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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY02858

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 02 juillet 2024, 23LY02858


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de procéder à

l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen et de lui délivrer un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Savoie de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen et de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2301059 du 31 juillet 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Randi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208275 du 31 juillet 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 18 janvier 2023 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout sous astreinte, et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 73 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait en outre les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien au regard de son état de santé qui s'est dégradé ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvu de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2024, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née 18 janvier 1968, est entrée en France le 23 novembre 2014 selon ses déclarations. Par un arrêté du 18 novembre 2015 le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, décision assortie d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 30 mai 2016. Par un arrêté du 29 janvier 2020 le préfet de l'Ain lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour qui était demandée au regard de son état de santé, décision assortie d'une obligation de quitter le territoire et d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, décisions dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2020 devenu définitif. Par un arrêté du 18 janvier 2023 le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par le jugement attaqué du 31 juillet 2023, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces dernières décisions.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

2. En premier lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit, ou qu'une convention internationale stipule, que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

3. Aux termes aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Mme B... fait valoir les liens qu'elle entretient avec son fils, né le 14 janvier 2002 et résidant régulièrement en France. Cependant, il ressort des pièces du dossier que cet enfant a été confié, par un acte de Kafala en date du 18 octobre 2003, à sa tante maternelle, laquelle s'est vu déléguer l'autorité parentale par un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu du 1er juillet 2005. S'il en ressort également que Mme B... a obtenu un droit de visite et d'accueil de son fils par un jugement du même tribunal en date du 23 septembre 2016, elle n'établit ni l'intensité ni la stabilité de ses liens avec cet enfant aujourd'hui majeur. Si elle se prévaut de sa présence en France depuis 2014, elle ne conteste pas avoir fait l'objet, en 2015 puis en 2020, de deux précédentes obligations de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutées. En outre ni les attestations de proches, ni les bulletins de salaire, au demeurant postérieurs à l'arrêté contesté, qu'elle produit à l'appui de sa requête ne sont de nature à démontrer une insertion sociale ou professionnelle particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressée, qui n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans, la décision en litige ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

5. . Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

6. Il est constant que Mme B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement par une décision du préfet de l'Ain en date du 29 janvier 2020 s'appuyant sur un avis du collège de médecins de l'OFII du 18 décembre 2019 mentionnant que si son état de santé justifie une prise en charge dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine. Il est également constant que la légalité de cette décision a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2020 devenu définitif. Si Mme B... soutient que son état de santé se serait dégradé depuis la date de l'avis du collège de médecins du 18 décembre 2019, ni les circonstances qu'elle justifie de la reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée et que ses difficultés de déplacement auraient justifié l'achat d'un scooter quatre roues, ni la production d'un certificat médical du 18 mai 2021 attestant d'une consultation aux urgences de l'hôpital privé Médipole Savoie de Challes-les-Eaux ne sont de nature à établir l'aggravation effective de son état de santé ou le fait qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge dans son pays d'origine. Par suite la circonstance que le préfet de la Savoie n'ait pas de nouveau sollicité l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas de nature à entacher la décision contestée d'un vice de procédure. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 7 que Mme B... n'est pas fondée, à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

9. En premier lieu, au regard de ce qui a précédemment été exposé, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale à raison de l'illégalité, invoquée par la voie de l'exception, de la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français, doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir de l'ancienneté et de la stabilité de ses relations personnelles et familiales en France. Par suite le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de la Savoie a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02858
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : RANDI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly02858 ?
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