La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°22LY02292

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 04 juillet 2024, 22LY02292


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL AAGS a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1902993 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Grenob

le a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL AAGS a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1902993 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2022 et le 15 décembre 2023, ce dernier non communiqué, la SARL AAGS, représentée par Me Palomares, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL AAGS soutient que :

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en s'abstenant de lui communiquer les renseignements obtenus de la société Carron-Champagnier et de l'établissement public foncier local du Dauphiné ;

- l'administration ne l'a pas informée qu'elle n'avait pas emporté de documents lors de l'exercice de ces droits de communication alors que le droit de communication suppose la transmission de documents ;

- la taxe sur la valeur ajoutée sur fausses factures et factures fictives ne peut être regardée comme déduite dès lors que le compte 44566 " taxe sur la valeur ajoutée déductible à 19,6% " présente un solde débiteur de 19 858,24 euros au 31 décembre 2013 qui correspond aux comptes fournisseurs considérés comme soldés ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'une absence de prestations des sociétés Avenir Bat Rhône-Alpes et Leopold Samatey Consulting ;

- le vérificateur, à tort, a écarté le montant de la taxe sur la valeur ajoutée de 230 353,53 euros porté sur les CA3, déclaré au titre de l'exercice 2014 ;

- il a considéré, à tort, que l'intégralité du chiffre d'affaires encaissé devait ressortir de la TVA à 20 % ;

- en se fondant sur la circonstance que les chèques émis en règlement des factures considérées comme fictives n'était pas à l'ordre des entreprises prestataires, l'administration n'établit pas le caractère fictif des prestations en particulier s'agissant de la société Sagna Sécurité qui a subi des faits d'escroqueries à propos desquels, son dirigeant a été relaxé par le tribunal correctionnel ;

- les travaux engagés au rez-de-chaussée de la résidence principale du dirigeant l'ont été dans l'intérêt de l'entreprise auprès de laquelle sont mis à disposition ces locaux ;

- les pénalités pour manœuvres frauduleuses ne sont pas justifiées.

Par un mémoire, enregistré le 27 février 2023, le ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Agence Alpine Gardiennage et Sécurité (AAGS), ayant son siège à Annecy (Haute-Savoie), qui avait pour activité le gardiennage et la sécurité jusqu'à son placement en liquidation judiciaire le 14 décembre 2021, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur, après avoir écarté sa comptabilité comme insincère et non probante, a réintégré dans ses résultats imposables des factures de fournisseurs comptabilisées en charges déductibles des résultats et notamment huit factures adressées par la société SARL Avenir Bat Rhône-Alpes au motif qu'elles correspondaient à des opérations fictives, remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à ces factures, refusé d'admettre en déduction la taxe mentionnée sur les factures adressées par la Sagna Sécurité Privée regardées comme des factures de complaisance et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible non déclarée sur la base des encaissements enregistrés en comptabilité au titre de l'exercice clos en 2014. En conséquence de ces rectifications et d'autres redressements notifiés suivant selon la procédure contradictoire, la SARL AAGS a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014, à des compléments de cotisation à la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais de gestion au titre des deux exercices vérifiés et s'est vu réclamer des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée. La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et les droits de taxe sur la valeur ajoutée rappelés ont été assortis, selon le cas, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue au c de l'article 1729 du code général des impôts, laquelle a été appliquée aux rectifications procédant des factures fictives et de complaisance. La SARL AAGS relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des impositions et pénalités résultant de ces rectifications.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications et ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication.

