Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 10 février 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou à titre subsidiaire de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2301266 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301266 du 23 mai 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 10 février 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous huit jours, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait en outre les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation, le préfet disposant en tout état de cause d'un pouvoir de régularisation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La préfète du Rhône, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.
Par une décision du 9 août 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme-Vergnaud, première conseillère,
- et les observations de Me Huard, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 24 mars 1963, est entré en France le 1er août 2018 accompagné de ses deux filles alors âgées de 6 et 14 ans, sous couvert d'un visa court séjour. Le 15 juillet 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6, 5° de l'accord franco-algérien et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 10 février 2023, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 23 mai 2023, dont M. B... interjette appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Enfin aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier1990 : " 1- Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
4. M. B... se prévaut de sa présence ininterrompue en France depuis 4 ans et demi à la date de la décision contestée. Il fait valoir qu'il réside en France avec ses deux filles, nées en Algérie respectivement les 9 mai 2004.et 16 octobre 2012, scolarisées en France depuis septembre 2018 et se prévaut de son insertion professionnelle. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si les filles de M. B... ont été toutes deux scolarisées en France à compter de septembre 2018, l'ainée, majeure à la date de l'arrêté contesté, n'était plus scolarisée à la date de la décision litigieuse et il n'est pas établi qu'elle résidait régulièrement sur le territoire français. Par ailleurs, s'agissant de la cadette, compte tenu notamment de son âge, rien ne s'oppose à ce qu'elle poursuive sa scolarité en Algérie. Si M. B... occupe, depuis le 21 septembre 2020, un emploi de mécanicien auto sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, emploi pour lequel il n'est pas contesté que son employeur n'a pas sollicité d'autorisation de travail, cette circonstance n'est pas de nature à établir, à elle seule, qu'il aurait fixé le centre de ses intérêts personnels en France. Dans ces circonstances, rien ne s'opposant à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 55 ans et où réside notamment son épouse, mère de ses enfants, le préfet de l'Isère n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, pas plus qu'il n'a porté atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l''enfant doivent être écartés.
5. En troisième lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit en indiquant à M. B... qu'il ne pouvait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation familiale et professionnelle de M. B... sur le territoire français et, eu égard aux motifs exposés au point 4, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en considérant, au regard de ces éléments, qu'il n'y avait pas lieu de procéder à sa régularisation au titre de son pouvoir discrétionnaire.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a précédemment été exposé M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité prétendue de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui des ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ou de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY02677