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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY03102

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23LY03102


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2301981, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

2°) Sous le n° 230

1982, M. A... B... a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 13 juillet 2023 par laquelle la mê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2301981, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.

2°) Sous le n° 2301982, M. A... B... a demandé au même tribunal d'annuler la décision du 13 juillet 2023 par laquelle la même préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2301981-2301982 du 23 août 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, a renvoyé à une formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2023, M. A... B..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301981-2301982 du 23 août 2023 de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et, d'autre part, la décision du 13 juillet 2023 par laquelle la même préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 10 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde, qui est entaché des vices suivants : erreur de droit dès lors que la préfète a appliqué à tort l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en dépit de sa nationalité algérienne ; méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de séjour sur sa situation personnelle ; défaut de motivation ; absence d'examen de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le refus de délai de départ volontaire n'est pas motivé ; il est entaché d'erreur de droit dès lors que la préfète s'est crue à tort liée par l'existence d'une précédente mesure d'éloignement ; il est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de prise en compte de sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de droit dans l'application des critères définis par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'assignation à résidence est entachée d'incompétence ; elle est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions précédentes.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2024, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les observations de Me Lulé, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 19 août 1984, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'annulation des décisions du 13 juillet 2023 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par le jugement attaqué du 23 août 2023, la présidente du tribunal a rejeté cette demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision de refus de séjour, qui expose ses motifs de droit et de fait, est ainsi régulièrement motivée.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision attaquée qui analyse la situation professionnelle et personnelle de M. B..., que la préfète de l'Allier lui a refusé le séjour au terme de l'examen effectif de sa situation.

4. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour. Il est vrai, ainsi que le relève le requérant, que la préfète de l'Allier la lui a refusée en faisant application, de façon erronée en droit, des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, la préfète a également, à juste titre, examiné cette demande sur le fondement de son pouvoir de régularisation, dont l'accord franco-algérien n'exclut pas l'exercice et dont la portée est similaire. Il résulte de l'instruction que la préfète de l'Allier aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul second motif, qui n'est pas erroné en droit et suffit à fonder la décision. Il y a en conséquence lieu de neutraliser le motif surabondant et erroné en droit tiré de l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est né en Algérie le 19 août 1984 et qu'il est de nationalité algérienne. Il est entré en France le 14 février 2016 sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenu irrégulièrement. Il a fait l'objet d'un précédent refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement le 21 février 2022. S'il fait valoir un pacte civil de solidarité (PACS) conclu avec une ressortissante française née le 10 août 1967, la préfète en défense souligne qu'aucune communauté de vie n'est établie. Le tribunal a en outre relevé que M. B... a déclaré à l'audience que le PACS était " rompu " et ce dernier avait d'ailleurs lui-même fait état dans ses écritures de première instance d'une " rupture amiable " en 2019. Il ne fait pas valoir d'insertion professionnelle ou personnelle ancrée dans la durée sur le territoire français. Il n'établit pas disposer d'attaches familiales en France. S'il fait spécialement valoir des liens noués avec un couple âgé auquel il apporterait une aide, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces liens seraient tels qu'ils impliqueraient nécessairement la délivrance d'un titre de séjour. Enfin, M. B... ne conteste pas disposer d'attaches privées et familiales en Algérie où il a vécu la plus grande partie de son existence. Eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. B..., la préfète de l'Allier n'a pas, en lui refusant le séjour, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que sa décision poursuit. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, en conséquence, être écartés. Pour les mêmes motifs, la préfète de l'Allier n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne les autres moyens :

7. En l'absence d'autre argument, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent écartés pour les motifs qui viennent d'être exposés.

Sur la légalité de la fixation du délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, la préfète de l'Allier a indiqué les motifs de droit et de fait de sa décision, qui est dès lors régulièrement motivée.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

10. D'une part, la préfète de l'Allier pouvait, sur le fondement des dispositions citées au point précédent, prendre en compte la circonstance que M. B... ne s'est pas conformé à la mesure d'éloignement précédente en date du 21 février 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait crue liée par cette seule considération et aurait omis de rechercher d'éventuelles circonstances particulières.

11. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... serait caractérisée par des circonstances particulières de nature à faire manifestement obstacle à ce que le bénéfice d'un délai de départ volontaire lui soit refusé. La seule allusion à une résidence stable et à la remise de documents de voyage ne caractérise pas de telles circonstances.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

13. D'une part, la préfète de l'Allier a indiqué la date d'entrée de M. B..., ce dont se déduit nécessairement sa durée de présence. Elle a exposé sa situation personnelle pour en déduire l'absence d'attaches privées et familiales significatives en France alors que de telles attaches existent dans le pays d'origine de M. B.... Elle a souligné qu'il a fait l'objet le 21 février 2022 d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Enfin, en l'absence de menace caractérisée pour l'ordre public, la préfète a pu ne pas évoquer ce critère qui est en l'espèce dénué d'objet. Ainsi, la préfète n'a pas omis d'examiner les critères définis par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. D'autre part, au regard de la situation de M. B..., telle qu'elle a été exposée aux points 6 et 13, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant interdiction de retour sur le territoire français à M. B... pour une durée qu'elle a limitée à 12 mois. Elle n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'aucune circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 du même code n'y faisait obstacle.

Sur la légalité de l'assignation à résidence :

15. En premier lieu, il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est en tout état de cause pas fondé à exciper de l'illégalité de l'ensemble des décisions qui ont été analysées.

16. En second lieu, la décision a été signée par M. Maurel, secrétaire général de la préfecture, sur le fondement de l'arrêté préfectoral n° 1550/2023 du 28 juin 2023 portant délégation de signature qui est expressément visé et qui a été régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture daté du lendemain 29 juin. Le moyen tiré de l'incompétence doit, en conséquence, être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

Le président rapporteur,

H. Stillmunkes

L'assesseur le plus ancien,

B. Gros

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03102
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly03102 ?
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