3. Il résulte de la proposition de rectification du 14 décembre 2016 que, pour estimer que les factures, d'un montant total de 163 800 euros, émises par la SARL Avenir Bât Rhône-Alpes, ne correspondaient à aucune prestation effective de nettoyage, de remise en état ou de démolition de locaux appartenant aux clients de la SARL AAGS, mis à disposition de cette société ou appartenant à son gérant, le vérificateur s'est fondé sur les conclusions d'une procédure d'enquête diligentée, en 2016, par la brigade de contrôle et de recherche de l'Isère à l'encontre de cette société, sur le fondement des articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales, afin de rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte, en particulier, du procès-verbal d'enquête joint au dossier, que la SARL Avenir Bat Rhône-Alpes n'a pas été en mesure de justifier la réalisation des prestations facturées correspondant à des travaux de nettoyage et de remise en état de locaux rendus nécessaires par des dégradations qu'auraient commises les salariés de la SARL AAGS chargés de leur gardiennage, l'adresse exacte des chantiers n'étant pas indiquée sur la plupart des factures, le prix des prestations étant fixé pour un montant forfaitaire, aucun devis n'ayant été préalablement établi et rien ne permettant d'établir la réalité des moyens humains et matériels employés pour l'exécution de telles prestations. Selon le procès-verbal, les investigations auprès des tiers concernés, et en particulier de la SAS Carron et de l'établissement public local du Dauphiné qui faisaient appel aux services de la SARL AAGS pour la surveillance de leurs établissements, et notamment les renseignements obtenus à la suite d'un droit de communication, le 8 et le 15 juin 2016, ont permis de conclure à l'impossibilité matérielle pour la SARL Avenir Bât Rhône-Alpes d'avoir réalisé des travaux pour le compte de la SARL AAGS dans les locaux dont elle assurait le gardiennage de sorte que les factures émises étaient des factures fictives.

4. Dans ses observations en réponse à la proposition de rectification, la SARL AAGS a demandé à l'administration de lui communiquer la copie du procès-verbal de l'enquête et " d'une façon générale de l'ensemble des documents " sur lesquels elle s'est fondée pour procéder au redressement. En réponse à cette demande, l'administration a transmis à la société, en annexe à la réponse aux observations du contribuable du 20 juillet 2017, un CD Rom comprenant, outre des documents recueillis auprès de tiers utilisés pour établir les redressements, une copie du procès-verbal de la brigade de contrôle et de recherche de l'Isère ainsi que les pièces annexées à ce document. Si la SARL AAGS fait valoir que l'administration ne lui a pas transmis " les droits de communication " exercés auprès de la SAS Carron et de l'établissement public foncier local du Dauphiné dans le cadre de l'enquête, il résulte des dispositions de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales autorisant l'administration à utiliser les éléments recueillis lors de l'enquête et, en particulier, les manquements constatés qui sont consignés dans un procès-verbal opposable à l'assujetti comme aux tiers concernés par la facturation dans le cadre des procédures de contrôle fiscal visées par l'article L. 47 du même livre, que les redressements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée justifiés par le caractère fictif des factures en cause notifiés à la SARL AAGS ne sont pas fondés sur les renseignements et éventuels documents obtenus par la brigade de contrôle et de recherches mais sur les constatations faites par ce service consignées dans le procès-verbal, qui, avec les pièces annexées à ce document, a bien été transmis à la SARL AAGS conformément à sa demande. Si celle-ci entend se plaindre d'une absence de communication des courriers envoyés par la brigade de contrôle et de recherche à ces sociétés dans le cadre du droit de communication, de tels documents émanant de l'administration, à supposer qu'ils existent, ne sont pas soumis à communication. Il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur aurait utilisé ou se serait fondé sur d'autres documents ou renseignements obtenus de tiers pour établir les impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

5. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée, dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

Quant aux factures de complaisance :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de la proposition de rectification en date du 14 décembre 2016, que l'administration fiscale a exercé son droit de communication à l'égard de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes à Saint-Martin-d'Hères et de la Lyonnaise de Banque à Grenoble qui détiennent les comptes de la SARL AAGS. Elle a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur les factures établies par les fournisseurs de la SARL AAGS, les sociétés Fashion Deal, France Alpes Sécurité, Espri Sécurité, Sécurité Protection et Surveillance, Bonsignore Giovanni, Nzo Services, SCRS, SAP, Contact Pro Sécurité, en cessation d'activité ou en procédure collective sur la période, qui ne pouvaient plausiblement être regardées comme assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. Elle s'est fondée sur le motif que les chèques émis par la SARL AAGS en paiement de ces charges déduites n'ont pas été encaissés par ces fournisseurs mais par des tiers et a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondante au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, les comptes fournisseurs ayant été soldés dans les comptes de la SARL AAGS à cette dernière date. L'administration a également remis en cause, par l'exercice de son droit de communication à l'égard de la société HM Menuiserie, la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur la facture établie par ce fournisseur en tant qu'elle correspondait à des travaux qui n'avaient pas été effectués dans l'intérêt de la société mais de son dirigeant et a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée déduite en conséquence. Pour procéder aux rappels correspondant à la remise en cause de l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée déductible figurant sur ces factures, le vérificateur a constaté que le compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible était soldé, dans la comptabilité de la SARL AAGS, à la clôture des exercices, pour chacun des fournisseurs concernés.

