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15/07/2024 | FRANCE | N°23LY03142

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 juillet 2024, 23LY03142


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 7 septembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2307522 du 13 septembre 2023, la magistrate désig

née par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ainsi que des conclusions di...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 7 septembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2307522 du 13 septembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande ainsi que des conclusions dirigées contre la décision du même préfet du même jour portant placement de M. B... en rétention administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Clément, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2307522 du 13 septembre 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 7 septembre2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer son signalement dans le système d'information Schengen et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de travail durant le temps de réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui verser s'il n'obtenait pas le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal a statué ultra petita sur la décision de placement en rétention qu'il n'avait pas contestée, et qui ne relève en outre pas de la compétence de la juridiction administrative et ne pouvait donc être examinée au fond ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe général du droit qui garantit le droit de mener une vie familiale normale ;

- le refus de délai de départ volontaire doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la fixation du pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe général du droit qui garantit le droit de mener une vie familiale normale.

Le préfet de l'Isère, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 15 novembre 2023, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution et notamment le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 28 octobre 2000 et qui a fait l'objet d'un placement en rétention, a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 7 septembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par le jugement attaqué du 13 septembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement attaqué se prononce, outre les décisions attaquées, sur la décision du même jour plaçant M. B... en rétention, que celui-ci ne contestait pas devant le tribunal administratif, qui n'est d'ailleurs pas compétent pour en connaitre aux termes de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le jugement est, ainsi, entaché d'ultra petita en tant qu'il se prononce sur des conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention dont le tribunal n'était pas saisi. Il doit en conséquence être annulé comme irrégulier. Les conclusions en cause n'ayant pas été présentées, il n'y a lieu pour la cour ni de statuer sur ces conclusions ni d'en renvoyer l'examen au tribunal, mais uniquement d'annuler la partie du jugement entachée d'irrégularité.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, dont le préfet a relevé que l'identité alléguée n'est pas certaine et qu'il est connu sous d'autres alias, ce que confirme la consultation décadactylaire produite en défense en première instance, serait né le 28 octobre 2000. La date et les conditions de son entrée en France ne sont pas établies. Il a indiqué aux services préfectoraux être entré en 2021. Si, dans le cadre de la présente instance, il allègue une entrée en septembre 2015, il ne produit aucun élément de nature à l'établir. Le préfet a relevé qu'il est connu pour des faits de vols à l'étalage et de vols. Il ressort du procès-verbal de gendarmerie du 5 septembre 2023 produit par le préfet en première instance que M. B... a été interpelé en flagrant délit de vol et identifié comme étant " l'individu qui commet des vols de vélos et de trottinettes depuis le début de l'été sur la commune ". Il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement édictée le 23 octobre 2022, après avoir été interpelé en flagrant délit de vol à l'étalage, et il ne justifie pas y avoir déféré. Il ne ressort pas des pièces du dossier d'élément d'insertion ancré dans la durée ni aucune attache privée et familiale en France. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France du requérant ainsi qu'à son comportement, le préfet de l'Isère n'a pas, en décidant son éloignement, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts d'ordre public que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

5. En second lieu, il résulte des principes généraux du droit et, notamment, du Préambule de la Constitution que les étrangers résidant régulièrement en France ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale.

6. Si M. B... entend se prévaloir du droit de mener une vie familiale normale, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il ne réside pas régulièrement en France et ne peut donc utilement l'invoquer. En tout état de cause, pour les motifs tenant à la situation privée et familiale de l'intéressé qui ont été exposés précédemment, le préfet de l'Isère n'a pas, en décidant son éloignement, porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale au regard des buts d'ordre public que cette décision poursuit. Le moyen doit en conséquence être écarté.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

10. En second lieu, en l'absence d'argumentation spécifique, les moyens tirés de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que du principe général du droit garantissant le droit de mener une vie familiale normale, doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés aux points 4 et 6.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est uniquement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il statue sur la décision du 7 septembre 2023 par laquelle le préfet de l'Isère a ordonné son maintien dans les locaux du centre de rétention de Lyon.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. L'annulation partielle du jugement prononcée par le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2307522 du 13 septembre 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant seulement qu'il statue sur la décision du 7 septembre 2023 par laquelle le préfet de l'Isère a ordonné le maintien de M. B... dans les locaux du centre de rétention de Lyon.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY03142


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03142
Date de la décision : 15/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Ultra petita.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-15;23ly03142 ?
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