Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de décisions du 19 mai 2023 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi, lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux années, avant de l'assigner à résidence dans le département du Rhône.
Par un jugement n° 2304072 du 30 mai 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 septembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Paquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2023 et les décisions préfectorales du 19 mai 2023 le concernant ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les délais, respectivement, d'un mois à compter de l'arrêt à venir et de huit jours suivant ce même arrêt, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) à défaut, d'enjoindre à la préfète du Rhône de procéder au réexamen de sa situation, et de lui délivrer, dans l'attente, une même autorisation provisoire de séjour, sous huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à la préfète de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à venir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros HT, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- la préfète a apprécié de manière erronée les faits, méconnu son droit d'être entendu qu'il tire du droit de l'Union européenne et n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation ;
- la préfète a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision le privant d'un délai de départ volontaire est illégale pour être fondée sur une décision elle-même illégale et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car, à tout le moins, il justifiait de circonstances particulières pour l'octroi d'un tel délai ;
- l'interdiction de retour est illégale pour être fondée sur une décision elle-même illégale, méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision l'assignant à résidence est illégale pour être fondée sur une décision elle-même illégale.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 8 octobre 1994, déclare être entré en France en 2017. Par décisions du 10 juin 2018, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de destination et lui a interdit tout retour avant l'écoulement d'une période d'un an. M. B... n'a pas obtenu l'annulation de ces décisions devant le tribunal administratif de Montpellier. Sa demande d'asile, déposée le 22 juin 2018 durant son placement en centre de rétention, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet du Rhône a de nouveau obligé M. B... à quitter sans délai le territoire français, désigné son pays de renvoi et porté à dix-huit mois l'interdiction de retour, par des décisions du 16 mai 2021. Une troisième mesure d'éloignement, sans délai également, a, le 19 mai 2023, été prononcée à l'encontre de M. B... par la préfète du Rhône qui a désigné un pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour portée à deux ans. M. B... relève appel du jugement du 30 mai 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 19 mai 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige du 19 mai 2023 ni des pièces du dossier que la préfète du Rhône aurait omis, avant de prendre l'une ou l'autre des décisions attaquées que cet acte contient, non distinguées par le requérant, de procéder à un examen complet et sérieux de la situation de M. B....
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces versées au dossier que, le 19 mai 2023, M. B... a été invité à faire connaître ses observations sur une mesure d'éloignement et une mesure d'interdiction de retour qui pourraient être prises à son encontre, au vu de ses déclarations recueillies lors de son audition, réalisée le même jour par les services de police. M. B... a alors indiqué qu'il souhaitait rester en France où il dispose d'un logement et bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée. Par ailleurs, M. B... s'est vu opposer, par courriel du 26 mai 2021, un refus à sa demande de rendez-vous du même jour, qu'il avait formulée auprès des services de la préfecture au moyen du téléservice prévu par l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de déposer une demande de titre de séjour. Le requérant, qui n'a pas contesté ce refus, assorti de l'indication des voies et délais de recours, n'a pas davantage adressé à la préfecture, par voie postale, comme l'y invitait le même courriel, d'éléments nouveaux relatifs à sa situation. Il suit de là que le moyen tiré de ce que son droit d'être entendu aurait été méconnu doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. L'activité professionnelle de M. B..., détenteur d'un contrat de travail à durée indéterminée, exercée, depuis le 12 août 2020, sans autorisation, en qualité de livreur, ne suffit pas à caractériser une particulière insertion en France du requérant, lui qui a été interpellé, le 19 mai 2023, au volant d'un véhicule automobile sans détenir le permis de conduire requis, le 16 mai 2021, pour des faits de recel de biens volés et, le 31 octobre 2017, pour des faits de vente à la sauvette. Par ailleurs, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de presque 23 ans. Ainsi, la préfète du Rhône, en prenant la mesure d'éloignement attaquée, n'a pas porté d'atteinte excessive au droit de ce dernier au respect de sa vie privée et familiale. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. La préfète n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En quatrième lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Ensuite, M. B... qui, s'étant soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement, pouvait, sur le fondement du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se voir priver d'un tel délai, ne justifie pas de circonstances particulières y faisant obstacle. Le moyen d'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté.
7. En cinquième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant interdiction de retour n'est pas fondée sur une décision illégale. Ensuite, eu égard à ce qui a été exposé aux points 5 et 6, il n'existait pas de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure d'interdiction. La préfète n'a donc pas méconnu les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En dernier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation qui lui a été faite de quitter sans délai le territoire français à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au versement de frais de procès doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03024