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19/09/2024 | FRANCE | N°23LY01900

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23LY01900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... D..., représenté par Me C..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler les décisions du 27 mars 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation

provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D..., représenté par Me C..., a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler les décisions du 27 mars 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, l'a assigné à résidence et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 2300784 du 22 mai 2023, la présidente du tribunal a fait droit à la demande d'annulation et d'injonction et a rejeté celle présentée sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 907,20 euros au titre des frais exposés en première instance, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les circonstances de l'espèce, en particulier l'annulation de l'arrêté litigieux fondée sur une illégalité interne, justifiaient qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2023.

Par courrier du 14 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie par le tribunal, son jugement ayant été rendu avant qu'il ne soit statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- et les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 22 mai 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, à la demande de M. D..., représenté par Me C..., l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 27 mars 2023 lui faisant notamment obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour pour une durée d'un an et a enjoint à ce préfet de délivrer une autorisation provisoire de séjour à l'intéressé et de réexaminer sa situation. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette, en son article 3, sa demande tendant à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à son profit, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle demande que la somme de 907,20 euros lui soit accordée à ce titre.

Sur la régularité de l'article 3 du jugement attaqué :

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision (...) Le président du tribunal administratif (...) statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine (...) L'audience est publique (...) L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif (...) qu'il lui en soit désigné un d'office (...) ".

3. Aux termes, d'autre part, de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Aux termes du II de l'article 51 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle sursoit à statuer dans l'attente de la décision relative à cette demande (...) ".

4. Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction, avisée d'une demande d'aide juridictionnelle, est tenue de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande.

5. Aux termes, enfin, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle (...) une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation (...) ".

6. Le juge ne peut décider que les sommes mises à la charge de la partie perdante seront versées à l'avocat dans les conditions prévues à l'article 37 précité de la loi du 10 juillet 1991, sans avoir, au préalable, admis son client au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, sans préjudice de la décision définitive du bureau d'aide juridictionnelle.

7. Il ressort du dossier de première instance qu'à la date du jugement attaqué, aucune décision n'avait été prise sur la demande de M. D..., présentée le 7 avril 2023, tendant à bénéficier de l'aide juridictionnelle. Dès lors, et tant qu'il n'était pas statué sur cette demande, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui s'est par ailleurs abstenue de se prononcer sur une admission provisoire de l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ne pouvait statuer sur les conclusions de sa requête tendant à ce que des frais soient allouées à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

8. Il s'ensuit que l'article 3 du jugement attaqué, seul contesté en appel par Mme C..., est irrégulier et doit être annulé. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat à son profit sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. L'Etat avait, en première instance, la qualité de partie perdante. L'arrêté litigieux a été annulé sur le fondement d'un moyen soulevé par l'avocate de M. D..., désignée au titre de l'aide juridictionnelle par décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 7 juin 2023. Au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 907,20 euros désormais demandée par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridique qui lui a été confiée en première instance.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à demander que la somme de 907,20 euros soit mise à la charge de l'Etat à son profit.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2300784 de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mai 2023 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 907,20 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridique qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

N. Vanduynslaeger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01900
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-05-11 Procédure. - Jugements. - Frais et dépens. - Remboursement des frais non compris dans les dépens.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : DROBNIAK

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23ly01900 ?
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