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19/09/2024 | FRANCE | N°23LY01932

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 19 septembre 2024, 23LY01932


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



I - M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 avril 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné un pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303385 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande

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II - M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I - M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 avril 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné un pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303385 du 2 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

II - M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2301169 du 13 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

III - M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand pour une durée de 45 jours, et, en outre, d'enjoindre à cette autorité de communiquer son entier dossier, subsidiairement de justifier des diligences relatives à l'exécution de la mesure d'éloignement et de la faisabilité de cette dernière dans un délai de 45 jours.

Par un jugement n° 2301698 du 20 juillet 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I - Par une requête et un mémoire enregistrés, respectivement, le 5 juin et le 19 juin 2023 sous le n° 23LY01932, M. A... B..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2303385 du 2 mai 2023 et d'annuler les décisions préfectorales du 25 avril 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à venir, de lui délivrer un récépissé ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la mesure d'éloignement est intervenue à l'issue d'une procédure viciée par le défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), est entachée d'une erreur de droit car le préfet n'a pas examiné en totalité sa situation, d'une erreur de fait car il n'a jamais été condamné, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de celles de l'article 8, paragraphe 2 de la directive (UE) 2016 / 343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car il est convoqué en justice le 10 novembre 2023 et le 15 décembre 2023 devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

- l'interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et méconnaît également l'article 8, paragraphe 2 de la directive (UE) 2016 / 343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions le privant d'un délai de départ volontaire et désignant son pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 août 2023.

Par un mémoire distinct enregistré le 18 juin 2023, M. A... B..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité des articles L. 611-1, L. 611-3, L. 612-2 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 en tant qu'ils ne font pas obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement sans délai avec interdiction de retour alors que l'intéressé est convoqué devant une juridiction pénale.

Par une ordonnance du 28 septembre 2023, le président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

II - Par une requête enregistrée le 19 juin 2023 sous le n° 23LY02071, M. A... B..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301169 du 13 juin 2023 et l'arrêté préfectoral d'assignation à résidence du 1er juin 2023 ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le magistrat désigné a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de communiquer son dossier et a manqué à son devoir d'impartialité ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs, d'erreur de droit, d'erreurs de fait et d'erreurs d'appréciation ;

- c'est à tort que le magistrat désigné ne l'a pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, tel que prévu par l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et il est recevable à contester ce refus d'admission dès lors que l'article 62 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, qui interdit tout recours en la matière, méconnaît l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que l'article 6, 1° et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit pour défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement du 23 avril 2023, laquelle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'un vice de procédure et a été prise en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a également méconnu l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 août 2023 et ce rejet a été confirmé par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon n° 23LY03001 du 16 février 2024.

Par un mémoire distinct enregistré le 22 juin 2023, M. A... B..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à constitutionnalité de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article 62 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 au regard des dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

Par une ordonnance du 28 septembre 2023, le président de la sixième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

III - Par une requête enregistrée le 4 août 2023 sous le n° 23LY02587, M. A... B..., représenté par l'AARPI Ad'Vocare, agissant par Me Gauché, demande à la cour :

1°) d'annuler, ou subsidiairement de réformer, le jugement n° 2301698 du 20 juillet 2023 et d'annuler l'arrêté préfectoral d'assignation à résidence du 12 juillet 2023 ;

2°) subsidiairement, à titre de mesure d'instruction, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de justifier des diligences relatives à l'exécution de la mesure d'éloignement et de la faisabilité de cette dernière dans le délai de 45 jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, le magistrat désigné a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de justifier des diligences relatives à l'exécution de la mesure d'éloignement et de la faisabilité de cette dernière dans le délai de 45 jours, et ce jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- il n'existe pas de perspective raisonnable pour son éloignement ;

- le préfet, voulant l'éloigner, aurait dû se conformer à la procédure prévue par l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 août 2023 et ce rejet a été confirmé par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon n° 23LY03004 du 16 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive (UE) n° 2016 / 343 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d'innocence et du droit d'assister à son procès dans le cadre des procédures pénales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né en 2000 est entré en France le 14 août 2017, sous couvert d'un visa de court séjour. Le préfet du Puy-de-Dôme, qui avait implicitement refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant, l'a obligé, le 23 août 2020, à quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour pendant une période d'un an. M. B... n'a pas obtenu l'annulation de ces décisions devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Le préfet du Puy-de-Dôme a de nouveau, le 24 juillet 2021, prononcé une mesure d'éloignement à l'encontre de cet étranger, sans lui accorder de délai de départ volontaire, a désigné son pays de renvoi et porté à deux ans l'interdiction de retour. Le 25 avril 2023, le même préfet a prononcé une troisième mesure d'éloignement, privant de nouveau M. B... d'un délai de départ volontaire et renouvelant l'interdiction de retour de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande d'annulation de ces décisions du 25 avril 2023 et des jugements des 13 juin 2023 et 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant ses demandes d'annulation, le premier d'un arrêté du 1er juin 2023, le second d'un arrêté du 12 juillet 2023, pris par le préfet du Puy-de-Dôme, portant chacun assignation à résidence de M. B... dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand pour une durée de 45 jours.

