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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY03756

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY03756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait pour motifs de santé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.



Par jugement n° 2304891 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023, M. B..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait pour motifs de santé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par jugement n° 2304891 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Pochard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2023 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et/ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté édicté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision précédente ;

- elle méconnaît le 9°) de l'article L. 611-3 du code précité ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 décembre 2023

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les observations de Me Lulé, représentant M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant syrien né le 25 février 1965, est entré sur le territoire français le 8 décembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 31 août 2017, que par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 22 octobre 2019. En décembre 2017, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Un titre de séjour d'une durée d'un an lui a été délivré, qui a été renouvelé jusqu'au 15 décembre 2022. Le 24 octobre 2022, M. B... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 31 mai 2023, la préfète du Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble :

2. Il ne ressort pas de l'arrêté en litige que la préfète du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation administrative, personnelle et familiale de M. B.... A ce titre, la préfète a relevé la présence en France de ses deux enfants mineurs et leur mère, chez qui ils vivent. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant renouvellement de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 4 avril 2023, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Pour contester la teneur de cet avis, que la préfète du Rhône s'est appropriée, le requérant produit un certificat médical du 20 mars 2023 détaillant ses pathologies ainsi que ses antécédents médicaux mais ce document et les autres pièces versées au dossier ne font état que de la nécessité d'une surveillance régulière de l'intéressé par un service d'hépato-gastro-entérologie notamment par des examens annuels ainsi qu'une surveillance biologique sur une durée d'un an. Le requérant n'apporte aucune pièce démontrant que le suivi et la surveillance régulière dont il a besoin ne seraient pas disponibles en Syrie. Il ne justifie pas en outre suivre un traitement médicamenteux. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant le titre de séjour sollicité, la préfète du Rhône aurait méconnu les dispositions précitées.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... justifie de six années de présence en France dont quatre années en situation régulière en qualité d'étranger malade. Il conserve dans son pays d'origine où il a vécu de nombreuses années des attaches familiales notamment ses parents. Il est constant qu'il est séparé de son épouse, ressortissant libanaise vivant en France, depuis décembre 2019. Si sa fille aînée s'est vue délivrer, alors qu'elle était encore mineure, un titre de séjour valable jusqu'au 26 février 2024, le requérant ne justifie pas de liens étroits avec ses deux enfants mineurs et ne démontre pas participer à leur éducation et leur entretien. A la date de la décision en litige, ceux-ci résidaient chez leur mère. M. B... ne fait état d'aucune intégration socioprofessionnelle en France. Enfin, il a été rappelé que les pathologies dont il est atteint peuvent faire l'objet d'un suivi et d'une surveillance dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas davantage porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Compte tenu de la légalité de la décision portant renouvellement de titre de séjour opposée à M. B..., ce dernier n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision susvisée.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision susvisée méconnaît les dispositions du 9°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision susvisée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de cette décision.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

14. Si le requérant soutient que la situation en Syrie et notamment à Alep, dont il est originaire, est très dégradée et fait l'objet de bombardements réguliers, il ne fait état d'aucun risque réel et actuel pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine alors que la décision fixant le pays de destination n'a ni pour objet ni pour effet de lui interdire de s'établir dans une ville autre que celle dont il est originaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY03756

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03756
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly03756 ?
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