Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une première requête, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 4 avril 2023 par lequel le préfet de Haute-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par une seconde requête, M. B... a demandé à ce même tribunal d'annuler les arrêtés du 11 mai 2023 par lesquels cette même autorité a prononcé la fin du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une part, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part.
Par un jugement nos 2301030 et 2301031 du 24 mai 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, M. B..., représenté par Me Laffont, avocate, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mai 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de Haute-Loire du 4 avril 2023 et du 11 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Haute-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- compte tenu de la brièveté du délai entre l'avis d'audience et la tenue de celle-ci, et le peu de temps dont il a disposé pour prendre connaissance des productions de l'administration, le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure ;
- en estimant qu'il n'avait pas présenté de demande de titre de séjour, le tribunal a commis une grave illégalité ;
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;
- le refus de lui délivrer un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
- cette mesure viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire enregistré le 1er août 2023, le préfet de Haute-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1992, a déclaré être entré en France en 2011, en 2012, ou en 2015 sous couvert d'un titre de séjour italien. Par un courrier reçu le 17 juillet 2020 par l'administration, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Le préfet de Haute-Loire lui a opposé un refus par une décision du 29 septembre 2020, que l'intéressé a contestée sans succès devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 10 mars 2023. Par une lettre du 24 avril 2023, ledit préfet lui a notifié un arrêté du 4 avril précédent lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par deux arrêtés du 11 mai 2023, le préfet de Haute-Loire a mis fin au délai de départ volontaire accordé à l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une part, et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours en vue de la mise à exécution de son éloignement, d'autre part. M. B... relève appel du jugement du 24 mai 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour qu'il estime lui avoir été opposé le 4 avril 2023, ainsi que des arrêtés du 11 mai suivant.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". En vertu de l'article R. 776-21 du même code, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence, " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) ". Aux termes de l'article R. 776-24 du même code : " Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ". Aux termes de son article R. 776-26 : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'avocate de M. B... a été convoquée régulièrement et en temps utile, par un courrier qui a été mis à sa disposition sur le portail Télérecours le 22 mai 2023 à 9 h 56, à l'audience publique du tribunal administratif de Clermont-Ferrand tenue le 23 mai 2023 à 10 h 30, au rôle de laquelle les affaires avaient été inscrites. Il ressort également des pièces du dossier de première instance que l'avis d'audience a été notifié au requérant le 20 mai 2023. A la suite du mémoire complémentaire du requérant et des pièces produites par celui-ci, communiqués à l'administration le 23 mai à 7 h 46 et à 7 h 50, le mémoire en défense du préfet de Haute-Loire et les pièces annexées à celui-ci ont été enregistrés au greffe du tribunal et communiqués à 9 h 32 et à 9 h 33, soit environ une heure avant le début de l'audience. Ainsi, le requérant et son avocate étaient à même de prendre connaissance des observations en défense du préfet et des pièces produites par celui-ci, présentées avant la clôture de l'instruction, et ils disposaient d'un temps suffisant, compte tenu du caractère urgent de la procédure, pour y répondre par écrit, ou pour formuler leurs observations orales à l'audience publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, par une lettre du 28 mars 2023, le préfet de Haute-Loire a rappelé à M. B..., auquel la délivrance d'un titre de séjour avait été refusée par une décision du 29 septembre 2020, qu'en vertu de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il devait quitter le territoire français, et l'a convoqué le 4 avril suivant pour l'appréciation de sa situation. Si le requérant expose avoir produit le jour de sa présentation en préfecture des pièces relatives à ses liens personnels et familiaux en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait formulé à cette occasion une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour. En outre, par l'arrêté notifié le 24 avril 2023, le préfet se borne à rappeler l'existence d'une décision de refus de titre de séjour déjà opposé le 29 septembre 2020 ainsi que le jugement du 10 mars 2023 ayant rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision, et à examiner si sa situation fait obstacle à son éloignement, sans statuer à nouveau sur le droit au séjour de l'intéressé. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande tendant à l'annulation d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, au motif que ces conclusions étaient dépourvues d'objet.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de son article L. 612-5 : " L'autorité administrative peut mettre fin au délai de départ volontaire accordé en application de l'article L. 612-1 si un motif de refus de ce délai apparaît postérieurement à la notification de la décision relative à ce délai ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Haute-Loire, qui avait prescrit à M. B... l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours au motif que la délivrance d'un titre de séjour lui avait été refusée, s'est fondé, pour mettre fin au délai de départ volontaire qui lui avait été accordé et lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai, sur la circonstance, qu'il ne conteste pas, qu'il n'avait pas remis son passeport à l'administration ni respecté l'obligation de présentation prescrite par l'arrêté du 4 avril 2023, et que le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement était en conséquence établi. Le requérant fait valoir qu'il vit en France depuis 2011, que ses trois enfants mineurs, nés de sa relation passée avec une ressortissante algérienne, y sont également présents, et qu'il entretient depuis 2019 une relation sentimentale avec une ressortissante française avec laquelle il habite. Toutefois, le requérant ne justifie pas, par la production d'un relevé d'information délivré en 2016 par une compagnie d'assurance mentionnant un accident de la circulation survenu en août 2011, et une pièce relative à un examen médical en 2014, qu'il aurait résidé durablement en France avant l'année 2016. Il produit en effet un titre de séjour italien valable d'avril 2015 à avril 2016. Il ressort par ailleurs des correspondances adressées par la mère des enfants de M. B... au préfet de Haute-Loire que le couple se serait formé en Algérie en 2010, et qu'ils se seraient mariés en 2013 en Tunisie, où l'intéressé aurait vécu plusieurs mois. En outre, si les enfants du requérant résident en France avec leur mère, il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu dans le cadre d'une composition pénale avoir commis des violences sur celle-ci en juin 2016, alors qu'elle était enceinte de huit mois, en présence de l'un des enfants. Les photographies produites, les attestations établies par la mère des enfants selon lesquelles M. B... s'en occuperait et aurait de bonnes relations avec eux, et l'attestation émanant d'un membre d'une association sportive selon laquelle il a accompagné l'un de ses enfants à des séances de sport deux fois par semaine entre septembre 2022 et juin 2023, ne suffisent pas à établir qu'il aurait maintenu des liens effectifs avec eux et contribuerait à leur entretien et leur éducation, circonstance qui ne ressort par ailleurs d'aucune autre pièce du dossier. Enfin, pour justifier de son concubinage, le requérant produit une attestation d'une ressortissante française qu'il présente comme sa compagne, aux termes de laquelle ils entretiendraient une relation sentimentale depuis 2019. Cependant, le requérant n'avait pas fait état de cette relation lorsqu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en juillet 2020, la personne qu'il présente comme sa concubine s'étant alors bornée à attester qu'elle l'hébergeait. Ainsi, l'existence de cette relation sentimentale, ou à tout le moins son ancienneté, ne sont pas établies. Dans ces circonstances, les mesures contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne méconnaissent pas davantage l'intérêt supérieur de ses enfants, et le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Enfin, pour les mêmes motifs, les mesures contestées ne sont entachées d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. L'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent dès lors être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... pour l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Joël Arnould, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
Le rapporteur,
Joël ArnouldLa présidente,
Emilie Felmy
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02061