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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY01278

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 02 juillet 2024, 23LY01278


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SAS Cezam a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel la maire de Décines-Charpieu a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comportant trente-six logements sur un tènement situé avenue J. Jaurès.

Par un jugement no 2202296 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 février 2022 de la maire de Décines-Charpieu et lui a enjoint de délivrer

à la société Cezam le permis de construire sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Cezam a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel la maire de Décines-Charpieu a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comportant trente-six logements sur un tènement situé avenue J. Jaurès.

Par un jugement no 2202296 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 février 2022 de la maire de Décines-Charpieu et lui a enjoint de délivrer à la société Cezam le permis de construire sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement.

Procédure devant la cour

I) Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril 2023 et 8 décembre 2023 sous le n° 23LY01278, la commune de Décines-Charpieu, représentée par la Selarl ATV Avocats Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2023 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la société Cezam en première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Cezam une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de substitution de motifs tirée de la méconnaissance de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole de Lyon relatif à l'implantation des constructions ;

- le refus de permis de construire était fondé, compte tenu de la méconnaissance des dispositions des articles 4.2.1, 4.2.4 b) et 4.2.6 b) du règlement de la zone URm1 relatifs à l'insertion du projet, de la méconnaissance des dispositions de l'article 4.2.5 du même règlement et de celles des articles 2.1.1 et 3.1 de ce règlement.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2023, la société Cezam, représentée par la Selarl Racine Lyon, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Décines-Charpieu le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Décines-Charpieu ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2023.

II) Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 avril et 8 décembre 2023 sous le n° 23LY01279, la commune de Décines-Charpieu, représentée par la Selarl ATV Avocats Associés, demande à la cour :

1°) de sursoir à l'exécution du jugement du 16 février 2023 ;

2°) de mettre à la charge de la société Cezam une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies dès lors que les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de substitution de motifs tirée de la méconnaissance de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole de Lyon relatif à l'implantation des constructions ;

- le refus de permis de construire était fondé compte tenu de la méconnaissance des dispositions des articles 4.2.1, 4.2.4 b) et 4.2.6 b) du règlement de la zone URm1 relatifs à l'insertion du projet et de la méconnaissance des dispositions de l'article 4.2.5 du même règlement et de celles des articles 2.1.1 et 3.1 de ce règlement.

Par un mémoire enregistré le 22 mai 2023, la société Cezam, représentée par la Selarl Racine Lyon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Décines-Charpieu le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Décines-Charpieu ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 décembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, rapporteure,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vincens-Bouguereau, substituant Me Thoinet, représentant la commune de Décines-Charpieu, et de Me Maillard, substituant Me Bichelonne, représentant la société Cezam.

Considérant ce qui suit :

1. La première demande de permis de construire déposée par la société Cezam, qui portait sur l'édification d'un immeuble de 43 logements de 2 530 m² de surface hors œuvre sur un tènement situé ... et cadastré section ..., a été rejetée par un arrêté du 8 juillet 2021 de la maire de Décines-Charpieu, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2107101 du tribunal administratif de Lyon du 16 février 2023, devenu définitif. La société Cezam a déposé le 5 novembre 2021 une nouvelle demande de permis de construire sur le même tènement, portant sur l'édification d'un immeuble d'habitation en R+3+attique d'une surface de plancher de 2 388,19 m². Par un jugement no 2202296 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 3 février 2022 de la maire de Décines-Charpieu refusant le permis de construire sollicité et lui a enjoint de délivrer à la société Cezam ce permis, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement. La commune de Décines-Charpieu relève appel de ce dernier jugement, par une requête enregistrée sous le n° 23LY01278, et elle en demande également le sursis à exécution, par une requête enregistrée sous le n° 23LY01279. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 23LY01278 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Si la commune de Décines-Charpieu soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas fait droit à sa demande de substitution de motifs tirée de la méconnaissance de l'article 2.1 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) de la métropole de Lyon relatif à l'implantation des constructions, ce moyen relève toutefois du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité la maire de Décines-Charpieu a opposé plusieurs motifs. Elle a estimé, tout d'abord, que le projet de construction méconnaît les dispositions de l'article 4.2.5 e) du règlement de la zone URm1 du PLU-H sur le stationnement, ensuite, qu'une attestation garantissant la prise en compte des mesures de gestion de la pollution dans la conception du projet de construction devait être produite conformément aux dispositions de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme et, enfin, que le projet en litige méconnaît les dispositions des articles 4.2.1, 4.2.4 b) et 4.2.6 b) du règlement de la zone URm1 du PLU-H. Le tribunal administratif a censuré, par le jugement attaqué, l'ensemble de ces motifs. La commune soutient, en appel, que les motifs de refus tirés de la méconnaissance du règlement du PLU-H étaient fondés, ainsi que les motifs tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 2.1.1. et 3.1. de ce règlement qu'elle avait demandé au tribunal de retenir par voie de substitution.

4. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation.

5. En premier lieu, la commune de Décines-Charpieu ne conteste pas en appel que le dossier de demande de permis de construire comprenait une attestation du bureau d'études Fondasol Environnement certifiant la prise en compte des mesures de gestion de la pollution des sols dans la conception du projet et un rapport indiquant que le site n'est pas référencé dans la base de données des secteurs d'information sur les sols, ni dans celle des installations classées pour la protection de l'environnement, ni dans les archives de la préfecture du Rhône à ce titre, et, qu'en conséquence, le projet n'impliquait pas la production, dans la demande de permis, du document et de l'attestation prévus par les dispositions des n) et o) de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme.

6. En deuxième lieu, d'une part, l'article 4.1 du règlement du PLU-H, qui définit le régime général de l'insertion du projet, précise que la zone URm1 est " à caractère mixte, constitue une liaison entre les quartiers centraux et les quartiers périphériques. De volumétrie variée selon les secteurs, le bâti s'organise, majoritairement en ordre discontinu, de façon dense en front de rue ou avec de faibles reculs. Les objectifs poursuivis sont (...) : - d'accompagner un fort renouvellement urbain dans une diversité de formes et de gabarits afin de concilier densité et enjeux environnementaux ; - de préserver la continuité visuelle d'un front urbain structuré par des implantations bâties discontinues, à l'alignement ou en faible retrait ; - d'assurer la présence effective d'un cœur d'îlot végétalisé ; - de créer des transparences vers les cœurs d'îlot végétalisés ; - de permettre l'expression d'une architecture contemporaine et la créativité architecturale./ Une " morphologie en peigne " peut être adoptée sous certaines conditions : dans les cœurs d'îlot, où l'emprise du bâti est moindre, la présence végétale est significative. L'objectif est de développer une composition harmonieuse du projet entre végétal, espace libre et l'implantation des constructions majoritairement perpendiculaire à la voie. La présence végétale doit constituer un élément déterminant et structurant du projet. ". L'article 4.1.1 dudit règlement, relatif à la conception du projet dans son environnement urbain et paysager précise que : " a. La conception du projet privilégie son insertion dans la morphologie urbaine et de la zone considérée en prenant en compte son environnement urbain et paysager, sauf contexte urbain particulier. / (...). ". L'article 4.2.1 du règlement du PLU-H, relatif à la qualité des constructions prévoit que : " 4.2.1 - Volumétrie, rythme du bâti : / (...) / c. Dans la bande de constructibilité principale *et en premier rang* / Les constructions présentent une simplicité de volumes dont le gabarit prend en considération les constructions environnantes, et ceci à l'échelle d'une séquence urbaine caractéristique. / La composition des volumes bâtis favorise le rythme des façades à l'échelle de la rue et favorise les transparences visuelles sur les cœurs d'îlots végétalisés, en articulant les pleins et les vides tels que des césures* et fractionnements. / Dans le cas d'implantation en recul de l'espace public, un traitement paysager intégrant des usages en cohérence avec la profondeur du recul est privilégié. /(...) ". Selon l'article 4.1.2 du sommaire général du PLU-H relatif aux vides et respirations : " a. Constitue une césure l'espace séparant, sur l'intégralité de leur hauteur, deux parties d'une construction ou deux constructions, situées sur le même terrain, dans la BCP ou en premier rang. (...) L'espace constituant la césure peut être occupé par des balcons et passerelles dès lors qu'ils préservent les transparences visuelles sur les cœurs d'îlot. (...) / c. Fractionnement. Constituent des fractionnements au sein d'une construction les porches, créneaux et les reculs partiels. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 4.2.4. b) de ce même règlement, relatif à la qualité des façades et pignons : " Au sein des volumes bâtis, et quelle que soit la longueur sur voie du terrain, le rythme des façades utilise la combinaison maîtrisée de divers éléments architecturaux tels que des retraits, des variations de matériaux ou de teintes. ". Aux termes de l'article 4.2.6 de ce règlement : " 4.2.6 - Matériaux et Couleurs : / a. Le choix des matériaux utilisés en façade : /- contribue à l'insertion harmonieuse de la construction dans son environnement, sans pour autant exclure une architecture contemporaine ; / - évite au regard de leur pérennité, une trop grande diversité de matériaux dans une même façade. /(...)/ b. Le choix des couleurs contribue à l'intégration harmonieuse de la construction dans le paysage environnant et notamment : / - permet une harmonisation des coloris avec l'architecture de la construction ; / - respecte l'ambiance chromatique de la rue ou de l'opération d'ensemble ; / - souligne le parti architectural, tel que le rythme des façades. ".

