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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY02065

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY02065


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. E... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement nos 2000655 - 2105469 - 2205933 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge

à hauteur des dégrèvements de 23 341 euros, 1 917 euros, 2 318 euros et 222 euros, prononcés en cours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 2000655 - 2105469 - 2205933 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur des dégrèvements de 23 341 euros, 1 917 euros, 2 318 euros et 222 euros, prononcés en cours d'instance (article 1er), les a déchargés des prélèvements sociaux et des pénalités restant dus calculés sur la somme de 9 403 euros versée en 2016 par la société Fimel (article 2), et a rejeté le surplus de leurs demandes (article 4).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin 2023 et 16 février 2024, M. E... et Mme D... A..., représentés par Me Tournoud, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes ;

2°) de prononcer la décharge, ou à titre subsidiaire, la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la somme de 9 403 euros versée en 2016 par la société Fimel a été considérée comme relevant de la catégorie des traitements et salaires et non de celle des revenus de capitaux mobiliers, par le tribunal administratif qui n'en a tiré des conséquences que pour les prélèvements sociaux et non pour l'impôt sur le revenu, et ainsi, la base imposable à l'impôt sur le revenu doit être réduite de 25 % et de l'abattement forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels ;

- les frais engagés par M. A..., qui lui ont été payés par les SARL Domino Sign et Fimel, ne sont pas imposables sur le fondement du 1° de l'article 81 du code général des impôts ;

- ces paiements devaient être imposés en tant que rémunération sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts ;

- les frais de litige ont été comptabilisés par les deux sociétés de manière explicite et individualisée ;

- les paiements ne pouvaient pas être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en tant que revenus distribués occultes sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ;

- la réponse ministérielle n° 12029 du 8 juillet 1954 à M. C..., député, et le paragraphe 50 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20, sont opposables à l'administration ;

- la substitution de base légale sollicitée à titre subsidiaire par l'administration ne permet pas de maintenir les cotisations supplémentaires de contributions sociales en l'absence de revenus du patrimoine, et conduirait à réduire la base de l'impôt sur le revenu de 25 % avec prise en considération de l'abattement forfaitaire de 10 %.

Par des mémoires, enregistrés les 15 décembre 2023 et 19 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer partiel à hauteur de 1 406 euros au titre de l'année 2016, et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- il a pris en cours d'instance une décision de dégrèvement partiel de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016 ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il demande à la cour de substituer l'article 62 du code général des impôts à l'article 111 c. du même code pour les sommes qui ne relèveraient pas de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 11 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar, représentant M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Domino Sign et la SARL Fimel, dont M. A... était le dirigeant et dont il détenait les parts, directement ou par l'intermédiaire d'une société holding, ont fait l'objet de vérifications de comptabilité à la suite desquelles l'administration a rejeté des charges comme étant non justifiées ou non engagées dans l'intérêt des sociétés. En conséquence de ces contrôles, M. et Mme A... ont été assujettis, au titre des années 2014, 2015 et 2016, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration dans leurs revenus imposables de revenus distribués correspondant aux charges réintégrées que l'administration a imposées entre les mains de M. A... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A..., établies suivant la procédure contradictoire, ont été assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les demandes de décharge de ces impositions dont il était saisi, a constaté un non-lieu à statuer partiel à concurrence des dégrèvements, de respectivement 23 341 euros, 1 917 euros, 2 318 euros et 222 euros prononcés en cours d'instance, au titre des années en litige, et, enfin, prononcé la décharge des contributions sociales appliquées à la somme de 9 403 euros versée en 2016 par la SARL Fimel à titre de remboursement des frais de déplacement de M. A... pour laquelle il a accueilli la demande de substitution de base légale présentée par l'administration tendant au maintien de l'imposition à l'impôt sur le revenu de cette somme sur le fondement de l'article 62 du code, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. et Mme A.... Ceux-ci relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes de décharge des impositions établies au titre des années 2015 et 2016.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 19 mars 2024, postérieure à l'introduction de la requête, l'administrateur de la direction de contrôle fiscal centre-Est a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'un montant total de 1 406 euros de la cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2016 et des pénalités qu'impliquait la substitution de base légale dans la catégorie de l'article 62 du revenu de 9 403 euros que l'administration avait primitivement imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers accueillie par le tribunal administratif de Grenoble mais dont le jugement a omis de tirer les conséquences pour l'imposition à l'impôt sur le revenu de cette somme dans son dispositif. Les conclusions de la requête de M. et Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

4. M. et Mme A... contestent l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de ces dispositions, des autres charges, d'un montant total de 25 112 euros, correspondant à des frais de mission et réceptions, de voyages et déplacements et de frais de colloques, séminaire et congrès, pris en charge par la SARL Fimel et de la SARL Domino Sign dont la déduction a été refusée à la suite des vérifications de comptabilité de chacune dont elles ont été l'objet.

