Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017 et, à titre subsidiaire, la décharge des majorations.
Par un jugement n° 2201864 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, et un mémoire non communiqué, enregistré le 20 février 2024, Mme C... A..., représentée par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge de ces impositions et pénalités et, à titre subsidiaire, la décharge des pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... A... soutient que :
- la prise de position formelle de l'administration, résultant de ce que l'administration a écarté, au titre des revenus des années 2012 et 2013, la nature de pension alimentaires des sommes versées par M. A..., en les qualifiant de revenus d'origine indéterminées lui est opposable sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont infondées, dès lors que les insuffisances de déclaration sont exclusivement imputables à l'administration.
Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2023, le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- les moyens ne sont pas fondés :
- les conclusions relatives aux dépens sont irrecevables comme dépourvues d'objet.
Par ordonnance du 12 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laval, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hakkar, représentant Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., qui résidait et travaillait en Suisse, et Mme C... A..., son épouse qui résidait en France en Isère, qui étaient alors mariés sous le régime de la séparation de biens, ont déposé, au titre de l'année 2017, une déclaration conjointe de revenus dans laquelle ils ont déclaré un revenu nul, un enfant mineur et trois enfants majeurs rattachés à leur foyer fiscal. Au titre de l'année 2018, Mme A... a souscrit une déclaration de revenus séparée, faisant état de son divorce, le 9 février 2018 dans laquelle elle a déclaré un revenu nul, un enfant mineur et deux enfants majeurs rattachés à son foyer fiscal. Elle a fait l'objet en 2020 d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2017 et 2018, à la suite duquel, tirant les conséquences de l'instance de divorce en cours en 2016 et de l'attribution à Mme A... de la jouissance gratuite du domicile conjugal par une ordonnance de non-conciliation du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Grenoble du 1er juillet 2014 fixant à 4 500 euros par mois la contribution de M. A... au titre de sa part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants et à 5 000 euros par mois la pension alimentaire due à son épouse au titre du devoir de secours, l'administration a estimé que l'intéressée devait faire l'objet d'une imposition distincte pour l'imposition de son revenu de l'année 2017, a ramené à 3, correspondant à la situation d'une personne séparée avec un enfant mineur à charge et deux enfants majeurs rattachés, le quotient familial de 5 déclaré par les époux et soumis à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de l'article 79 du code général des impôts, les sommes reçues de M. A... créditées sur ses comptes bancaires. Mme A... a ainsi été assujettie, au titre de l'année 2017, à une cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle l'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Mme A... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de cette imposition et de la pénalité correspondante.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'un précédent examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2012 et 2013, années au titre desquelles Mme A... avait déposé des déclarations de revenu distinctes en application du a du 4 de l'article 6 du code général des impôts, l'administration l'a taxée d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 16 de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à raison de revenus d'origine indéterminée, constitués de crédits bancaires non justifiés. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 17 décembre 2020 devenu définitif, prononcé la décharge des impositions et pénalités en résultant sur le fondement de la règle générale de présomption du caractère non imposable des sommes correspondant à des versements à caractère familial.
3. Mme A..., qui ne conteste pas que l'imposition à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 a été établie conformément à la loi fiscale, fait valoir qu'en taxant les sommes versées par son époux en 2012 et 2013 en tant que revenus d'origine indéterminée, l'administration a pris une position formelle sur sa situation de fait, opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même code : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
5. Toutefois, Mme A... n'est pas fondée à invoquer ces dispositions pour faire échec à l'imposition des sommes versées par son époux dès lors, d'une part, qu'ayant déclaré un revenu nul en 2017, l'imposition en litige mise à sa charge à l'issue du contrôle dont elle a été l'objet est une imposition primitive qui ne procède pas du rehaussement d'une imposition antérieure et, d'autre part, que les époux étant en instance de divorce depuis 2014 et ayant été autorisés à avoir des résidences séparées, sa situation de fait en 2017 n'est pas identique à celle qui a été soumise à l'administration et appréciée par elle en 2012 et 2013.
Sur la pénalité :
6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
7. Ainsi qu'il a été dit, Mme A... a souscrit une déclaration de revenus conjointe avec son époux, au titre de 2017, mentionnant un revenu nul. Elle ne peut donc utilement soutenir qu'elle aurait dû être invitée à souscrire une déclaration de revenus séparée selon la procédure applicable en cas d'absence de déclaration. La déclaration qu'elle a souscrite mentionnant un revenu nul est, par suite, entachée d'une insuffisance déclarative. En relevant que Mme A... a déposé une déclaration de revenus conjointe sans y mentionner le moindre revenu alors qu'elle avait perçu de M. A... une somme de 104 500 euros en exécution de l'ordonnance de non-conciliation du 1er juillet 2014, qu'elle avait déposé des déclarations séparées au titre des années précédentes et qu'elle ne pouvait, ainsi, ignorer la procédure de divorce en cours et les pensions alimentaires mises à la charge de son époux, l'administration établit l'intention délibérée de Mme A... d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration prévue en cas de manquement délibéré sans que celle-ci puisse utilement invoquer la circonstance que l'administration lui a envoyé une déclaration d'imposition conjointe préimprimée, dès lors qu'il lui incombait de vérifier les informations figurant sur cette déclaration pré-imprimée d'impôt sur le revenu. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait légalement faire application de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur les dépens :
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées par Mme A... à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Courbon, présidente-assesseure,
M. Laval, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
J.-S. Laval
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00317