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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY02191

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 02 juillet 2024, 23LY02191


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 mai 2023 par lesquelles le préfet du Cantal l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par un jugement n° 2304304 du 31 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un

délai de départ volontaire et lui interdisant de revenir sur le territoire français dura...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 mai 2023 par lesquelles le préfet du Cantal l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par un jugement n° 2304304 du 31 mai 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un délai de départ volontaire et lui interdisant de revenir sur le territoire français durant trois années et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête, enregistrée le 28 juin 2023 sous le n° 23LY02191, le préfet du Cantal, représenté par Me Tomasi et Me Dumoulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un délai de départ volontaire et lui interdisant de revenir sur le territoire français durant trois années, et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au conseil de M. A... au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire dès lors que M. A... n'en avait pas sollicité l'annulation ;

- lors de l'audience publique le conseil de la préfecture n'a sollicité une substitution de base légale qu'à titre infiniment subsidiaire et a indiqué maintenir, à titre principal, la base légale de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a considéré que M. A... ne représentait pas une menace pour l'ordre public et qu'en conséquence les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français devaient être annulées ;

- il n'est pas justifié du droit à l'avocat de permanence d'obtenir une indemnité autre que celle reçue au titre de l'aide juridictionnelle ni du quantum de la somme allouée ;

- les moyens invoqués contre la décision de refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté d'observations.

II/ Par une requête, enregistrée le 28 juin 2023 sous le n° 23LY02192, le préfet du Cantal, représenté par Me Tomasi et Me Dumoulin, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 31 mai 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un délai de départ volontaire et lui interdisant de revenir sur le territoire français durant trois années, et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au conseil de M. A... au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire dès lors que M. A... n'en avait pas sollicité l'annulation ;

- lors de l'audience publique le conseil de la préfecture n'a sollicité une substitution de base légale qu'à titre infiniment subsidiaire et a indiqué maintenir, à titre principal, la base légale de l'obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1, 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a considéré que M. A... ne représentait pas une menace pour l'ordre public et qu'en conséquence les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français devaient être annulées ;

- il n'est pas justifié du droit à l'avocat de permanence d'obtenir une indemnité autre que celle reçue au titre de l'aide juridictionnelle ni du quantum de la somme allouée ;

- les moyens invoqués contre la décision de refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour ne sont pas fondés ;

- le jugement qui annule sa décision d'assignation à résidence est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables en ce qu'il a pour effet de le priver de toute possibilité de procéder à l'éloignement effectif de l'intéressé qui se maintient irrégulièrement sur le territoire français ;

- il existe des moyens sérieux de nature à justifier le sursis à exécution de ce jugement.

La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Burnichon, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 1er janvier 1996 à Laghman (Afghanistan) et de nationalité afghane, est entré sur le territoire français à la date déclarée du 20 mars 2020 pour y demander l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 octobre 2022 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 mai 2023. Suite à son interpellation et son placement en garde à vue le 24 mai 2023, le préfet du Cantal, par un arrêté du 25 mai 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par une requête n° 23LY02191, le préfet du Cantal doit être regardé comme relevant appel du jugement du 31 mai 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un délai de départ volontaire et lui interdisant de revenir sur le territoire français durant trois années. Par une requête n° 23LY02192, le préfet du Cantal doit être regardé comme demandant le sursis à l'exécution de ce même jugement, dans cette même mesure.

2. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes relatives à la situation administrative d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 23LY02191 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. En premier lieu, il ressort de la demande de première instance que M. A... a également demandé l'annulation de la décision de refus de départ volontaire prise le 25 mai 2023. Par ailleurs son conseil a présenté en audience publique un moyen, également dirigé contre cette décision, tiré de l'absence de menace à l'ordre public. Le moyen tiré de ce que le magistrat désigné se serait prononcé sur des conclusions et moyens dont il n'était pas saisi ne peut, dès lors, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, le magistrat désigné s'est prononcé, à titre principal, sur le motif fondant la décision d'obligation de quitter le territoire et tiré de la menace à l'ordre public. Il pouvait d'office, de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, constater que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait prononcé une substitution de base légale sans être saisi d'une demande du préfet du Cantal ne peut, dès lors, qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité des décisions en litige :

5. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public / (...). ".

