Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision par laquelle la préfète de la Loire a implicitement rejeté sa demande de renouvellement de certificat de résidence.
Par un jugement n° 2109483 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 juin et 18 juillet 2023, et régularisés par un mémoire complémentaire enregistré le 27 juillet 2023, M. B... A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon et la décision implicite de la préfète de la Loire portant refus de renouvellement de son certificat de résidence ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé et sous astreinte, et, dans l'attente de cette délivrance et de ce réexamen, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
M. A... soutient que :
- la décision et le jugement attaqués sont insuffisamment motivés ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette décision n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, associée à un défaut d'examen de sa situation personnelle, et ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus en litige portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, il devait être admis au séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il pouvait également, en raison de son état de santé, se voir délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 du même accord.
- le jugement attaqué méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2024, le rapport de M. Gros, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né en 1972, a, par courrier que la sous-préfecture de Roanne a reçu le 16 juillet 2021, demandé le renouvellement du certificat de résidence d'un an qui lui avait été délivré initialement, en 2011, en sa qualité de parent d'enfant français mineur et avait été renouvelé, le dernier titre délivré venant à échéance le 11 novembre 2021. La préfète de la Loire lui a opposé un refus implicite. M. A... conteste le jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né en 1972, est entré en 1992 en France, où il a épousé une ressortissante française dont il a divorcé en février 2009. Il a été condamné en mai 2007 à une peine de 30 ans de réclusion criminelle prononcée par la Cour d'assises du département de la Meurthe-et-Moselle. Il est emprisonné à Roanne depuis janvier 2020. Durant sa détention, débutée le 17 mai 2002 et susceptible de prendre fin au 1er août 2025, M. A..., devenu paraplégique suite à une chute lors d'une tentative d'évasion en 2006, a maintenu des liens avec ses deux enfants de nationalité française, Saïd, devenu majeur en juillet 2018 et Imen, devenue majeure en décembre 2020, lors de parloirs, par des contacts téléphoniques ou épistolaires. D'ailleurs, le tribunal administratif de Limoges, annulant, le 20 février 2011, le refus opposé par le préfet de la Corrèze à la demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de parent d'enfant français mineur formulée initialement par M. A..., avait relevé que ce dernier exerçait l'autorité parentale à l'égard de ses deux enfants et que ceux-ci avaient bénéficié de parloirs réguliers pour voir leur père lorsqu'il était incarcéré à proximité de leur lieu de résidence près de Metz et lui avaient rendu visite en juillet et août 2009 au centre de détention d'Uzerche, et que M. A... avait saisi le juge aux affaires familiales pour obtenir de son ex-épouse que ses enfants puissent venir lui rendre visite à chaque période de vacances scolaires et saisi en outre une assistante sociale pour conserver des liens avec ses enfants. De surcroît, durant toute l'année 2020, M. A... a effectué des virements bancaires au profit de ses enfants. Dans ces conditions particulières, eu égard à la durée de séjour en France de M. A... ainsi qu'aux liens établis avec ses enfants de nationalité française, en lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence, la préfète de la Loire a en l'espèce porté une atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts d'ordre public poursuivis par cette décision, et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Loire délivre à M. A... un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu en l'espèce d'enjoindre à cette autorité de procéder à la délivrance de ce certificat de résidence dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en l'espèce d'assortir cette injonction d'une quelconque astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2109483 du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. A... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY02234