8. Le refus du permis de construire en litige se fonde sur la méconnaissance des dispositions de l'article 4.2.1. du règlement de la zone URm1 en ce que, en premier lieu, le projet ne prévoit pas de césure et de fractionnement, n'articule pas les vides et pleins et ne favorise pas de ce fait le rythme des façades à l'échelle de la rue, en deuxième lieu, que la hauteur et l'épaisseur du bâti restent constantes en dépit d'une parcelle se rétrécissant vers l'ouest ce qui ne favorise pas une diversité de formes et de gabarit recherchée par la vocation de la zone, en troisième lieu, que le gabarit, l'emprise et la hauteur du projet ne permettent pas de ménager des transitions paysagères valorisantes entre les espaces publics et privés. Le refus de permis de construire se fonde également sur la méconnaissance des dispositions de l'article 4.2.4 b de ce règlement en ce que le projet propose des revêtements de façade uniquement constitués par de l'enduit et que les garde-corps sont tous identiques en verre, et de celles de l'article 4.2.6. dudit règlement en ce que l'écriture de façade ne permet pas de hiérarchiser et de rythmer les façades de l'opération.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et particulièrement des photographies d'insertion et aériennes du dossier de demande de permis de construire et de celles intégrées dans les écritures de la société pétitionnaire et non contestées, que le projet, situé entre deux voies publiques importantes et sur un terrain en angle, s'insère dans une zone supportant un tissu mixte de constructions sans homogénéité particulière, composé de constructions de forme et de volumétrie variées, et plus particulièrement de maisons individuelles mais aussi et surtout, notamment dans l'environnement immédiat du projet, d'immeubles collectifs de hauteur et de gabarit similaires et disposant de toiture plate, ces immeubles devant, en l'espèce, être regardés comme constituant une séquence urbaine caractéristique au sens des dispositions précitées. Le parti architectural du projet privilégie, sur un terrain qui prévoit un cœur d'îlot végétalisé à créer dans l'angle sud-ouest qui permettra une percée visuelle, un volume simple et de gabarit proche des constructions environnantes prises à l'échelle de cette séquence urbaine, et consiste à traiter le bâtiment avec un retrait supérieur à celui imposé, en suivant les linéaires des deux voies publiques, comme une proue, avec une forte végétalisation de la forme en pointe du terrain. Les façades comportent des terrasses en décrochements successifs et un recul partiel plus ou moins marqué, constitutif d'un fractionnement, et la construction présente une structure en escalier à l'angle du tènement et une hauteur moindre que les bâtiments voisins, articulant des pleins et vides, et répondant ainsi à l'objectif de diversité de formes et de gabarit recherché dans la zone, alors même que la hauteur et l'épaisseur du bâti restent constantes. Par ailleurs, le projet porte sur un terrain minéralisé ne supportant plus d'arbres lors du dépôt de la demande de permis et la circonstance qu'ils auraient fait l'objet d'un arrachage irrégulier, d'ailleurs non établie, est sans incidence sur la légalité des motifs du refus de permis de construire en litige. Ce projet prévoit quant à lui une végétalisation de tout le pourtour de l'immeuble à construire, et un espace vert plus conséquent à l'angle des deux voies publiques, et la configuration du projet permet ainsi d'assurer des percées visuelles, notamment depuis les espaces publics, sur les espaces végétalisés projetés en fond de parcelle.

