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11/07/2024 | FRANCE | N°23LY02455

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juillet 2024, 23LY02455


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Paradiso a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes, pour un montant total de 187 214 euros.



Par un jugement n° 1903524 du 9 mars 2021

, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure initiale devant la cour



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Paradiso a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes, pour un montant total de 187 214 euros.

Par un jugement n° 1903524 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12 mai 2021, 20 juillet 2022 et 31 août 2022, la SARL Paradiso, représentée par Me Besson, a demandé à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ou de réformer ce jugement et de lui accorder la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions et pénalités ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Paradiso soutenait que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'une insuffisance de motivation dans la réponse apportée par les premiers juges au moyen tiré de l'irrégularité de la mise en œuvre des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le courrier du 30 avril 2015 qui lui a été adressé par l'administration ne mentionnait pas les données sur lesquelles le service entendait procéder à des traitements et en l'occurrence, s'il s'agissait des données issues du logiciel de caisse ou des données issues du logiciel ; ce courrier ne mentionnait pas les données sur lesquelles devaient porter les traitements mais uniquement le but de ces traitements ; par conséquent, elle n'a pas été en mesure de faire un choix éclairé quant aux options qui lui étaient offertes en vertu des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification du 20 novembre 2015 est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 et L. 47 A du livre précité dès lors qu'elle n'a pas été suffisamment informée des traitements effectués par le service et que les éléments mentionnés ne lui ont pas permis de présenter utilement des observations ; l'administration n'a en outre pas joint à cette proposition un CD-Rom comprenant les résultats des traitements effectués ;

- la méthode de reconstitution est en elle-même radicalement viciée et excessivement sommaire ; le service s'est limité à appliquer au nombre des lignes prétendument supprimées un chiffre d'affaires moyen par ligne ressortissant du rapport entre le chiffre d'affaires TTC déclaré et le nombre de lignes figurant sur les tickets de caisse ; il n'a procédé qu'à une reconstitution matière partielle en compilant les seuls achats de boissons à l'exclusion des autres achats de marchandises ;

- elle propose une méthode alternative de reconstitution de son chiffre d'affaires aboutissant à la constatation de minorations de recettes pour un montant de 56 066,90 euros TTC pour 2012 et 62 028,10 euros TTC pour 2013 ou, à titre subsidiaire, pour un montant de 67 649,70 euros TTC pour 2012 et 68 191,86 euros TTC pour 2013.

Par deux mémoires, enregistrés les 18 mai et 31 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance concluait au rejet de la requête.

Il faisait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 21LY01554 du 13 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de la SARL Paradiso pour les années 2012 et 2013 à hauteur de la prise en compte d'un taux de 10 % pour les pertes et les offerts et d'un taux supplémentaire de perte en cuisson de 20 % de la viande pour les sandwichs kebab (article 1er), a déchargé, en conséquence, la SARL des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en droits et pénalités pour les années 2012 et 2013 correspondant à cette réduction en base (article 2), a réformé le jugement n° 1903524 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il est contraire à l'arrêt (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4).

Par une décision n° 469620 du 24 juillet 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé les articles 1er à 3 de cet arrêt et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

Procédure devant la Cour après renvoi

Les parties ont été informées, le 26 juillet 2023, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par un mémoire, enregistré le 28 août 2023 et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 avril 2024, la SARL Paradiso, représentée par Me Besson, demande à la cour :

1°) d'annuler ou de réformer ce jugement et de lui accorder la décharge de ces impositions et pénalités, à titre principal, à hauteur de 187 214 euros ou, à titre subsidiaire, la réduction ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- qu'elle maintient l'intégralité des écritures formulées lors de la procédure initiale d'appel ;

- que l'administration ne justifie pas sa méthode de reconstitution du chiffre d'affaires notamment au regard au prix moyen en raison d'erreurs importantes sur la quantité de boisson qu'elle a relevée selon le rapport d'expertise produit en première instance ;

- que l'administration a mis en œuvre une reconstitution des chiffres d'affaires sans prendre en compte les conditions de fonctionnement propres de l'entreprise précédemment retenus lors d'une proposition de rectification du 7 mars 2011 où elle s'était fondée sur une reconstitution se basant sur la comptabilité matière alors que les conditions d'exploitation n'ont pas évolué ;

- dès lors que les conditions d'exploitation n'ont pas évolué, il y a lieu d'adopter la méthode de reconstitution fondée sur un chiffre d'affaires par kilo de viande retenue par l'administration en 2008 et 2009 sur la base des achats de viande aboutissant à une reconstitution de 63 141, 12 euros TTC pour 2012 et de 82 212, 15 euros TTC pour 2013.

Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 16 mai 2024.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Besson, représentant la SARL Paradiso ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Paradiso, qui exploitait un commerce de restauration rapide à Saint-Etienne (Loire) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration, estimant que la société avait altéré les fichiers de son système de caisse informatisé et effacé certaines lignes de recettes, a rejeté sa comptabilité comme non probante et reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats. En conséquence de ce contrôle, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et s'est vu réclamer des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 auxquels ont été appliqués, outre les intérêts de retard, la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. Par un arrêt n° 21LY01554, la cour administrative d'appel de Lyon a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de la SARL Paradiso 2012 et 2013 à hauteur de la prise en compte d'un taux de 10 % pour les pertes et les offerts et d'un taux supplémentaire de perte en cuisson de 20 % de la viande pour les sandwichs kebab (article 1er), a déchargé en conséquence la SARL Paradiso des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge en droits et pénalités correspondant à cette réduction en base (article 2), a réformé le jugement en tant qu'il était contraire à l'arrêt (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4). Par une décision n° 469202 du 23 juillet 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 octobre 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Sur la charge de la preuve :

2. Pour rejeter la comptabilité présentée par la société Paradiso, le vérificateur a relevé que celle-ci comptabilisait ses produits selon les encaissements, en méconnaissance des dispositions prévues aux articles 38-2 et 38-2bis du code général des impôts, et que l'analyse des fichiers générés par la caisse enregistreuse informatisée avait mis en évidence de graves altérations et de nombreuses incohérences tenant à la modification ou la suppression de lignes de recettes révélées par la rupture de séquentialité des opérations. L'administration a conclu que ces graves altérations, qui ne peuvent avoir d'autre origine que l'utilisation des fonctions permissives d'un logiciel externe, conduisaient à regarder la comptabilité informatisée présentée, qui ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, comme non probante et irrégulière.

3. Il résulte de ce qui précède que la comptabilité était entachée de graves irrégularités. Dès lors les impositions ont été établies conformément à l'avis émis, le 15 septembre 2016, par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition retenues par l'administration pèse sur la société requérante en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.

Sur la méthode de reconstitution utilisée :

4. Le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition, soit encore, aux mêmes fins, soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration.

5. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Paradiso, l'administration a ajouté aux recettes déclarées le montant des recettes considérées comme éludées, calculé en multipliant le nombre de lignes manquantes constaté en comptabilité dans l'enregistrement des recettes, soit 29 886 euros pour 2012 et 29 683 euros pour 2013, par la recette moyenne TTC d'une ligne de ticket, laquelle a été calculée à 4,64 euros pour 2012 et 4,74 euros pour 2013. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration a pu valablement utiliser cette unique méthode de reconstitution fondée sur les tickets manquants dès lors qu'il n'est pas contesté que les fichiers du système de caisse avaient été altérés par effacement de certaines lignes de recettes et que la reconstitution matière opérée sur certains articles, comme les boissons en canettes ou en bouteilles, a corroboré les incohérences constatées dans l'enregistrement des données de la caisse enregistreuse et les résultats de la reconstitution. La SARL Paradiso ne saurait soutenir que la méthode employée par l'administration, fondée sur la reconstitution directe des recettes éludées par la multiplication du nombre de lignes manquantes par la recette moyenne par ligne conservée et qui n'a, au demeurant, pas pour objet de calculer le seul chiffre d'affaires omis des boissons revendues, serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire en se bornant à invoquer le rapport d'un expert-comptable, mandaté par elle, selon lequel 15 968 unités de boissons en 2012 et 12 086 en 2013 n'auraient pas été déclarées, la méthode suivie par l'administration n'étant pas susceptible d'être affectée, contrairement à une méthode indirecte fondée sur l'exploitation de la comptabilité matière, par ces éléments, ni par l'existence de pertes ou offerts.

6. La SARL Paradiso a proposé une méthode de reconstitution, fondée sur une reconstitution matière réalisée à partir des achats de produits vendus et des achats consommés par famille de produits c'est-à-dire les sandwichs, les boissons, les frites et barquettes de frites ainsi que les suppléments vendus, intégrant les données d'exploitation retenues par l'administration lors d'un contrôle antérieur ayant donné lieu à une proposition de rectification du 7 mars 2011 à l'exception du grammage des viandes contenues dans un kebab normal et en particulier un taux d'offert de 10 % et un taux de perte à la cuisson de 20 %. Si la SARL Paradiso a apporté des modifications à sa méthode et propose, désormais, l'application d'un coefficient de chiffre d'affaire correspondant aux achats de viande, repris des données d'exploitation des années 2008 et 2009, cette méthode ne peut pas être regardée comme plus précise que celle de l'administration dès lors qu'elle repose sur un rapprochement avec des éléments tirés de la comptabilité qui, comme il a été dit, est entachée de graves irrégularités ayant justifié son rejet, en ce qu'elle ne retrace pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise. En outre, la SARL Paradiso, d'une part, ne justifie pas des quantités de viande, de frites et de gruyère râpé fournies dans chaque catégorie de sandwichs et de menus servis alors que certains sandwichs comportent eux-mêmes des frites et n'établit pas le bien-fondé de la reprise des données d'exploitation résultant des années antérieures dont les conditions d'exploitations ne sont pas nécessairement similaires.

7. Si la société invoque une autre méthode, fondée sur la prise en compte d'un chiffre d'affaires déterminé par le produit du prix moyen des lignes manquantes diminué de la différence entre le nombre de lignes manquantes déterminées par le service et le nombre de lignes reconstituées résultant de la rectification des achats de viande, cette méthode, limitée aux achats de viande et qui aboutit à l'identification d'un prix moyen reconstitué par ligne à 2,26 en 2012 et 2,30 en 2013, n'est pas plus précise que celle à laquelle a eu recours le service à partir des données objectives de la caisse enregistreuse révélant un ticket moyen de 4,64 euros pour l'exercice 2012 et 4,74 euros pour l'exercice 2013. Dans ces conditions, aucune des méthodes alternatives de reconstitution proposées par la SARL Paradiso n'apparaît plus précise que celle utilisée par l'administration.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Paradiso n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Paradiso est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Paradiso et au ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 , à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02455


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