Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... ... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 novembre 2020 par laquelle le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon a rejeté sa demande de dispense de l'obligation de rembourser des traitements perçus durant sa scolarité.
Par jugement n° 2100875 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés, respectivement, le 30 août 2022 et le 21 juin 2024, M. A..., représenté par Me Brouquières, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2022 et la décision du président de l'École normale supérieure de Lyon du 30 novembre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure de Lyon le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de comporter les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure viciée par l'abstention du président de l'ENS de Lyon de lui demander de produire un dossier de dispense actualisé ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car, engagé dans la vie monastique et ayant fait vœu de pauvreté, il ne perçoit aucune rémunération depuis septembre 2015, ne détient aucun patrimoine, et diffuse les savoirs acquis à l'ENS.
Par mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, l'ENS de Lyon, représentée par la SELARL Skov avocats, agissant par Me Guillaud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'ENS de Lyon fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 87-696 du 26 août 1987 relatif à l'Ecole normale supérieure de Fontenay - Saint-Cloud ;
- le décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement de l'École normale supérieure de Lyon ;
- l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 juin 2014 fixant les modalités de remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des écoles normales supérieures en cas de rupture de l'engagement décennal ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Duverneuil, pour l'ENS de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Élève de l'ENS de Lyon du 1er septembre 2010 au 31 août 2014, M. A..., fonctionnaire stagiaire, a contracté un engagement décennal de servir l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics ou entreprises nationales en contrepartie d'une scolarité rémunérée. Lauréat de l'agrégation de lettres classiques, il a enseigné une année durant en collège, avant de présenter sa démission qui, acceptée, a conduit à sa radiation du corps des professeurs agrégés, à compter du 5 octobre 2015. M. A... a ensuite sollicité une dispense totale de l'obligation de rembourser les sommes dues consécutivement à la rupture de son engagement décennal. Par décision du 2 avril 2018, le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon a rejeté sa demande avant d'émettre à son encontre, le 4 mai 2018, un titre de recettes d'un montant de 31 146,84 euros. Cette décision et ce titre ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 mars 2020, au motif d'une erreur de droit commise par le président de l'ENS qui s'était abstenu de prendre en compte la situation financière de M. A.... Cette autorité a de nouveau, le 30 novembre 2020, opposé un refus à cet ancien élève normalien. M. A... relève appel du jugement du 6 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 30 novembre 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces figurant au dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par le magistrat rapporteur, par le président de la formation de jugement et par la greffière d'audience, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent manque en fait. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée au requérant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 17-1 du décret du 7 mai 2012 susvisé, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les élèves fonctionnaires stagiaires sont tenus d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l'école : 1° Dans les services d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou de leurs établissements publics ; ou 2° Dans une entreprise du secteur public d'un État visé au 1° ; ou 3° Dans les services de l'Union européenne ou d'une organisation internationale gouvernementale ; ou 4° Dans une institution d'enseignement supérieur ou de recherche. / (...) / En cas de méconnaissance de cette obligation, les traitements perçus doivent être remboursés, sous réserve de remise totale ou partielle accordée par le président de l'école, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ".
5. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 6 juin 2014 : " L'obligation d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de l'entrée dans une école normale supérieure (...) s'impose pour chaque élève / Un (...) ancien élève d'une école normale supérieure peut être dégagé de manière anticipée de l'engagement décennal (...) après sa sortie d'une école ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " I. - En cas de rupture définitive de l'engagement décennal, le montant de la somme à rembourser est égal au total des traitements nets perçus par l'élève ou l'ancien élève pendant toute la durée de sa scolarité. Ce total est affecté d'un coefficient tenant compte du temps de service accompli par rapport à la date de rupture de l'engagement décennal (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Un élève ou un ancien élève peut présenter, à l'appui d'un dossier, une demande de dispense totale ou partielle de l'obligation de remboursement. Le directeur ou le président de l'école statue sur cette demande après avis du conseil d'administration de l'établissement. ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant d'opposer un nouveau refus, par la décision contestée du 30 novembre 2022, à la demande de dispense de remboursement déposée par M. A... le 5 septembre 2017, le président de l'ENS a consulté le conseil d'administration de l'établissement, réuni le 18 novembre 2020. Aucune disposition n'imposait à cette autorité d'inviter M. A... à compléter sa demande alors que le requérant, auquel avait été notifié le jugement du tribunal du 11 mars 2020, pouvait y lire qu'une décision de refus de dispense de remboursement était susceptible d'être prise après nouvelle appréciation de sa situation. Le moyen tiré d'un vice de procédure affectant la décision du 30 novembre 2020 doit par conséquent être écarté.
7. En second lieu, il résulte des dispositions visées aux points 4 et 5 que l'engagement décennal souscrit par les élèves des écoles normales supérieures trouve sa contrepartie dans la rémunération qui leur est servie dès leur intégration pour suivre une formation d'enseignement supérieur et que la rupture de l'engagement les expose au remboursement des traitements perçus sans égard à la cause de cette rupture, sauf remise totale ou partielle soumise à la production d'éléments justifiant qu'elle soit prononcée.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., élève normalien à Lyon de septembre 2010 à août 2014, ensuite professeur agrégé stagiaire, a rejoint, le 14 septembre 2015, l'abbaye de Saint-Joseph de Clairval à Flavigny-sur-Ozerain, dont il est devenu membre à part entière le 6 octobre 2018. A sa demande, il avait été radié des cadres de l'administration, au 5 octobre 2015. M. A... a ainsi délibérément renoncé à servir dans l'un des services, organismes ou institutions visés par les dispositions citées au point 4. Les cours de latin qu'il dispense à quelques élèves au sein du monastère et son inscription dans des projets monastiques de réalisation de divers ouvrages, méthode de latin, manuel d'hébreu et d'araméen, ouvrage scolaire de vulgarisation philosophique, ne permettent pas de le regarder comme poursuivant une activité d'enseignement et/ou de recherche tel qu'exigé par ces mêmes dispositions, même s'il met ainsi en œuvre les savoirs et compétences acquis ou fortifiés à l'ENS de Lyon. M. A... doit donc être regardé comme ayant rompu de manière définitive son engagement décennal. Ensuite, l'impécuniosité dont fait état l'appelant, dépourvu en effet de biens immobiliers, qui ne perçoit aucun revenu depuis sa radiation des cadres, résulte de son choix même d'entrer dans un ordre dont les membres, ayant fait vœu de pauvreté, ne sont pas rémunérés pour les activités qu'ils effectuent. Il s'ensuit qu'en refusant de faire droit, le 30 novembre 2020, à la demande de dispense, présentée par M. A..., de l'obligation de remboursement de traitements, à hauteur de 31 146,84 euros, perçus durant sa scolarité, le président de l'ENS de Lyon n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENS de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans le dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du requérant une somme à verser à l'ENS de Lyon au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ENS de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'École Normale Supérieure de Lyon.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juillet 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02667