10. Le projet en litige, à l'architecture contemporaine et dont les façades comportent, ainsi qu'il a été dit, des reculs et retraits dans les éléments structurels, est composé de divers matériaux, dont des balcons en verre opale, une serrurerie et des menuiseries en PVC de même teinte, et un traitement des façades avec une colométrie en blanc cassé et, pour certains trumeaux et l'attique, en gris aluminium plus ou moins foncé permettant de créer un effet d'ombre et de perspective de relief et de profondeur, ces caractéristiques, qui sont autorisées dans la zone, se retrouvant également sur des immeubles situés dans l'environnement proche du projet. Ces éléments, qui traduisent le parti architectural retenu et rythment les façades, assurent également son insertion harmonieuse dans le paysage environnant, y compris de la rue, qui ne présente au surplus pas d'intérêt particulier. Le projet répond ainsi aux dispositions précitées des articles 4.2.4. b et 4.2.6.

11. En troisième lieu, l'article 4.2 du même règlement relatif à la qualité des constructions comprend un article 4.2.5 relatif au traitement des rez-de-chaussée ou socles : " e. Les accès au stationnement en sous-sol sont, sauf impossibilité technique, intégrés au volume bâti, dans l'alignement de la façade. ".

12. Le refus de permis de construire en litige se fonde sur la méconnaissance des dispositions précitées en ce que le projet prévoit la création d'une voie d'accès au stationnement en sous-sol pour les véhicules, non intégré au volume bâti, et alors que le dossier de permis ne justifie pas d'une impossibilité technique pour réaliser cette intégration dans le volume et l'alignement des façades. Il ressort toutefois du plan de masse produit dans le dossier de demande de permis de construire que le projet comporte une voie de desserte extérieure pour les véhicules, au nord à partir de l'avenue E. Herriot, avec un " sol enrobé pente 3 % " qui permet à son extrémité l'accès au deux niveaux souterrains utilisés pour le stationnement des véhicules. Une telle voie de desserte interne au terrain est distincte de l'accès au stationnement en sous-sol régi par les dispositions précitées et dont l'objet est d'intégrer, dans le traitement des rez-de-chaussée ou socles, les rampes d'accès, et la commune de Décines-Charpieu ne peut utilement se prévaloir de l'article 5.1.1.1.1.2 de la partie générale du PLU-H qui ne régit l'espace de desserte interne au terrain que lorsque le terrain est divisé. Il suit de là, et sans qu'elle puisse utilement soutenir que cette voie serait contraire aux objectifs de réduction de l'artificialisation des sols ou de ce qu'elle serait susceptible de porter atteinte à la sécurité des piétons, que la commune de Décines-Charpieu ne pouvait se fonder sur ce motif pour refuser le permis de construire en litige.