7. La SARL AAGS, qui a reconnu, au cours du contrôle, que ces factures étaient destinées à couvrir les rémunérations de salariés non déclarés, se prévaut de ce que le solde du compte 44566 " taxe sur la valeur ajoutée déductible à 19,6 % " au 31 décembre 2013 était débiteur d'un montant de 19 858,24 euros. Si la SARL entend ainsi demander une compensation, d'une part, elle n'établit pas celles des prestations qui n'auraient pas fait l'objet d'une récupération de la taxe sur la valeur ajoutée déductible alors que le compte de taxe sur la valeur ajoutée déductible étant soldé, la taxe sur la valeur ajoutée déductible comptabilisée a, en principe, été récupérée par la SARL AAGS et d'autre part, elle n'établit pas que le solde débiteur n'est pas susceptible de se rattacher à d'autres opérations. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le solde de ce compte était créditeur le 31 décembre 2014, soit à l'achèvement de la période contrôlée en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

Quant aux factures fictives :

8. Ainsi qu'il a été dit, l'administration a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures émanant de la SARL Bât Avenir Rhône-Alpes au motif de leur fictivité. Elle a, de même, rappelé la taxe déduite au titre des prestations de service informatique facturées par la société Léopold Samatey Consulting au motif que les opérations facturées n'avaient pas été réalisées.

9. Pour estimer que les services facturés par la SARL Bat Avenir Rhône-Alpes sur la période du 22 juin 2014 ou 3 octobre 2014 ne correspondaient à aucune prestation réelle exécutée par cette société, l'administration s'est fondée, notamment, sur la création récente de cette société en 2013 qui n'a pour seul client que la SARL AAGS à laquelle elle a facturé des prix établis forfaitairement, sur la période du 22 juin 2014 ou 3 octobre 2014 alors qu'elle ne comportait aucun salarié ni ne démontrait aucune sous-traitance et aucun achat de matériel. Elle s'est également fondée sur l'incohérence des prestations de nettoyage, remise en état et démolition facturées à la SARL AAGS qui ne correspondaient pas à des périodes où elle aurait réalisé des prestations de surveillance, ou étaient censées avoir eu lieu sur des sites sur lesquels la SARL Bat Avenir Rhône-Alpes n'était pas habilitée à pénétrer. Elle s'est, également, fondée sur l'absence de preuve de la réalité de telles prestations faute de démontrer la mise à disposition de locaux pour les opérations de surveillance que les agents de la société auraient dégradés ou alors qu'aucune dégradation n'a été constatée dans les locaux mis à disposition. Elle a relevé, également, l'absence de démonstration des dégradations survenues dans les locaux de la SARL AAGS qui auraient justifié un déménagement dans les locaux de la SARL Avenir Bat Rhône-Alpes, et la réalisation de travaux sur les deux sites après mise à disposition provisoire à la SARL AAGS. Contrairement à ce que soutient la SARL AAGS, il résulte de ce qui précède que l'administration, qui ne s'est pas bornée à des affirmations pour remettre en cause les déclarations du dirigeant de la SARL Avenir Bat Rhône Alpes, apporte la preuve du caractère fictif de ces facturations.