2. Les trois requêtes enregistrées sous les n° 23LY01932, 23LY02071, 23LY02587 concernent la situation d'un même étranger de nationalité algérienne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance présentées dans la requête n° 23LY02071 :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".Il n'appartient pas à la cour de se substituer rétroactivement au tribunal pour accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la procédure de première instance ayant abouti au jugement attaqué. Les conclusions du requérant tendant à ce que le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordé au titre de la première instance doivent ainsi être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". L'article R. 611-1 du même code dispose que : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611--3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article R. 611-2 de ce code précise que : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

5. Il ressort de son audition par les services de police, réalisée le 25 avril 2023, que M. B... a déclaré être suivi par un médecin psychiatre du centre hospitalier Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, y avoir été hospitalisé à six reprises, dont une période de six mois, et prendre un médicament " Haldol " destiné à stopper les " voix et aliénations ". En effet, selon les comptes rendus produits en appel par le requérant, qui a ainsi levé le secret médical, M. B... a été hospitalisé dans cet établissement, en raison d'une décompensation psychotique, du 29 juillet 2021 au 21 janvier 2022, ce d'abord sous contrainte, puis 18 jours en février 2022, puis 6 jours en juin 2022, et il bénéficie d'une prise en charge ambulatoire tous les 28 jours pour l'administration du médicament Haloperidol, un neuroleptique antipsychotique. Il ressort également des pièces des dossiers que le préfet a été destinataire, le 30 novembre 2021, d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, encore en cours d'instruction, M. B... ayant, dans ce cadre, été convoqué en préfecture pour le 29 mars 2022. Dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme disposait, à la date de l'obligation de quitter le territoire français en litige, d'éléments suffisamment précis permettant de penser que l'intéressé présentait un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers ne pouvant pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, en s'abstenant de mettre en œuvre la procédure de consultation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet du Puy-de-Dôme a entaché sa décision d'une irrégularité procédurale qui a privé M. B... d'une garantie.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité des jugements attaqués ni d'examiner les autres moyens invoqués par M. B..., que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision du 25 avril 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions du même jour le privant d'un délai de départ volontaire, désignant un pays de renvoi et portant interdiction de retour ainsi que l'annulation des décisions des 1er juin et 12 juillet 2023 portant assignation à résidence, lesquelles sont fondées sur la mesure d'éloignement sans délai du 25 avril 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

8. Le présent arrêt qui prononce l'annulation pour excès de pouvoir de la décision d'éloignement prise à l'encontre de M. B..., et non l'annulation d'une décision refusant de délivrer à celui-ci un titre de séjour, n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour. En revanche, il incombe au préfet du Puy-de-Dôme, en application de l'article L. 614-16 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de réexaminer la situation de M. B..., dans un délai qu'il y lieu de fixer à trois mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de munir M. B..., dans le délai de quinze jours suivant cette même notification, d'une autorisation provisoire de séjour.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen (...). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 613-7 du même code : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".

10. Le présent arrêt, qui annule la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. B... implique nécessairement l'effacement du signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen., sans qu'il y ait lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de mettre en œuvre la procédure d'effacement.

Sur les frais liés au litige :

11. M. B... bénéficie de l'aide juridictionnelle dans le cadre de l'instance n° 23LY01932. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Gauché, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État de mettre à la charge de ce dernier le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros. Concernant les instances n° 23LY02071 et n° 23LY02587, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement n° 2303385 du 2 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 25 avril 2023 est annulé.

Article 3 : Le jugement n° 2301169 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 4 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 1er juin 2023 est annulé.

Article 5 : Le jugement n° 2301698 du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 6 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 12 juillet 2023 est annulé.

Article 7 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de trois mois suivant la notification de l'arrêt et de lui délivrer, pour la durée de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous quinze jours.

Article 8 : L'État versera à Me Gauché, avocat de M. B..., sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01932, 23LY02071, 23LY02587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01932
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : AD'VOCARE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23ly01932 ?
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