Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... D... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 8 juillet 2022 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par des jugements nos 2201748 et 2201749 du 22 septembre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
I. Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023 sous le n° 23LY03295, Mme B..., représentée par Me Remedem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions du 8 juillet 2022 du préfet du Puy-de-Dôme la concernant ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- il s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 7 juin 2024, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... a été déclarée caduque par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 avril 2024.
II. Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023 sous le n° 23LY03297, M. B..., représenté par Me Remedem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ainsi que les décisions du 8 juillet 2022 du préfet du Puy-de-Dôme le concernant ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants angolais nés, respectivement, le 12 juillet 1985 et le 19 février 1988, sont entrés en France, respectivement, le 4 mars 2020 et le 26 janvier 2020 sous couvert de visas de court séjour. Mme B... a sollicité le 23 septembre 2020 son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et M. B... a sollicité le 27 septembre 2021 son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du même code. Par des décisions du 8 juillet 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme B... relèvent appel des jugements du 22 septembre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Les requêtes n° 23LY03295 et n° 23LY03297 sont relatives au droit au séjour des membres d'une même famille. Il y a lieu de les joindre afin d'y statuer par un seul arrêt.
3. En premier lieu, il ne ressort ni des termes des décisions en litige, ni d'aucune pièce des dossiers que le préfet du Puy-de-Dôme se serait à tort estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 4 mai 2021, ni qu'il se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. et Mme B....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (....) ".
5. Pour refuser d'admettre Mme B... au séjour, le préfet du Puy-de-Dôme s'est notamment appuyé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 4 mai 2021 indiquant notamment que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, l'absence de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. La circonstance que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été émis un an avant les décisions en litige est par elle-même sans incidence sur la légalité de ces décisions, en l'absence de tout élément propre à établir que l'évolution de l'état de santé de Mme B..., indépendamment de sa seule grossesse qui a justifié un simple suivi, est susceptible de remettre en cause le sens de cet avis et à le faire regarder comme caduc. Mme B..., qui souffre d'une hépatite B chronique et d'un état dépressif, produit, outre des analyses virologiques attestant de son infection par ce virus et des éléments relatifs à son état de grossesse, des comptes-rendus établis le 31 juillet 2020 et le 22 décembre 2020 par un praticien hospitalier du pôle digestif hépato-biliaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et des certificats médicaux établis le 9 octobre 2020 et le 22 juin 2022 par un médecin psychiatre. Toutefois, s'agissant de l'hépatite B dont l'intéressée est atteinte, ces pièces relèvent l'absence d'indication pour l'administration d'un traitement compte tenu de la faible charge virale subie, et, s'agissant de son état dépressif, les certificats produits, qui se bornent à relever que l'état psychique de Mme B... est fragile et nécessite un hébergement le plus stable possible, sans aucune autre précision, ne suffisent pas à contredire l'avis du collège de médecins. Si les requérants font valoir que le suivi et le traitement nécessités par l'état de santé de Mme B... ne sont pas accessibles en Angola, cette circonstance, à la supposer établie, est en elle-même sans incidence sur la légalité des décisions en litige, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant d'admettre Mme B... sur ce fondement.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont entrés récemment en France, un peu plus de deux ans avant les décisions en litige, et qu'ils n'ont jamais été admis au séjour sur le territoire. Les requérants ne font état d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Angola, pays dans lequel ils ont vécu jusqu'à l'âge de, respectivement, trente-deux et trente-cinq ans, et où ils conservent l'essentiel de leurs attaches privées et familiales. Par suite, les refus de séjour opposés à M. et Mme B... n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ils n'ont, ainsi, pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français en litige ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
8. En quatrième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. M. et Mme B..., dont l'enfant est né postérieurement à l'arrêté en litige, ne peuvent, par suite, utilement soutenir que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
11. Les éléments dont se prévalent M. et Mme B..., tels que rappelés ci-dessus, ne constituent pas des motifs exceptionnels, ni ne relèvent de considérations humanitaires, au sens de ces dispositions. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme ne les a pas manifestement méconnues en refusant de leur délivrer un titre de séjour.
12. En sixième lieu, en instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. En l'espèce, dès lors que M. et Mme B... ne détiennent aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, ils ne peuvent utilement invoquer, sur le fondement de ces dispositions, les orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir.
13. En dernier lieu, en vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. M. et Mme B... soutiennent qu'un retour en Angola est susceptible de les exposer à des risques graves pour leur sécurité et leur santé. Toutefois, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le défaut de prise en charge de l'état de santé de Mme B... devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre les requérants, qui n'apportent aucune précision ni aucun justificatif à l'appui de leur affirmation, ne produisent aucun élément probant de nature à justifier qu'ils seraient personnellement exposés à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Angola. Par suite, en fixant le pays à destination duquel M. et Mme B... sont susceptibles d'être éloignés, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions en litige n'ont pas plus méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes.
16. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
17. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... D... B..., Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Psilakis, première conseillère,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La présidente-rapporteure,
A. Evrard
L'assesseure la plus ancienne,
C. Psilakis
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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No 23LY03295-23LY03297