13. En dernier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

14. D'une part, aux termes de l'article 2.1 du règlement du PLU-H relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et aux emprises publiques ou privées en zone URm1 : " Les présentes dispositions s'appliquent aux seules constructions de premier rang. / 2.1.1- Règle générale : / a. Les constructions peuvent être implantées : / - soit en limite de référence* ou en limite de la marge de recul* ; / - soit en recul* de la limite de référence* ou de la limite de la marge de recul*. / En cas de recul*, ce dernier est au maximum égal à 5 mètres (Rl = 5 m). / Le choix d'implantation des constructions est dicté par au moins l'un des trois critères suivants : - fonctionnel lié à la destination des rez-de-chaussée des constructions vers de l'habitation ou des activités économiques ; - morphologique, en prenant en compte les caractéristiques de la séquence urbaine dans laquelle s'inscrit le projet ; - environnemental, au regard des caractéristiques de la voie bordant le projet et des nuisances qu'elle est susceptible d'engendrer. /(...)/2.1.2 - Règles alternatives : / Une implantation différente de celle prévue par la règle peut être appliquée dans les conditions et cas suivants : / (...) / e. l'implantation d'une construction qui, en raison des caractéristiques particulières du terrain* telles qu'une configuration irrégulière ou atypique, une topographie accidentée, une situation en décalage altimétrique par rapport au niveau de la voie, une localisation au contact de plusieurs limites de référence* (terrain d'angle notamment), ne peut pas être conforme à la règle. Dans ce cas, le choix d'implantation de la construction est fait afin d'adapter la construction en vue de son insertion dans le site, en prenant en compte la morphologie urbaine environnante. /(...) ".

15. La commune de Décines-Charpieu soutient que le refus de permis de construire en litige aurait pu également être fondé sur la méconnaissance de ces dispositions, plus particulièrement celles tenant à l'implantation du projet avec un recul maximum supérieur à cinq mètres, en relevant que l'application de la " règle alternative " d'implantation prévue au e) de l'article 2.1.2., sollicitée par la société pétitionnaire, n'était pas justifiée puisque l'impossibilité pour le projet d'être implanté sur ce terrain en angle dans le respect des règles générales d'implantation n'est pas établie, ni justifiée par le pétitionnaire.

16. Il ressort des pièces du dossier que l'implantation du projet en litige respecte la règle de recul s'agissant des limites de référence des avenues E. Herriot et J. Jaurès, mais est en revanche située au sud-ouest à plus de cinq mètres de l'angle formé par ces mêmes avenues, la société pétitionnaire, dans le but d'adapter la construction en vue de son insertion dans le site, ayant sollicité, dans sa demande de permis de construire, l'application de la règle alternative prévue au e) de l'article 2.1.2 en relevant que l'implantation ne pouvait être conforme à la règle de recul en raison des caractéristiques particulières du terrain (terrain d'angle avec plusieurs limites de référence). En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement aux allégations de la commune, que la règle générale aurait pu être respectée eu égard à la configuration très particulière du terrain se terminant en angle, ce dont le pétitionnaire n'avait pas à justifier de manière particulière, et cet espace permet au surplus d'avoir un espace de pleine terre d'un seul tenant de 222 m², aménagé en " forêt urbaine " s'inscrivant au demeurant dans les objectifs environnementaux recherchés par le règlement du PLU. Il ressort au demeurant des pièces du dossier que le projet en litige avait en réalité déjà pris en compte, de manière anticipée, la délibération du conseil municipal du 9 février 2022 adoptant la proposition du maire visant à instaurer au bénéfice de la commune deux emplacements réservés, dont l'un au droit du projet en litige, afin de renforcer la végétalisation et les percées visuelles sur l'avenue J. Jaurès d'une superficie de 299,39 m² ramenant la surface du terrain du projet à 1 647,68 m² et elle ajoute que " le plan de masse du projet permet de constater qu'avec la prise en compte de cet emplacement réservé, l'angle entre les avenue E. Herriot et J. Jaurès emporte une limite séparative de 2,04 mètres ". Dans ces conditions, compte tenu de cette configuration particulière, du choix d'implantation de la construction afin d'adapter la construction en vue de son insertion dans le site en prenant en compte la morphologie urbaine environnante et un critère environnemental, des caractéristiques des avenues J. Jaurès et E. Herriot qui bordent le projet et des nuisances induites par la forte circulation qu'elles supportent, la commune de Décines-Charpieu n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait pu, sans erreur manifeste d'appréciation, refuser d'appliquer les règles alternatives précitées. Sa demande de substitution de motifs doit, dès lors, être écartée.

17. D'autre part, aux termes de l'article 3.1 du règlement du PLUi-H relatif aux principes d'aménagement des espaces libres : " L'aménagement des espaces libres ne peut être réduit à un traitement des surfaces résiduelles de l'emprise du bâti, mais il est intégré dans la conception globale de tout projet comme un élément structurant, source de paysage et de biodiversité. Il concourt à : - l'insertion des constructions dans leur paysage urbain et à la qualité des transitions entre espaces bâtis ; - l'amélioration du cadre de vie d'un point de vue paysager et bioclimatique ; - l'enrichissement de la biodiversité en ville ; - la gestion de l'eau pluviale et de ruissellement. ".

