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04/07/2024 | FRANCE | N°23LY00242

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 23LY00242


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS Fonciprom a, d'une part, demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et, d'autre part, demandé au directeur départemental des finances publiques de l'Isère de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre de l

a période du 1er janvier au 31 octobre 2017.



Par un jugement n° 2005858-2102280 du 17...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Fonciprom a, d'une part, demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et, d'autre part, demandé au directeur départemental des finances publiques de l'Isère de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 octobre 2017.

Par un jugement n° 2005858-2102280 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble, auquel le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a transmis la réclamation du 21 mars 2019 portant sur la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier au 31 octobre 2017 en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 16 novembre 2023, la SAS Fonciprom, représentée par Me Pignier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces rappels et des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle a appliqué aux cessions de terrains à bâtir issues de la division en lots du tènement immobilier acquis en 2015 à Rives, dès lors que cet ensemble immobilier présentait le caractère d'un terrain à bâtir, la construction existante implantée sur celui-ci, anciennement à usage de centre aéré, étant impropre à tout usage du fait de son état de délabrement ;

- elle est fondée, sur ce point, à se prévaloir de la documentation administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 ;

- à titre subsidiaire, le régime de la marge est applicable aux parcelles cédées sur lesquelles ne se trouvait pas le bâtiment, la division parcellaire étant antérieure à l'acquisition, les parcelles en cause identifiées précisément dans l'acte d'acquisition et leur caractère nu et constructible établi ;

- elle est fondée, sur ce point, à se prévaloir de la réponse ministérielle à M. C... publiée le 20 septembre 2016 sous le n° 96679 et de la réponse ministérielle à M. A... publiée le 1er février 2022 sous le n° 42486 ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en s'abstenant de lui indiquer qu'elle avait fondé les rectifications sur l'avis du 11 juillet 2014 émis par France Domaine, qui est un tiers, et en s'abstenant de lui communiquer cet avis.

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Fonciprom, qui exerce une activité de vente de terrains après viabilisation, a acquis, le 18 juin 2015, une propriété immobilière à Rives (Isère), qui avait fait l'objet, avant l'acquisition, d'une division parcellaire. Elle a ensuite cédé, entre le 2 novembre 2015 et le 27 février 2017, sept lots de terrains à bâtir issus de cette division et soumis ces cessions au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et d'un contrôle sur pièces, portant sur la période du 1er janvier au 31 octobre 2017, l'administration a remis en cause l'application de ce régime et soumis ces cessions à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total. La SAS Fonciprom s'est vu, en conséquence, réclamer des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, assortis d'intérêts de retard, au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 octobre 2017. Elle relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et la réclamation, soumise d'office au tribunal par le directeur départemental des finances publiques de l'Isère, portant sur les rappels afférents à la période du 1er janvier au 31 octobre 2017, les a rejetées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a effectivement utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

4. Il résulte de l'instruction et, notamment, des mentions des propositions de rectification du 29 novembre 2017 et du 25 mai 2018 adressées à la SAS Fonciprom que, pour remettre en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux cessions de terrains issus de la division parcellaire de la propriété acquise à Rives, dans le cadre de l'opération de lotissement Le clos des lilas, l'administration s'est fondée sur l'absence d'identité, tant juridique que dans les caractéristiques physiques, entre la propriété acquise et les terrains cédés, mise en évidence par les termes des actes d'achat et de revente et par la nature des travaux réalisés sur les terrains. Si la SAS Fonciprom soutient que l'administration s'est également fondée sur l'avis de France Domaine du 11 juillet 2014, sans l'avoir informée de l'origine et de la teneur de ce document, il résulte de l'instruction que cet avis, au demeurant annexé à l'acte d'acquisition qu'elle a signé 18 juin 2015 avec la commune de Rives, venderesse, a été invoqué par l'administration uniquement dans la décision du 5 août 2020 prise sur sa réclamation contentieuse, pour répondre à l'argumentation soulevée tirée de ce que l'ensemble immobilier acquis constituait un terrain à bâtir, du fait de l'état de délabrement, le rendant impropre à tout usage, de l'immeuble qu'il comprenait. Cet avis n'ayant pas été utilisé pour fonder les redressements, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

5. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ".

