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04/07/2024 | FRANCE | N°24LY00593

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 24LY00593


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 août 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2307945 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 29 fév

rier 2024, M. B... A..., représenté par Me Petreto, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 août 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2307945 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Petreto, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la préfète du Rhône a commis un vice de procédure en ne saisissant pas le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de son dernier traitement par médicaments ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont entachées d'insuffisance de motivation ;

- la préfète du Rhône a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- elle a méconnu son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.

La préfète du Rhône, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant tunisien, né le 13 septembre 1998, est entré sur le territoire français le 20 septembre 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable du 18 septembre au 18 novembre 2018. Par un arrêté du 21 janvier 2020, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour du 5 avril 2019 en raison de son état de santé, et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. L'intéressé a été muni d'une carte de séjour temporaire valable du 23 novembre 2020 au 22 novembre 2021. M. A... a demandé, le 21 septembre 2021, le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des décisions du 23 août 2023, la préfète du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. En premier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les circonstances que ces décisions seraient entachées d'erreurs de fait, d'une absence de preuves, d'inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale du requérant, sont sans incidence sur la motivation des décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Pour refuser d'admettre M. A... au séjour, la préfète du Rhône s'est appuyée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 24 janvier 2022 indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est atteint d'une cardiopathie, qu'il a alors bénéficié en Tunisie de deux interventions chirurgicales au niveau du cœur, qu'il a toutefois été atteint de deux endocardites aigues précoces post-chirurgicales sur prothèse, qu'il a alors subi une troisième chirurgie cardiaque dans son pays d'origine avec double remplacement valvulaire mécanique aortique et mitrale, mais qu'une fuite paraprothétique persiste provoquant une hémolyse chronique avec insuffisance cardiaque contrôlée par un traitement cardiovasculaire.

5. D'une part, s'il ressort des ordonnances des 18 septembre et 18 décembre 2023 que M. A... est traité notamment par Coumadine et Jardiance, il ne démontre pas que ces médicaments lui étaient déjà prescrits avant les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

6. D'autre part, lorsque le défaut de prise en charge invoqué par le demandeur risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

7. S'il ressort du certificat médical d'un médecin tunisien, spécialiste des maladies cardiovasculaires, que le médicament Eplérénone n'est pas disponible en Tunisie, il ressort du courriel du 2 juin 2023 du médecin inspecteur de santé publique - conseillère médicale près la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur et des outre-mer, que la Spironolactone diurétique équivaut à l'éplérénone, et de la nomenclature hospitalière 2018 établie par le ministère tunisien de la santé que la spironolactone est disponible dans le pays d'origine de M. A.... S'il ressort des ordonnances des 18 septembre et 18 décembre 2023 que l'intéressé est traité également par coumadine et jardiance, il ne démontre pas que ces médicaments lui étaient déjà prescrits avant les décisions en litige. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'éventualité d'une quatrième opération cardiaque. En outre, il ne ressort pas du certificat médical, établi le 19 septembre 2023 par le médecin cardiologue qui suit le requérant en France, que son état de santé ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine, dès lors que ce certificat se limite à indiquer que des ruptures d'approvisionnement existent de manière chronique en Tunisie notamment en Coumadine. Ce certificat ne mentionne pas de ruptures d'approvisionnement pour les autres médicaments prescrits à M. A.... De plus, le requérant n'apporte aucune précision, ni justificatif, sur l'impossibilité de bénéficier du système tunisien de sécurité sociale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et celui, en tout état de cause, de l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale, doivent être écartés.

8. En troisième et dernier lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixe notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article L. 435-1, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien. Toutefois, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose, à cette fin, d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

9. Il résulte du point 7 du présent arrêt que M. A... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, il ne se prévaut que d'un contrat de travail valable du 1er mai au mois de novembre 2022, et il ne justifie pas, au demeurant, de compétences spécifiques pour l'emploi de préparateur de véhicule. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la préfète du Rhône de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel, doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00593
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PETRETO PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;24ly00593 ?
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