Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 août 2021 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé la délivrance de documents de circulation pour étranger mineur à B... et Chris Yemo, et d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer des documents de circulation pour étranger mineur, sous astreinte.
Par un jugement n° 2102675 du 7 novembre 2022, le tribunal a annulé cette décision (article 1er), mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige (article 2), et rejeté le surplus de cette demande (article 3).
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé cette décision et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme D... ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas examiné si la prise en considération de l'intérêt supérieur des deux enfants pour lesquels la demande était formée n'était pas susceptible de commander la délivrance du document de circulation ;
- les autres moyens soulevés en première instance n'étaient pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 24 avril 2023, Mme D..., représentée par Me Clémang, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé ;
- le refus en litige méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Dijon du 12 novembre 2020.
Par une ordonnance du 23 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante de la République Française, a obtenu, par un jugement du 31 octobre 2016 du tribunal de grande instance de Bangui une délégation de l'autorité parentale concernant ses deux neveux, B... et Chris Yemo, nés le 24 juin 2004 à Bangui, ressortissants de la République Centrafricaine. Ces deux derniers sont entrés régulièrement en France, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, en août 2016. Le 8 avril 2018, Mme D... a demandé en leur faveur la délivrance de documents de circulation pour étranger mineur au préfet de la Côte-d'Or qui lui a opposé un refus par décision du 18 juin 2018. Par un jugement du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision par le motif que le préfet de la Côte-d'Or avait commis une erreur de droit en ne procédant pas à l'examen de la demande dont il était saisi au regard de l'intérêt supérieur de ces enfants et en particulier à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa et a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de l'intéressée. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, le préfet de la Côte-d'Or a de nouveau, par une décision du 18 août 2021, refusé de délivrer à Mme D... les documents de circulation. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige.
2. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un document de circulation pour étranger mineur est délivré à l'étranger mineur résidant en France : / 1° Dont au moins l'un des parents est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident ; / 2° Qui est l'enfant étranger d'un ressortissant français ou un descendant direct d'un citoyen de l'Union européenne, d'un ressortissant de la République d'Islande, d la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1 ou qui est l'enfant à charge d'un ressortissant d'un de ces mêmes États satisfaisant aux conditions énoncées au 3° du même article L. 233-1 ; / 3° Qui est un descendant direct à charge du conjoint d'un citoyen de l'Union européenne, d'un ressortissant de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 223-1 ; / 4° Dont au moins l'un des parents a acquis la nationalité française ; / 5° Qui relève, en dehors de la condition de majorité, des prévisions de l'article L. 423-22 ; / 6° Qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; / 7° Qui est entré en France sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois en qualité d'enfant de Français ou d'adopté ; / 8° Qui est entré en France avant l'âge de treize ans sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois délivré en qualité de visiteur et qui justifie avoir résidé habituellement en France depuis. Le document de circulation pour étranger mineur est délivré dans des conditions fixées par voie réglementaire. ".
3. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'appartient pas à l'une des catégories mentionnées par l'article précité, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'un refus de délivrance d'un tel document ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles " dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article L. 414-4 du code précité, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire national, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
5. A la suite du jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 novembre 2020 évoqué plus haut, le préfet, après un réexamen de la demande de délivrance de documents de circulation, un rappel des circonstances et des termes de la décision du 18 juin 2018, a opposé un motif similaire à celui précédemment retenu en se bornant à relever, dans les motifs de la décision contestée du 18 août 2021, que " les deux enfants peuvent voyager sous couvert de leur passeport mais devront solliciter un visa pour pouvoir revenir en France. Ma décision de refus de délivrance de DCEM ne contrevient donc pas aux dispositions de la convention internationale relative des droits de l'enfant (CIDE) puisque les enfants peuvent voyager hors de France et y revenir sous couvert d'un visa de retour garantissant ainsi l'intérêt supérieur des enfants " (sic). A..., en procédant ainsi, sans que rien au dossier ne permette de dire qu'il aurait apprécié concrètement les conséquences d'un refus de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur pour les deux neveux de Mme D... résidant en France, compte tenu des principes rappelés au point 4, le préfet de la Côte-d'Or, comme l'ont relevé les premiers juges, a commis une erreur de droit. Le moyen doit donc être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision du 18 août 2021 et mis à la charge de l'État une somme au titre des frais du litige. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... D....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024.
Le rapporteur,
J. Chassagne Le président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY00096
ar