18. Le dossier de demande de permis de construire, et plus particulièrement la notice et le plan de masse qu'il contient, permet de constater que le projet en litige comprend des espaces verts sur le long des limites séparatives du terrain d'assiette du projet ainsi que dans sa partie ouest qui jouxte le rond-point où se rejoignent les avenues E. Herriot et J. Jaurès et dans sa partie nord-est, de part et d'autre de la voie interne du projet qui permet l'accès au parking souterrain. La notice précise également que la surface de pleine terre du projet correspond à la valeur de 424,27 m², dont 222 m² en un seul tenant, que la surface totale des espaces verts est de 749,26 m² sur un terrain d'une superficie de 1 637,68 m² et, s'agissant de la plantation d'arbres, que le projet prévoit la plantation de huit arbres. La notice paysagère reprend également les différents éléments paysagers, tels que les différents massifs envisagés, l'existence d'une haie, les arbres plantés, avec leur localisation et leur nom, le traitement du cheminement piétonnier, ou encore la toiture végétalisée. Ces différents éléments paysagers, sur un terrain de forme triangulaire localisé entre deux grandes avenues, traduisent effectivement une intégration à la conception globale du projet et un élément structurant, source de paysage et de biodiversité, et ne peuvent ainsi, alors même que la force des arbres lors de la plantation ne serait pas précisée ou encore que le projet ne préciserait pas l'usage envisagé de ces espaces, être regardés comme un simple élément résiduel. Il suit de là que la commune de Décines-Charpieu n'est pas fondée à soutenir que le refus de permis de construire en litige pouvait être fondé sur les dispositions précitées du PLUi-H. Sa demande de substitution de motifs doit, là encore, être écartée.

19. Enfin, à supposer que la commune de Décines-Charpieu invoque en appel un autre motif susceptible de fonder le refus en litige, s'agissant de la toiture-terrasse végétalisée du bâtiment projeté, il ressort des pièces du dossier que, si plusieurs immeubles environnants comportent en dernier étage des toitures classiques et des toitures terrasses accessibles notamment de l'autre côté de l'avenue J. Jaurès, le secteur comprend également des toitures plates notamment le bâtiment situé à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet ainsi que la barre d'immeuble située de l'autre côté de l'avenue A. Godard ou encore la copropriété située en face du terrain d'assiette du projet de l'autre côté de l'avenue E. Herriot alors que le projet conserve la pente naturelle du terrain d'assiette et comporte des terrasses en décrochements successifs du RDC au R+3+VETC avec des balcons qui se développent en escaliers en façade sud-est et qui présentent ainsi des fractionnements. En conséquence, la commune de Décines-Charpieu n'est pas fondée à soutenir que le refus en litige pouvait être fondé sur un tel motif.

20. Il résulte de ce qui précède que la commune de Décines-Charpieu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande de la SAS Cezam.

Sur la requête n° 23LY01279 :

21. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions de la commune de Décines-Charpieu dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 février 2023, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune de Décines-Charpieu tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans l'instance n° 23LY01278, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SAS Cezam, qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Décines-Charpieu et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Décines-Charpieu le versement d'une somme de 2 000 euros à la SAS Cezam au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

23. Dans l'instance n° 23LY01279, il y a lieu de rejeter, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement présentées dans la requête enregistrée sous le n° 23LY01279.

Article 2 : La requête n° 23LY01278 de la commune de Décines-Charpieu est rejetée.

Article 3 : La commune de Décines-Charpieu versera, dans la requête n° 23LY01278, la somme de 2 000 euros à la SAS Cezam sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Décines-Charpieu et à la SAS Cezam.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Aline Evrard, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

C. Burnichon

La présidente,

M. A...La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

Nos 23LY01278, 23LY01279 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01278
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : ATV AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly01278 ?
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