post-traumatique. Son état ophtalmologique se caractérise par une cécité légale de l'œil droit causée par un décollement de rétine ayant conduit à une intervention chirurgicale en 2021 et par une maculopathie oedémateuse de l'œil gauche, encore fonctionnel, qui requiert, pour éviter une baisse de vision définitive, des injections intravitréennes, qui seraient mensuelles, d'un médicament Eylea, réalisées au centre hospitalier universitaire Grenoble-Alpes. Le requérant, qui se borne à faire état de données générales concernant le système de santé algérien et à produire de lapidaires attestations émanant d'un médecin ophtamologiste et d'un pharmacien algériens, ne démontre pas que ce médicament Eylea ou ses équivalents Ranivisio et Lucentis, et d'éventuels génériques, seraient indisponibles en Algérie. Il est vrai que le coût du médicament Eylea s'élève à 640 euros alors que M. B... A... perçoit une retraite d'un montant de l'ordre de 620 euros. Toutefois, le requérant ne démontre pas ni même soutient une impossibilité de prise en charge financière, par le système de santé algérien, de ce médicament comme des divers collyres, gel et pommade qui lui sont prescrits, ou de leurs équivalents. Par ailleurs, M. B... A..., qui était domicilié à Oued-Rhiou, commune algérienne de 65 000 habitants, dispose des moyens financiers pour se rendre à Alger, où se trouve, selon lui, un spécialiste des injections intravitréennes. Le stress post-traumatique du requérant, quant à lui, a été diagnostiqué le 6 septembre 2022 par un psychiatre qui a revu M. B... A... le 16 avril 2023, évoquant alors plus spécifiquement un syndrome anxieux lié à une incertitude pesant sur sa situation, générateur d'amnésies de type antérograde. Il ne ressort pas des pièces du dossier ni des énonciations de ces deux certificats médicaux, où le médecin a recueilli le récit du vécu de M. B... A... durant les évènements de guerre civile de 1992 à 1999, que ce dernier serait exposé à une reviviscence de sa pathologie en cas de retour en Algérie. Ensuite, le requérant ne démontre pas une absence de possibilité d'y bénéficier effectivement d'un suivi psychiatrique ou, même, à la supposer nécessaire, d'une aide psychologique. Ainsi, M. B... A... ne parvient pas à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, qui a estimé qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade à M. B... A..., le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. En prononçant à son encontre une mesure d'éloignement, il n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Si résident en France deux frères cadets du requérant, l'un sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans, M. B... A... n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, sa mère, notamment, s'y trouvant, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 65 ans et où, conformément à ce qui été précédemment dit, il peut être soigné. Le suivi de diverses formations et ses activités associatives, pour louables qu'elles soient, ne permettent pas de qualifier une particulière insertion en France du requérant et l'engagement de ses grands-pères dans l'armée française n'est pas de nature à en témoigner. Par suite, le préfet de l'Isère n'a pas, en lui refusant le séjour et en décidant de l'éloigner, porté une atteinte excessive au droit de M. B... A... au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté.
7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6, le préfet n'a pas entaché ses décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03282