Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 octobre 2023 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2307465 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 mars 2024, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A... ;
Le préfet de la Savoie soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait l'article 6-1) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il confirme ses moyens de première instance ;
Par un mémoire, enregistré le 23 mai 2024, Mme C... A... représentée par Me Azouagh, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le moyen invoqué n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- et les observations de Me Cherif substituant Me Azouagh, représentant Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante algérienne née le 2 octobre 1981, est entrée régulièrement en France le 21 septembre 2013 sous couvert d'un visa famille de français - carte de séjour à solliciter. Un titre de séjour lui a été délivré en qualité de conjointe d'un ressortissant français valable du 10 octobre 2013 au 9 octobre 2014. Elle a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français les 9 février 2015 et 6 mai 2020, cette dernière confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel du 6 avril 2021, à la suite d'un refus de renouvellement de certificat de résidence en raison de la rupture de la vie commune avec son conjoint français. A la suite du refus de renouvellement d'un certificat de résidence pour raisons de santé, accordé du 17 septembre 2021 au 16 septembre 2022, elle a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement, le 3 janvier 2023, confirmée par le tribunal administratif de Grenoble par un jugement en date du 9 mai 2023. Par un arrêté du 9 octobre 2023, le préfet de la Savoie a refusé de faire droit à la demande de certificat de résidence qu'elle a présentée le 22 septembre 2023 sur le fondement des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence à l'intéressée.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Grenoble :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... produit, en particulier pour l'année 2019, deux ordonnances renouvelables en vue d'examens en laboratoire, un avis d'imposition pour les revenus de l'année 2018 et des attestations de suivi social ou d'activités ponctuelles auprès de la Croix Rouge couvrant cette année. Ces pièces, comme celles fournies au titre des autres années, ne permettent pas, à elle seules, de justifier de sa présence effective depuis plus de dix ans sur le territoire, à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, Mme A... ne réunissant pas les conditions lui ouvrant droit au séjour sur le fondement de l'article 6-1) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, c'est à tort que, pour annuler les arrêtés en litige, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que les stipulations précitées avaient été méconnues.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens :
5. Il résulte du jugement de première instance que le préfet de la Savoie a justifié de la délégation de signature accordée à Mme D..., signataire de l'arrêté en litige, par arrêté préfectoral du 22 mai 2023, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture de la Savoie. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige ne peut, par suite, qu'être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de certificat de résidence à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Si Mme A... se prévaut de la présence de sa sœur sur le territoire français, qui indique l'avoir hébergée de 2014 à 2022, cette seule présence ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait inscrit en France sa vie privée et familiale. Mme A..., qui est sans enfant, désormais célibataire et qui a quitté l'Algérie à l'âge de trente-deux ans, conserve dans ce pays des attaches familiales en la personne de ses parents, de ses frères et de deux de ses sœurs. Mme A..., qui ne dispose pas à la date de l'arrêté attaqué d'un logement autonome, ne justifie que d'activités professionnelles ponctuelles et d'engagements dans des associations à caractère social. Elle n'a résidé régulièrement sur le territoire français, d'abord en tant que conjointe de français, entre septembre 2013 à octobre 2014 puis, en tant qu'étranger malade, en 2021 et 2022 et s'y est maintenue irrégulièrement en dépit de mesures d'éloignement prononcées par l'administration confirmées par la juridiction administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, Mme A... n'est pas fondée à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme A....
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque, au titre des frais liés à l'instance d'appel, soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2307465 du tribunal administratif de Grenoble du 1er février 2024 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 , à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 24LY00622