6. Il résulte de dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de division, ou d'une division effective, lors de l'acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l'acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment.

7. La SAS Fonciprom a acquis, le 18 juin 2015, une propriété immobilière située sur la commune de Rives (Isère), composée, selon les termes de l'acte d'achat, d'un terrain sur laquelle est édifiée une construction. La vente est intervenue après réalisation une division parcellaire selon document d'arpentage du 10 février 2015, annexé à l'acte. La SAS Fonciprom a cédé, entre le 2 novembre 2015 et le 27 février 2017, sept lots de terrains à bâtir, dans le cadre d'un futur lotissement dénommé Le clos des lilas, comprenant chacun plusieurs parcelles de terrains issues de cette division.

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que la propriété immobilière acquise par la SAS Fonciprom comportait une construction, circonstance faisant obstacle, en application de la loi fiscale, à ce qu'elle soit qualifiée de terrain à bâtir.

9. La SAS Fonciprom invoque sur ce point, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe 120 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014, selon lesquelles : " (...) En sens inverse, dès lors qu'il est situé dans une zone où les constructions peuvent être autorisées, un immeuble dont l'état le rend impropre à un quelconque usage devra être assimilé à un terrain à bâtir (ruine résultant d'une démolition plus ou moins avancée, bâtiment rendu inutilisable par suite de son état durable d'abandon, immeuble frappé d'un arrêté de péril, chantier inabouti, etc...) ".

10. Toutefois, l'acte d'achat du 18 juin 2015, qui mentionne un " bâtiment anciennement à usage de centre aéré communal ", ne fait pas référence à un bâtiment inutilisable. L'état de délabrement allégué par la SAS Fonciprom n'est établi ni par l'attestation établie postérieurement au contrôle, le 28 novembre 2018, par le maire de Rives, selon laquelle le centre aéré a été " déclaré impropre à sa destination et abandonné depuis 2006 " du fait de son " état de vétusté et de délabrement ", ni par l'attestation établie, pour les besoins de la cause, le 14 septembre 2020, par le notaire en charge de la vente du 18 juin 2015, qui reprend les propos du maire de Rives. La SAS Fonciprom ne produit aucun document, de type photographie ou état des lieux, de nature à démontrer l'état réel de l'immeuble au moment de l'achat, alors, d'une part, que le centre aéré a cessé d'être utilisé il y a seulement neuf ans, et, d'autre part, que l'avis de France Domaine du 11 juillet 2014 fait état de deux bâtiments, qualifiés, pour le premier de " vétuste ", et pour le second, de " plus récent " et " en mauvais état ", et non de bâtiments en ruine ou inutilisables. Dans ces conditions, la SAS Fonciprom n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations précitées pour soutenir que la propriété immobilière acquise en 2015 constitue, dans son entier, un terrain à bâtir pouvant bénéficier, à ce titre, du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

11. En second lieu, si une division parcellaire est intervenue avant l'acquisition du 18 juin 2015 et si certaines des parcelles ensuite revendues par lots, dans le cadre du projet de lotissement, étaient dépourvues, à la date de cette acquisition, de toute construction, il ressort des termes de l'acte du 18 juin 2015, qui porte sur la vente d'un terrain comprenant une construction, sans faire explicitement état de la vente de terrains à bâtir s'agissant des parcelles nues existantes et mentionne un prix global, que ces parcelles ont été vendues, non comme terrains à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec les parcelles sur lesquelles était édifié un bâtiment. Dès lors, les dispositions énoncées au point 5 font obstacle à ce que les cessions de terrains à bâtir issus de la division parcellaire réalisée avant la vente soient soumises au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Par suite, la SAS Fonciprom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a soumis les sept cessions, intervenues les 2 novembre 2015, 5 janvier 2016, 6 janvier 2016, 7 janvier 2016, 3 octobre 2016 et 27 février 2017, à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de vente.

12. La SAS Fonciprom n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle n° 96679 à M. C..., publiée le 20 septembre 2016, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui lui a été appliquée. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 42486 à M. A..., qui a été publiée le 1er février 2022, postérieurement à la période d'imposition en litige.

13. Il résulte de ce qui précède que la SAS Fonciprom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Fonciprom est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Fonciprom et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00242
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23ly00242 ?
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