10. L'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur deux factures de la société Leopold Samatey Consultant. Pour remettre en cause la réalité des prestations fournies, l'administration s'est fondée sur l'importance du coût de telles prestations au regard du parc informatique de la société. Interrogé par le vérificateur lors des opérations de contrôle, le gérant a expliqué que les factures correspondaient à des prestations de location de caméras, placées dans les sites surveillés destinées à améliorer les performances de ses équipes mais volontairement exclues des contrats passés avec ses clients. Si la société a identifié certains des sites concernés, elle n'apporte aucune preuve matérielle de l'existence de ces équipements en l'absence de contrat passé avec ce fournisseur ni de réalité de cette prestation de surveillance vidéo pour le compte de ses clients. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que les factures ne correspondent pas à des opérations réelles alors que la société AAGS se borne à désigner certains sites où auraient été implantés ces équipements.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

11. Pour contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée à hauteur de 52 763 euros et le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par l'administration, l'administration, la SARL AAGS reprend en appel les moyens tirés de l'erreur commise quant au montant déclaré au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'erreur commise quant au taux de taxe sur la valeur ajoutée retenu par l'administration. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Grenoble.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

12. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

13. Il résulte de la proposition de rectification du 14 décembre 2016 que l'administration a refusé d'admettre en déduction du résultat imposable de la SARL AAGS les charges correspondant aux prestations fournies par la société Léopold Samatey Consulting au titre de l'exercice 2013 à hauteur de 15 000 euros et des sociétés Sagna Securité privée, SARL Avenir Bat Rhône-Alpes, SCI Delta Foch, au titre de l'exercice 2014 à hauteur de 197 678 euros correspondant à des prestations fictives.

14. Pour établir le caractère fictif des factures émises par les sociétés Avenir Bat Rhône-Alpes, Delta Foch Investissements et Leopold Samatey Consulting, l'administration s'est fondée sur des éléments de faits précisés dans la proposition de rectification du 14 décembre 2016 notamment tels qu'ils ressortent de l'enquête menée auprès de la société Avenir Bat Rhône-Alpes et les explications fournies par la SARL AAGS. Dès lors, la SARL AAGS n'est pas fondée à soutenir que le caractère fictif serait uniquement fondé sur l'établissement des chèques émis pour le paiement de ces factures à des tiers plutôt qu'aux fournisseurs.

15. Contrairement à ce que soutient la SARL AAGS, l'administration ne s'est pas bornée à remettre en cause la déductibilité des sommes payées à la société Sagna Sécurité privée en raison de ce que les chèques de paiements avaient été encaissés par des tiers. La vérificatrice a également relevé que les prestations ne correspondaient à aucune justification alors que la société Sagna Sécurité Privée n'a jamais réclamé le paiement de ces factures et qu'aucune pièce ne permettait de démontrer que cette dernière avait réalisé des prestations de sous-traitance. La SARL AAGS, qui se borne à invoquer le détournement d'une partie des chèques à la suite d'une escroquerie et se réfère à un jugement portant sur des faits d'abus de biens sociaux sur une période antérieure, qui est sans incidence sur le bien-fondé des impositions, n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'inexistence de ces prestations.

16. Il résulte de l'instruction que les factures correspondant aux travaux d'aménagement présentés par la société HM Menuiseries correspondent à des travaux réalisés au domicile du gérant de la SARL AAGS, 8 rue Balmette et que la facture de la société HM Menuiserie a été modifiée pour y faire figurer le nom de la société en lieu et place de celui de son dirigeant, destinataire initial. La SARL AAGS qui prétend, sans l'établir, que le rez-de-chaussée aurait été mis à sa disposition par son dirigeant, n'est pas fondée à soutenir que les travaux auraient été engagés dans l'intérêt de l'entreprise. Compte tenu des relations d'intérêt entre la société AAGS et ses fournisseurs, le caractère intentionnel des opérations procédant de travaux étrangers à l'intérêt de l'entreprise est présumé et l'appauvrissement doit être regardé comme délibéré.

Sur les pénalités :

17. Si le recours à des factures fictives est constitutif, par lui-même, de manœuvres frauduleuses, de nature à justifier, par application de l'article 1729 du code général des impôts, une majoration de 80 % à raison de ces factures fictives, il résulte de l'instruction que cette majoration n'a pas été appliquée s'agissant du rappel d'impôt sur les sociétés procédant de la remise en cause de la déductibilité de la facture de travaux réalisés dans la résidence principale du dirigeant de la SARL AAGS, lequel a été assorti de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions applicable en cas de manquement délibéré du contribuable. Le moyen tiré du mal-fondé de la pénalité pour manœuvres frauduleuses doit être écarté comme inopérant.

18. Il résulte de ce qui précède que la SARL AAGS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de SARL AAGS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AAGS et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02292


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award