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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY03573

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY03573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Ain a décidé sa remise aux autorités espagnoles et prononcé une interdiction de circulation pour une durée d'un an ainsi que d'annuler la décision du 24 octobre 2023 par laquelle la préfète du Rhône a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2309029 du 2 novembre 2023, le magistrat désigné par la

présidente du tribunal administratif de Lyon a, dans un article 2, annulé l'arrêté du 24 octobre 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Ain a décidé sa remise aux autorités espagnoles et prononcé une interdiction de circulation pour une durée d'un an ainsi que d'annuler la décision du 24 octobre 2023 par laquelle la préfète du Rhône a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2309029 du 2 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a, dans un article 2, annulé l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Ain a décidé sa remise aux autorités espagnoles et prononcé une interdiction de circulation pour une durée d'un an, dans un article 3, annulé l'arrêté du 24 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône l'a assigné à résidence et, dans un article 4, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Dachary en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement du 2 novembre 2023 et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par M. A... en première instance.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que les autorités espagnoles devaient donner leur accord préalablement à l'édiction de la décision de réadmission dès lors que cet accord constitue une mesure d'exécution de cette décision ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2024, M. A..., représenté par Me Dachary, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que le tribunal a annulé les arrêtés susvisés ;

- la décision portant remise est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision interdisant la circulation sur le sol français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 622-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant assignation à résidence n'est pas justifiée ;

- elle est disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Malaga le 26 novembre 2002 et son décret de publication n°2004-226 du 9 mars 2004 ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

- et les observations de Me Dachary, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant syrien né en 1997, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en 2017. La demande d'asile qu'il a présentée a été rejetée pour irrecevabilité par la cour nationale du droit d'asile le 9 mai 2022 et sa demande de réexamen a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 juin 2023. M. A... a fait l'objet, par arrêtés des 24 novembre 2017 et 8 janvier 2021 du préfet de l'Essonne, de décisions portant obligation de quitter le territoire français et, par arrêté du 18 mai 2022 du préfet du Rhône, d'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Par décisions du 24 octobre 2023, la préfète de l'Ain a décidé sa remise aux autorités espagnoles, l'a interdit de circulation et a décidé son assignation à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. La préfète de l'Ain relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé l'ensemble de ces décisions.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; ". Aux termes de l'article L. 621-1 du même code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ". Aux termes de l'article L. 621-2 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet État, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009. ".

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord précité conclu entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière : " L'obligation de réadmission prévue à l'article 5 n'existe pas à l'égard : / (...) / c) Des ressortissants des Etats tiers qui séjournent depuis plus de six mois sur le territoire de la Partie contractante requérante, cette période étant appréciée à la date de la transmission de la demande de réadmission (...) ". Ces stipulations ne s'opposent pas à ce que le ressortissant d'un Etat tiers qui séjourne depuis plus de six mois sur le territoire de l'Etat requérant fasse l'objet d'une mesure de remise vers l'Etat requis dès lors que ce dernier accepte qu'il y soit procédé.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 24 novembre 2017 et qu'il a déposé le 11 décembre 2018 une demande d'asile en France. Ainsi, à la date de la décision portant remise aux autorités espagnoles en litige, il résidait en France depuis plus de six mois. Par suite, en application des dispositions de l'article 5 de l'accord conclu entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière susvisé, les autorités espagnoles n'étaient pas tenues d'accepter la réadmission de M. A.... La préfète de l'Ain ne justifie pas en outre avoir obtenu préalablement à l'édiction de sa décision un accord exprès desdites autorités en vue de cette réadmission. La préfète ne saurait à ce titre utilement soutenir que l'accord des autorités espagnoles ne constitue qu'une mesure d'exécution de la décision portant remise dès lors que les dispositions de l'article 6 prévoient explicitement que le délai de 6 mois de présence sur le territoire de l'Etat requérant s'apprécie à la date de la demande des autorités françaises et que, dans l'hypothèse où le délai de 6 mois est dépassé, les autorités requises ne sont plus tenues de réadmettre l'intéressé. Par suite, la décision en litige portant remise de M. A... aux autorités espagnoles méconnaît l'article 6 de l'accord précité.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé ses arrêtés du 24 octobre 2023 portant remise aux autorités espagnoles et interdiction de circulation pour une durée d'un an et assignation à résidence. Sa requête doit ainsi être rejetée.

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dachary, avocats de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dachary de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Ain est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me Dachary, conseil de M. A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. A... et à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente ;

M. Gros, premier conseiller ;

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLa présidente,

P. Dèche

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03573

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03573
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly03573 ?
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