6. Pour annuler les décisions de refus de délai de départ volontaire et la décision portant interdiction de retour, le magistrat désigné du tribunal administratif a retenu que le comportement de M. A... ne saurait être regardé comme constitutif d'une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des procès-verbaux d'interpellation et d'audition de l'intéressé, établis par la gendarmerie de Saint-Flour, que l'intéressé, a, les 11 et 24 mai 2023, au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Saint-Flour où il était accueilli, fait preuve de violences à l'encontre des biens du CADA en frappant notamment le mur du bureau de l'assistante sociale ou encore en dégradant la cuisine du centre en tentant d'y mettre le feu. Ces faits sont matériellement établis, et l'intéressé a d'ailleurs reconnu ces actes lors de son audition, même s'il a entendu les justifier par l'impact qu'a eu sur lui le rejet de sa demande d'asile ou encore l'attitude que l'assistante sociale aurait eu à son égard. S'agissant des menaces de mort à l'encontre de la directrice et de l'assistante sociale du CADA, si M. A... ne les a pas expressément reconnues, il a toutefois lui-même relevé, lors de son audition, " dire beaucoup de chose mais qu'il ne ferait de mal à personne ". Les plaintes de la directrice et de l'assistance sociale du CADA démontrent quant à elles suffisamment, compte tenu de leur précision et de leur caractère concordant, la réalité des menaces proférées par M. A... à leur encontre, ainsi que l'attitude agressive de ce dernier lors de son accueil au centre. L'ensemble de ces faits constituent une menace pour l'ordre public au sens du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que le préfet du Cantal est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour opposés à M. A... en estimant que cette menace n'était pas établie.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

8. En premier lieu, les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ont été prises par M. Wahid Ferchiche, secrétaire général de la préfecture du Cantal, qui disposait à cette fin d'une délégation accordée le 21 avril 2023 et régulièrement publiée le même jour.

9. En deuxième lieu, les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans comportent les motifs de droit et de faits qui les fondent, reprenant notamment le rejet définitif de la demande d'asile de l'intéressé ou encore les éléments de son comportement caractérisant la menace à l'ordre public retenue par le préfet. L'arrêté en litige examine par ailleurs la vie privée et familiale de l'intéressé sur le territoire français. Ces décisions sont dès lors suffisamment motivées et les éléments qu'elles reprennent démontrent que la situation personnelle de M. A... a fait l'objet d'un examen personnel et approfondi.

10. En troisième lieu, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français doit être écartée par les motifs, devenus définitifs, retenus aux points 2 à 9 du jugement du 31 mai 2023, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /(...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. /(...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu refuser, par la décision du 25 mai 2023 un délai de départ volontaire alors que son comportement, ainsi qu'il a été dit, était constitutif d'une menace pour l'ordre public. Dans ses conditions, en fixant à trois années la durée d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet du Cantal n'a pas méconnu les dispositions précitées ni entaché sa décision de disproportion.

12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français moins d'un an et demi avant l'intervention des décisions en litige. Il n'y dispose d'aucune attache privée, familiale ou culturelle et son comportement est de nature, ainsi qu'il a été dit, à constituer une menace pour l'ordre public. Compte tenu de ces circonstances, les décisions en litige ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Cantal est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 25 mai 2023 en tant qu'il a refusé à M. A... un délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, et qu'il a mis à la charge de l'État la somme de 800 euros à verser au conseil de M. A... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la requête n° 23LY02192 :

14. Le présent arrêt ayant statué sur la requête du préfet du Cantal tendant à l'annulation du jugement du 31 mai 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23LY02192 du préfet du Cantal à fin de sursis à exécution du jugement du 31 mai 2023.

Article 2 : Le jugement du 31 mai 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 25 mai 2023 privant M. A... d'un délai de départ volontaire et lui interdisant le retour sur le territoire français durant trois années et en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Bouchet de la somme de 800 (huit cents) euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Bouchet et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon La présidente,

M. B...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

Nos 23LY02191, 23LY02192

2

N°23LY00638 8


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02191
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly02191 ?
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