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10/07/2024 | FRANCE | N°23LY03196

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 10 juillet 2024, 23LY03196


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2304329 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure deva

nt la cour

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Coutaz, avocat,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 juin 2023 par lequel la préfète de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2304329 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Coutaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Drôme du 9 juin 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

- la préfète de la Drôme n'a pas examiné l'ensemble de son dossier ;

- le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnait les articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète de la Drôme n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français ;

- ces mesures sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour et de la mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 19 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- M. A... n'ayant pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions ;

- les autres moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1966, est entré en France le 7 novembre 2006 muni d'un passeport revêtu d'un visa valable dix jours, et déclare s'y être maintenu depuis lors. Le 13 janvier 2023, il a sollicité auprès de la préfecture de la Drôme la délivrance d'un titre de séjour. Après avoir consulté la commission du titre de séjour, qui a rendu un avis défavorable à cette demande, la préfète de la Drôme, par un arrêté du 9 juin 2023, a opposé un refus de délivrance de titre de séjour à M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 14 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète de la Drôme a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... après avoir procédé à un examen de sa situation personnelle, au vu des pièces effectivement fournies. M. A... n'établit pas, à ce titre, qu'un rapport de la communauté d'Emmaüs de Saint-Paul-Les-Romans avait été adressé à la préfecture du Rhône dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour antérieure, sur laquelle il n'avait pas été statué, et que cette pièce aurait dû être transmise à la préfecture de la Drôme lors de la présentation de sa nouvelle demande.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 435-2 du même code : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".

4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles ils renvoient, les articles L. 435-1 et L. 435-2 n'instituent pas une catégorie de titres de séjour distincte mais sont relatifs aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Ils fixent ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer ces dispositions à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. En l'espèce, si M. A... établit avoir été accueilli au sein de la communauté d'Emmaüs de Saint-Paul-Les-Romans durant la période d'avril 2013 à juillet 2016, il n'invoque aucune activité professionnelle ni aucune forme d'intégration durant les six années qui ont suivi son départ de celle-ci, quelle qu'ait pu être alors sa conduite et sa participation aux activités de la communauté. Par ailleurs, l'attestation du 28 décembre 2022 d'un agriculteur-arboriculteur-maraicher se borne à indiquer que cet employeur est en mesure de lui fournir du travail, sans d'ailleurs formellement lui consentir une promesse d'embauche, ni expliquer en quoi l'expérience ou la qualification du requérant seraient précieuses pour son exploitation. Dans ces circonstances, c'est sans commettre d'erreur manifeste que la préfète de la Drôme, qui a exercé son pouvoir général d'appréciation en la matière, a estimé que les perspectives d'intégration de M. A..., plus de six ans après avoir quitté la communauté d'Emmaüs, ne justifiaient pas qu'une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " lui soit délivré, et qu'il ne faisait état d'aucune circonstance et d'aucun motif permettant son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié.

6. En troisième lieu, M. A..., qui a vécu l'essentiel de sa vie en Tunisie, où résident l'un de ses frères et l'une de ses sœurs, n'invoque pas d'autres attaches en France que deux de ses frères et l'une de ses sœurs. Il ne fait état en particulier d'aucun lien noué à la communauté d'Emmaüs et d'aucune autre forme d'intégration. Dans ces circonstances, le refus de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, dispose par ailleurs que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. D'une part, M. A... n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code précité, et l'arrêté attaqué n'est pas fondé sur ces dispositions. Le requérant ne peut dès lors utilement se prévaloir de celles-ci.

9. D'autre part, M. A... fait valoir qu'il réside depuis 2006 en France, où vivent également deux de ses frères et l'une de ses sœurs. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 6, il ressort des pièces du dossier que le requérant a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, où vivent encore l'un de ses frères et l'une de ses sœurs. S'il s'est marié avec une ressortissante française le 12 juillet 2008, celle-ci a quitté le domicile conjugal en décembre 2009, et le divorce a été prononcé par jugement du 25 mars 2014. Le requérant n'a pas d'enfant à charge en France, et ne fait état d'aucune précision quant aux liens qu'il aurait tissés durant la période d'avril 2013 à juillet 2016, durant laquelle il a été accueilli au sein de la communauté d'Emmaüs de Saint-Paul-Les-Romans. Il ne fait état d'aucune activité professionnelle depuis qu'il a quitté cette communauté. Dans ces circonstances, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Pour les mêmes motifs, ce refus n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".

11. En premier lieu, la préfète de la Drôme a fait obligation de quitter le territoire français à M. A..., auquel elle avait légalement refusé la délivrance d'un titre de séjour. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que cette mesure a été prise après que la préfète a exercé le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose.

12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, cette mesure d'éloignement ne viole pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement serait entachée d'illégalité du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

15. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLa présidente,

Emilie Felmy

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03196
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23ly03196 ?
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