Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2400623 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2024, Mme D... épouse A..., représentée par Me Aboudahab, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 8 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence ou, subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme D... épouse A... soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et statue infra petita ;
- le refus de certificat de résidence est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle réunit les conditions de délivrance d'un certificat de résidence en tant que conjointe de français.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse A..., ressortissante algérienne, est entrée en France le 25 janvier 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de son époux et de leurs trois enfants, respectivement nés en 2003, 2009 et 2012. Elle a obtenu un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, valable du 4 mars 2022 au 3 mars 2023, après la séparation du couple. Par un arrêté du 8 novembre 2023, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de la demande, a répondu, de manière suffisamment motivée, aux moyens soulevés contre le refus de séjour tirés de la méconnaissance de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ou a statué infra petita en ne se prononçant pas sur l'argument tiré de ce qu'elle disposait antérieurement à sa demande d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'article 6- 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Si Mme D... soutient que le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce qu'elle était conjointe de français, à l'égard de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ce moyen ne ressort pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne le refus de séjour :
4. L'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision refusant de renouveler le certificat de résidence et indique, en particulier, la circonstance que Mme D... a été munie, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire laissé au préfet, d'un titre de séjour sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus d'admission au séjour doit être écarté.
5. Si le préfet de l'Isère a précédemment délivré à l'intéressée un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en usant de son pouvoir discrétionnaire, il ne résulte ni des motifs du refus de renouvellement de ce titre de séjour ni des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet a examiné sa demande de renouvellement comme s'il s'agissait d'une première demande de titre de séjour. Il en résulte, au contraire, qu'il a pris en compte l'ensemble des éléments caractérisant la situation particulière de l'intéressée au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en tenant compte de la délivrance antérieure d'un titre de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit, fondé sur le défaut d'examen complet et particulier de la situation de Mme D..., doit, par suite, être écarté.
6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
7. Si Mme D... réside depuis 5 ans sur le territoire français ainsi que ses enfants, la seule circonstance que sa fille aînée est majeure et à vocation à résider de manière autonome sur le territoire, dès lors qu'elle est en situation régulière, ne lui confère pas un droit au séjour. Ses enfants mineurs ont vocation, quant à eux, à l'accompagner, en cas de retour dans son pays d'origine. Si Mme D... produit la carte d'identité et le titre de séjour de deux personnes qu'elle présente comme ses sœurs, elle n'établit pas les liens qui l'unissent à ces personnes. Si Mme D... fait valoir qu'elle fréquentait son futur mari depuis 2021, à la date de la décision attaquée, la stabilité de ces liens n'était pas suffisante pour lui conférer un droit au séjour. Si Mme D... se prévaut du suivi de formations, elle n'exerce pas d'activité professionnelle et était hébergée, à la date de la décision, par l'association Solidarité Femmes Milena. Mme D..., enfin, a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans dans son pays d'origine, où réside sa mère. Dans, ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien qu'elles prévoiraient " un droit au renouvellement de plein droit ", le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
8. Enfin, la légalité d'un acte administratif s'appréciant à la date de son édiction, Mme D... ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre du refus de séjour, de son mariage avec un ressortissant français, postérieurement à la décision attaquée. Le moyen tiré de l'erreur de droit, ne peut donc qu'être écarté.
9. Pour les mêmes motifs, en l'absence d'argumentation particulière de la requête, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation particulière de l'intéressée.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire.
11. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit ; (...)2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".
12. S'il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est mariée, le 23 décembre 2023, avec un ressortissant français, cette circonstance, postérieure à l'obligation de quitter le territoire français, est sans incidence sur sa légalité.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00846