5. Il résulte de l'instruction que les frais de déplacement, d'invitation par la direction et frais divers, comptabilisés par la SARL Fimel sans autre précision, ne sont assortis d'aucun justificatif, ne sont pas accompagnés de tickets de péages, de frais d'hôtel ou de restaurant en dépit de l'importance des distances et de la durée des déplacements, et cette société a payé des frais de déplacement en Chine, alors que M. et Mme A... déclarent eux-mêmes que ladite société n'a aucune activité hors de France. En outre, si la SARL Domino Sign a également pris en charge des sommes au bénéfice de M. A..., il résulte de l'instruction que les frais de restaurants ne sont pas assortis de la désignation des bénéficiaires ou ne sont accompagnés que du ticket de caisse, que des invitations de clients ne sont assorties que des tickets de caisse sans aucune précision, que des frais de déplacement ont été comptabilisés comme " divers " ou " déplacement direction " accompagnés notamment d'un justificatif illisible, de simples tickets de caisse ou de carte bancaire, d'une facture incluant l'achat d'un costume ou d'un ticket comprenant l'achat de parfums en Duty free. De plus, il résulte de l'instruction que des frais de déplacements à Paris, à Lille notamment par train, dans le Sud de la France, dans des pays de l'Union européenne, en Chine et en Corée, pris en charge par la SARL Domino Sign, ont fait l'objet de factures adressées à M. A... ou établies à son nom ou de courriels adressés à celui-ci, alors qu'il résulte de la proposition de rectification du 12 décembre 2017 que des charges non engagées dans l'intérêt de cette société ont été réglées à hauteur de 27 787,53 euros en 2015 et de 14 850,61 euros en 2016 par la carte bancaire ouverte au nom de M. A... dans les comptes de ladite société, et que les requérants n'apportent aucun élément tendant à démontrer qu'ils auraient effectivement avancé les frais de déplacements précités. Par suite, les dépenses précitées ne sont pas susceptibles de se rattacher à l'exercice des fonctions de M. A... au sein des SARL Domino Sign et Fimel et ne présentent pas de caractère professionnel. C'est, dès lors, par une exacte application des dispositions précitées que ces sommes ont été imposées dans la catégorie des revenus des capitaux en tant que distributions irrégulières.

6. Au demeurant, ainsi que le relève le ministre, alors qu'il résulte de l'article 54 bis du code général des impôts que les sociétés sont tenues d'inscrire en comptabilité " sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ", incluant les gérants de SARL, les frais en cause ont donné lieu à des écritures au débit des comptes 6256, 6251, 6158 et 6252, qui sont des comptes de frais généraux, et non comptabilisées dans le compte 6414 retraçant les avantages en nature et indemnités diverses fournis par une société à son personnel de sorte qu'ils ne peuvent être regardés comme ayant donné lieu à la comptabilisation explicite d'un avantage en nature ou d'une indemnité.

7. Il suit de là que les moyens des requérants tirés ce que les sommes en cause présenteraient le caractère d'" allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet " affranchies de l'impôt au sens du 1° de l'article 81 du code général des impôts et de ce qu'elles seraient imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de l'article 62 du code en tant qu'élément de la rémunération imposable des gérants majoritaires de société à responsabilité limitée ne peuvent qu'être écartés.

8. Enfin, M. et Mme A... ne sont pas fondés, en tout état de cause, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle n° 12029 du 8 juillet 1954 à M. C..., député, ni du paragraphe 50 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20, dès lors qu'il résulte du point 9 du présent arrêt que les frais pris en charge par les SARL Domino Sign et Fimel ne correspondent pas à des dépenses d'ordre professionnel.

9. Il résulte de ce qui précède, sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de base légale présentée à titre subsidiaire par le ministre, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. L'Etat n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance. Par suite, les conclusions de M. et Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

11. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de 1 406 euros, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2016 et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY02065


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