Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 31 juillet 2023 par lesquelles le préfet de l'Ardèche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2307323 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2024, M. B... C..., représenté par Me Albertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ardèche de lui délivrer un certificat de résidence l'autorisant à exercer une activité salariée, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 1er décembre 1982, entré sur le territoire de l'espace Schengen sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités espagnoles valable du 17 août au 15 septembre 2015, est entré sur le territoire français, le 15 septembre 2015, selon ses déclarations. Il a fait l'objet, le 16 mars 2022, d'un refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. M. C... a demandé, le 12 juin 2023, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 6-5) et 7 e) de l'accord franco-algérien. Par des décisions du 31 juillet 2023, le préfet de l'Ardèche a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Il relève appel du jugement du 8 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision attaquée, que le préfet de l'Ardèche a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... avant d'édicter cette décision.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Si M. C... séjourne sur le territoire français depuis environ huit années, il a vécu trente-deux ans en Algérie où il ne peut être dépourvu de toute attache personnelle. Il ne démontre pas que la mère de ses deux filles, qui est également ressortissante algérienne et dont il est séparé, est en situation régulière sur le territoire français. L'intéressé ne prouve pas que ses deux filles, qui sont nées en France et qui ont respectivement huit et quatre ans, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie en écoles primaire et maternelle, ni s'intégrer dans ce pays. M. C... ne démontre pas que son père, qui est ancien combattant de l'armée française, séjourne régulièrement en France. Il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française au terme d'environ huit années de présence sur le territoire national, en se limitant à démontrer suivre des ateliers sociolinguistiques auprès d'un centre social municipal, être bénévole pour les Restaurants du Cœur depuis le 17 novembre 2018 et participer à l'organisation d'évènements d'une MJC, avoir été éducateur sportif dans des clubs de football et avoir participé à un stage de formation d'entraîneur de football pour les U17, U19 et séniors, entretenir des relations amicales, et être titulaire d'une promesse d'embauche en tant que salarié agricole pour une durée de neuf mois. M. C... n'établit pas qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 6-5) de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423 1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ".
6. Il résulte des dispositions précitées que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, ou des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Dès lors que, comme cela a été dit précédemment, M. C... ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, le préfet de l'Ardèche n'était, par suite, pas tenu de soumettre sa demande à la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure tenant à un défaut de saisine de cette commission doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
8. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
9. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
11. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant, doivent en tout état de cause être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
13. En second lieu, si M. C... séjourne sur le territoire français depuis environ huit ans, il résulte du point 4 du présent arrêt que la cellule familiale a vocation à vivre en Algérie, y compris le père du requérant, et que M. C... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. En outre, le requérant a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 16 mars 2022. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant, doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
A. Porée
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY01166