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04/07/2024 | FRANCE | N°22LY03556

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 22LY03556


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Domino Sign a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2003118 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux ventes des 12 février et 20 mars 2014 au

profit des sociétés Novalux Skylt AB et Signtronic Produktion AB établies en Suède et des pénalités c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Domino Sign a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2003118 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux ventes des 12 février et 20 mars 2014 au profit des sociétés Novalux Skylt AB et Signtronic Produktion AB établies en Suède et des pénalités correspondantes (article 1er) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 décembre 2022, 31 juillet et 17 août 2023, la SARL Domino Sign, représentée par Me Tournoud, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités auxquelles elle demeure assujettie ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens, et de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée du recours hiérarchique demandé le 1er juillet 2019 ;

- les ventes à la société Expo Solutions Ltd établie au Nigéria, à la société LF Printing située au Gabon, et celles dont il a été initialement invoqué qu'elles avaient été faites au bénéfice de deux sociétés établies au Danemark et en République Tchèque, ne sont pas imposables en France en application de l'article 258 du code général des impôts, en l'absence d'introduction en France et dans l'Union européenne, et de mise à la consommation en France, des marchandises correspondantes ; il revient à l'administration d'apporter la preuve que ces opérations de vente sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée française ; à supposer même que le régime de la preuve objective soit applicable, l'administration est seule en mesure de vérifier auprès des services de douane si les biens ont été effectivement importés, et l'administration n'apporte pas de preuve contraire au document de transport qu'elle produit pour la vente d'une machine à la société Expo Solutions Ltd établie au Nigéria ;

- elle a procédé à des ventes de machines aux sociétés estoniennes Volume Design, Dag Reklaam Oü, Swedbank Liising AS, à la société allemande Triple Media et à la société bulgare Mouse PS Eood, qui correspondent à des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du I de l'article 262 ter du code général des impôts ;

- le paragraphe 50 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-CHAMP-30-20-10 est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par des mémoires, enregistrés les 12 juin et 10 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés, à la retenue à la source, aux impôts locaux et à l'amende sont irrecevables pour n'avoir pas été soumises au tribunal administratif ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hakkar, représentant la SARL Domino Sign ;

Une note en délibéré présentée par la SARL Domino Sign a été enregistrée le 14 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Domino Sign, ayant son siège à Le Champ-près-Froges (Isère) qui a pour activité de commerce de gros de matériels électriques en France et à l'étranger, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016, étendue au 30 juin 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, la vérificatrice a notamment remis en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée appliquée pour certaines livraisons de biens réalisées dans d'autres pays de l'Union européenne ou extérieurs à l'Union européenne au cours de la période vérifiée. En conséquence de ces rectifications et de diverses autres rectifications concernant la taxe déductible déclarée, notifiées selon la procédure contradictoire, la SARL Domino Sign s'est vue réclamer des compléments de taxe sur la valeur ajoutée assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibérée prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir prononcé la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à deux ventes du 12 février et du 20 mars 2014 à destination de clients établis en Suède et des pénalités correspondantes, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SARL Domino Sign. Dans le dernier état de ses écritures, celle-ci déclare relever appel de ce jugement en tant seulement qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande de décharge des rappels procédant de ces rectifications.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". Le paragraphe 5 du chapitre III de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit dans son millésime de mai 2016 que : " En cas de désaccord avec le vérificateur. Vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. ".

3. Les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur sur les points où persiste un désaccord avec ce dernier.

4. Il résulte de l'instruction que la SARL Domino Sign a été destinataire de deux propositions de rectification, datées du 20 décembre 2016 et du 19 juillet 2017, portant, respectivement, sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 et sur la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2016. Elle a présenté des observations en réponse à ces propositions de rectification, respectivement, le 17 février 2017 et le 19 septembre 2017. A la suite d'un entretien demandé par la SARL Domino Sign dans sa réponse du 19 septembre 2017, qui s'est tenu le 20 février 2018, l'inspectrice principale a estimé suffisants les justificatifs présentés pour certaines opérations, ce qui a conduit l'administration à abandonner une partie des rectifications envisagées par les propositions de rectification dans la réponse aux observations du contribuable du 24 avril 2018 adressée à la SARL Domino Sign. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la demande de la société, a estimé, dans un avis du 13 mai 2019 que, au regard des pièces justificatives présentées en séance, les livraisons intracommunautaires et exportations avaient été exonérées de taxe sur la valeur ajoutée à juste titre. Par un courrier du 24 juin 2019, l'administration a informé la SARL Domino Sign de son intention de maintenir les rappels concernant ces opérations en dépit de l'avis de la commission. Par une lettre du 1er juillet 2019 adressée à l'inspectrice principale (la SARL Domino Sign a contesté cette position en demandant à sa destinataire " de bien vouloir [lui] fournir (...) tous les éclaircissements nécessaires, ainsi qu'il est prévu par la charte du contribuable ". Par une lettre du 29 juillet 2019, la vérificatrice en charge du contrôle a rappelé à la SARL Domino Sign que l'avis de la commission ne liait pas l'administration, a renvoyé la société, s'agissant des motifs du maintien des rappels, aux " raisons développées dans la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable " en précisant que la société conservait " la possibilité de solliciter dans un délai de 30 jours un recours hiérarchique et de saisir l'interlocuteur départemental ".

5. Contrairement à ce que soutient le ministre, la lettre de la SARL Domino Sign du 1er juillet 2019, qui, d'une part, a été adressée à l'inspectrice principale après qu'ont été confirmées les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et la persistance du désaccord de la société et qui, d'autre part, faisait explicitement référence à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dont elle s'est appropriée les termes à propos de la possibilité d'un recours hiérarchique, ne peut être regardée que comme la demande de débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur prévue par les énonciations rappelées ci-dessus de la charte. Il est constant qu'il n'a pas été fait droit à la demande de la SARL Domino Sign, l'invitation qui lui a été faite par la lettre de réponse de la vérificatrice de renouveler sa demande ne pouvant justifier l'absence de l'entretien demandé. Dans ces conditions, la SARL Domino Sign est fondée à soutenir qu'elle a été privée, en l'espèce, de la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant le recouvrement des impositions en litige, un débat avec la supérieure hiérarchique de la vérificatrice sur les points où persistait un désaccord avec cette dernière.

6. Un contribuable qui a expressément demandé à bénéficier de la garantie, offerte par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, d'obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, mais qui a limité la portée de cette demande à certains chefs de rectification sur lesquels persistaient des divergences importantes, ne saurait soutenir utilement devant le juge de l'impôt qu'il a été privé de cette garantie pour les autres chefs de rectification.

7. Eu égard à la teneur du courrier du 1er juillet 2019, la SARL Domino Sign n'a fait porter son recours hiérarchique que sur la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons intracommunautaires et les exportations. Par suite, l'irrégularité de procédure n'entraîne qu'une réduction, à concurrence d'un montant en droits de 97 281 euros, des droits de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Domino Sign est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à sa demande, à concurrence d'un montant de 97 281 euros en droits et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

9. En premier lieu, aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées à ce titre par la SARL Domino Sign ne peuvent qu'être rejetées.

10. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SARL Domino Sign au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SARL Domino Sign au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2016 sont réduits d'un montant de 97 281 euros.

Article 2 : La SARL Domino Sign est déchargée des impositions visées à l'article 1er ci-dessus et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement n° 2003118 du tribunal administratif de Grenoble du 13 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Domino Sign une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Domino Sign est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Domino Sign et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03556
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22ly03556 ?
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