Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1906781 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12 mai 2021, 20 juillet 2022 et 31 août 2022, M. A..., représenté par Me Besson, a demandé à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement et de lui accorder la décharge et, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions et pénalités ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutenait que :
- le jugement est irrégulier dès lors que son mémoire complémentaire du 25 janvier 2021 a été à tort écarté, comme étant postérieur à la clôture de l'instruction, alors qu'il a été déposé via l'application télérecours à 16 heures 12 pour une clôture intervenue à 16 heures 30 ;
- la procédure d'imposition suivie avec la SARL Paradiso est irrégulière dès lors que le courrier du 30 avril 2015 qui lui a été adressé par l'administration ne mentionnait pas les données sur lesquelles le service entendait procéder à des traitements et en l'occurrence, s'il s'agissait des données issues du logiciel de caisse ou des données issues du logiciel ; ce courrier ne mentionnait pas les données sur lesquelles devaient porter les traitements mais uniquement le but de ces traitements ; par conséquent, elle n'a pas été en mesure de faire un choix éclairé quant aux options qui lui étaient offertes en vertu des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- la proposition de rectification du 20 novembre 2015 adressée à la société est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 et L. 47 A du livre précité dès lors que la société vérifiée n'a pas été suffisamment informée des traitements effectués par le service et que les éléments mentionnés ne lui ont pas permis de présenter utilement des observations ; l'administration n'a en outre pas joint à cette proposition un CD-Rom comprenant les résultats des traitements effectués ;
- la méthode de reconstitution elle-même est radicalement viciée et excessivement sommaire ; le service s'est limité à appliquer au nombre des lignes prétendument supprimées un chiffre d'affaires moyen par ligne ressortissant du rapport entre le chiffre d'affaires TTC déclaré et le nombre de lignes figurant sur les tickets de caisse ; il n'a procédé qu'à une reconstitution matière partielle en compilant les seuls achats de boissons à l'exclusion des autres achats de marchandises ;
- il propose une méthode alternative de reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Paradiso aboutissant à la constatation de minorations de recettes pour un montant de 56 066,90 euros TTC pour 2012 et 62 028,10 euros TTC pour 2013 ou, à titre subsidiaire, pour un montant de 67 649,70 euros TTC pour 2012 et 68 191,86 euros TTC pour 2013.
Par deux mémoires, enregistrés les 18 mai et 31 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance concluait au rejet de la requête.
Il faisait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par un courrier du 1er juillet 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Lyon a omis de prononcer un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 20 026 euros concernant les prélèvements sociaux et les pénalités correspondantes mis à la charge de M. A... pour les années 2012 et 2013 dégrevée par l'administration par décision du 6 février 2020.
Par un arrêt n° 21LY01555 du 13 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement en tant qu'il a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur le dégrèvement prononcé en cours d'instance (art 1er), a constaté un non-lieu à statuer sur la demande dans cette mesure (art 2), a prononcé une réduction en base des impositions de la SARL Paradiso procédant de la prise en compte d'un taux de 10 % pour les pertes et les offerts et d'un taux supplémentaire de perte en cuisson de 20 % de la viande pour les sandwichs kebab (art 3) et une réduction des bénéfices réputés distribués à M. A... (article 4), a déchargé ce dernier des suppléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mis à sa charge pour les années 2012 et 2013 résultant de la réduction du montant des bénéfices distribués en application des articles 3 et 4 (article 5), a réformé le jugement en conséquence (article 6) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une décision n° 469535 en date du 24 juillet 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annulé les articles 3 à 6 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 octobre 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.
Procédure devant la Cour après renvoi
Les parties ont été informées, le 26 juillet 2023, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.
Par un mémoire, enregistré le 29 août 2023 et un mémoire complémentaire, enregistré le 30 avril 2024, M. A..., représenté par Me Besson, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement et de lui accorder la décharge de ces impositions et pénalités à hauteur de 143 451 euros au titre de l'année 2012, et de 143 498 euros au titre de l'année 2013 et, à titre subsidiaire, à concurrence de 63 141 euros pour 2012 et 82 212 euros pour 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient :
- qu'il maintient l'intégralité des écritures formulées lors de la procédure initiale d'appel ;
- que l'administration ne justifie pas sa méthode de reconstitution du chiffre d'affaires notamment au regard au prix moyen en raison d'erreurs importantes sur la quantité de boisson qu'elle a relevée selon le rapport d'expertise produit en première instance ;
- que l'administration a mis en œuvre une reconstitution des chiffres d'affaires sans prendre en compte les conditions de fonctionnement propres de l'entreprise précédemment retenus lors d'une proposition de rectification du 7 mars 2011 où elle s'était fondée sur une reconstitution se basant sur la comptabilité matière alors que les conditions d'exploitation n'ont pas évolué ;
- dès lors que les conditions d'exploitation n'ont pas évolué, il y a lieu d'adopter la méthode de reconstitution fondée sur le chiffre d'affaires par kilo de viande retenue par l'administration en 2008 et 2009 sur la base des achats de viande aboutissant à une reconstitution de recettes pour un montant de 67 561 euros TTC pour 2012 et 87 967 euros TTC pour 2013.
Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 16 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Besson, représentant M. A... ;
Une note en délibéré, présentée par M. A..., a été enregistrée le 8 juillet 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Paradiso, dont M. B... A... était l'associé unique et le gérant et qui exploitait un commerce de restauration rapide à Saint-Etienne (Loire ), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012 et 2013 à l'issue de laquelle l'administration, estimant que la société avait altéré les fichiers de son système de caisse informatisé et effacé certaines lignes de recettes, a rejeté sa comptabilité comme non probante et reconstitué ses chiffre d'affaires et ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés. En conséquence de ce contrôle et des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société, M. A... a été assujetti, au titre des années 2012 et 2013, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de l'inclusion dans ses revenus imposables des bénéfices reconstitués présumés distribués que l'administration a imposés entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Ces impositions, ainsi que les contributions sociales corrélativement mises à sa charge, ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. Par un arrêt n° 21LY01555, du 13 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement en tant qu'il a omis de constater un non-lieu à statuer partiel sur les impositions et pénalités dégrevées en cours d'instance (art 1er), a constaté un non-lieu à statuer dans cette mesure (art 2), a prononcé une réduction en base des impositions à l'impôt sur les sociétés de la SARL Paradiso procédant de la prise en compte d'un taux de 10 % pour les pertes et les offerts et d'un taux supplémentaire de perte en cuisson de 20 % de la viande pour les sandwichs kebab (art 3) et une réduction des bénéfices réputés distribués à M.A... (article 4), a déchargé ce dernier des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre des années 2012 et 2013 résultant de la réduction des bénéfices distribués en application des articles 3 et 4 (article 5), a réformé le jugement dans cette mesure (article 6) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par une décision n° 469535 du 24 juillet 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annulé les articles 3 à 6 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 octobre 2022 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".
3. En cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués.
4. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Paradiso, l'administration a ajouté aux recettes déclarées le montant des recettes considérées comme éludées, calculé en multipliant le nombre de lignes manquantes constaté en comptabilité dans l'enregistrement des recettes, soit 29 886 euros pour 2012 et 29 683 euros pour 2013, par la recette moyenne TTC d'une ligne de ticket, laquelle a été calculée à 4,64 euros pour 2012 et 4,74 euros pour 2013. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a pu valablement utiliser cette unique méthode de reconstitution fondée sur les tickets manquants dès lors qu'il n'est pas contesté que les fichiers du système de caisse avaient été altérés par effacement de certaines lignes de recettes et que la reconstitution matière opérée sur certains articles, comme les boissons en canettes ou en bouteilles, a corroboré les incohérences constatées dans l'enregistrement des données de la caisse enregistreuse et les résultats de la reconstitution. M. A... ne saurait soutenir que la méthode employée par l'administration, fondée sur la reconstitution directe des recettes éludées par la multiplication du nombre de lignes manquantes par la recette moyenne par ligne conservée et qui n'a, au demeurant, pas pour objet de calculer le seul chiffre d'affaires omis des boissons revendues, serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire en se bornant à invoquer le rapport d'un expert-comptable, mandaté par la société SARL Paradiso, selon lequel 15 968 unités de boissons en 2012 et 12 086 en 2013 n'auraient pas été déclarées, la méthode suivie par l'administration n'étant pas susceptible d'être affectée, contrairement à une méthode indirecte fondée sur l'exploitation de la comptabilité matière, par ces éléments, ni par l'existence de pertes ou offerts.
5. M. A... a proposé une méthode de reconstitution fondée sur une reconstitution matière réalisée à partir des achats de produits vendus et des achats consommés par famille de produits c'est-à-dire les sandwichs, les boissons, les frites et barquettes de frites ainsi que les suppléments vendus intégrant les données d'exploitation retenues par l'administration lors d'un contrôle antérieur ayant donné lieu à une proposition de rectification du 7 mars 2011 à l'exception du grammage des viandes contenues dans un kebab normal et en particulier un taux d'offert de 10 % et un taux de perte à la cuisson de 20 %. Si M. A... a apporté des modifications à cette méthode et propose, désormais, l'application d'un coefficient de chiffre d'affaire correspondant aux achats de viande, repris des données d'exploitation des années 2008 et 2009, cette méthode ne peut pas être regardée comme plus précise que celle de l'administration dès lors qu'elle repose sur un rapprochement avec des éléments tirés de la comptabilité qui, comme il a été dit, est entachée de graves irrégularités ayant justifié son rejet, en ce qu'elle ne retrace pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise. En outre, M. A..., d'une part, ne justifie pas des quantités de viande, de frites et de gruyère râpé fournies dans chaque catégorie de sandwichs et de menus servis alors que certains sandwichs comportent eux-mêmes des frites et n'établit pas le bien-fondé de la reprise des données d'exploitation résultant des années antérieures dont les conditions d'exploitations ne sont pas nécessairement similaires.
6. Si M A... a proposé une autre méthode fondée sur la prise en compte d'un chiffre d'affaires déterminé par le produit du prix moyen des lignes manquantes diminué de la différence entre le nombre de lignes manquantes déterminées par le service et le nombre de lignes reconstituées résultant de la rectification des achats de viande, cette méthode, limitée aux achats de viande et qui aboutit à l'identification d'un prix moyen reconstitué par ligne à 2,26 euros en 2012 et 2,30 euros en 2013 n'est pas plus précise que celle à laquelle a eu recours le service à partir des données objectives de la caisse enregistreuse révélant un ticket moyen de 4,64 euros pour l'exercice 2012 et 4,74 euros pour l'exercice 2013.
7. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués réintégrés dans les revenus imposables de M. A....
8. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne conteste pas avoir appréhendé les bénéfices réputés distribués par la SARL Paradiso en sa qualité de maître de l'affaire, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur,
J-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02454