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02/07/2024 | FRANCE | N°23LY00296

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 02 juillet 2024, 23LY00296


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 19 rue Lamartine a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 26 mai 2021 par le maire de la commune de Chambéry à la SCCV CL 36 ainsi que le permis modificatif délivré le 31 août 2022.



Par un jugement n° 2108243 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour



Par une requête et de

s mémoires, enregistrés les 23 janvier 2023, 31 juillet 2023, 8 avril 2024 et 27 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 19 rue Lamartine a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire délivré le 26 mai 2021 par le maire de la commune de Chambéry à la SCCV CL 36 ainsi que le permis modificatif délivré le 31 août 2022.

Par un jugement n° 2108243 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 janvier 2023, 31 juillet 2023, 8 avril 2024 et 27 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 19 rue Lamartine, représenté par la Selas CCMC Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le maire de Chambéry a délivré à la SCCV CL 36 un permis de construire, ensemble le rejet de son recours gracieux du 23 juillet 2021, ainsi que l'arrêté du 31 août 2022 portant permis modificatif ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry le versement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission en statuer en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAC 5 du règlement du PLUi de Grand Chambéry en ce qui concerne le système d'occultation ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article UCA 5 du règlement du PLUi ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions des articles UCA 7 du règlement du PLUi et L. 152-6-1 du code de l'urbanisme ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article UCA 4 du règlement du PLUi et emporte une occupation illégale du domaine public ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article UCA 9 du règlement du PLUi ;

- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mai 2023 et 20 mars 2024, la commune de Chambéry, représentée par la Selarlu Jean-Marc Petit-Avocat, conclut au rejet de la requête, à tout le moins après avoir fait application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars et 23 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SCCV CL 36, représentée par la Selarl BCV Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat requérant le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le syndicat de copropriété requérant ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité à agir à l'encontre du projet en litige ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 avril 2024 la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 23 avril 2024.

Par une lettre du 29 mai 2024, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UCA 7 du règlement du PLUi en tant que le projet en litige, tel qu'autorisé par les permis de construire attaqué et modifié par le permis modificatif délivré le 31 août 2022, ne comporte aucune place de stationnement pour véhicules motorisés alors que les dispositions dérogatoires de l'article L. 152-6-1 du code de l'urbanisme ne permettent qu'une réduction du nombre de places de stationnement exigées par le PLU et non la suppression de cette obligation.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 19 rue Lamartine a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été enregistrées le 7 juin 2024 et communiquées.

La commune de Chambery a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont enregistrées le 7 juin 2024 et communiquées.

La SCCV CL 36 a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été enregistrées le 7 juin 2024 et communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Mauclair, rapporteure publique,

- les observations de Me Chopineaux représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 19 rue Lamartine, de Me Roussel substituant Me Petit, pour la commune de Chambéry, et de Me Combaret pour la SCCVL CL 36.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 mai 2021, le maire de la commune de Chambéry a délivré à la SCCV CL 36 un permis de construire portant sur la réalisation d'une résidence universitaire R+5 comprenant 56 studios et des services communs, pour une surface de plancher de 1392,55 m², sur une parcelle située ... et cadastrée section (PSEUDO)CE n° 0174( /PSEUDO). Par un arrêté du 31 août 2022, le maire de Chambéry lui a délivré un permis de construire modificatif portant sur la modification des ouvertures en façades, la création d'un second local à vélos au rez-de-chaussée, la suppression des terrasses au rez-de-chaussée du côté du jardin et la réduction de la surface de plancher à 1 326,67 m². Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 19 rue Lamartine demande à la cour d'annuler le jugement du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 19 rue Lamartine soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article UAC 5 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de Grand Chambéry en ce qui concerne le système d'occultation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait soulevé un tel moyen en première instance. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation.. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une autorisation relative à l'occupation du sol, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble dont le syndicat requérant a la gestion est situé au ..., sur la parcelle cadastrée A..., de l'autre côté de la rue et à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, lequel porte, en lieu et place d'une maison individuelle et de ses deux annexes qui ont vocation à être démolies, en la construction d'un immeuble en R+5, d'une hauteur de plus de 17 mètres, destiné à accueillir une résidence universitaire composée de 56 studios et de services communs. Un tel projet est de nature, par son importance et sa proximité, à porter atteinte aux conditions d'occupation et de jouissance des biens gérés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé .... Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la société SCCV CL 36 et tirée du défaut d'intérêt donnant qualité à agir du syndicat requérant doit être écartée.

Sur la légalité des permis délivrés les 26 mai 2021 et 31 août 2022 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article UCA4 du règlement du PLUi de Grand Chambéry relatif à la volumétrie et l'implantation des constructions : " /(...) Constructions implantées à l'alignement : / Pour les rues dont la largeur totale est comprise entre 8 et 12 m : les débords de toit, les éléments de modénatures et les balcons peuvent surplomber le domaine public jusqu'à 0,8 m depuis l'alignement, s'ils se situent à plus de 4,3 m de haut à partir du niveau de la rue sous réserve d'obtention d'une autorisation d'occupation du domaine public. 2/ Implantation par rapport aux limites séparatives : " Dans une bande de 20 m à compter de l'alignement (premier rideau) : / Les constructions doivent être implantées sur au moins une limite séparative. /(...)/ En cas de retrait, ce dernier est de 3 m minimum. /(...) ".

7. D'une part, le dossier de demande de permis de construire comportait une demande d'autorisation d'occupation du domaine public, d'ailleurs ensuite délivrée, le 3 novembre 2022, à la société SCCVL CL 36 par l'adjoint au maire, et autorisant " à titre permanent, le surplomb du domaine public par les avancées des balcons existants sur la façade nord/nord-est du bâtiment à réaliser, donnant sur la rue Lamartine ". Par ailleurs, le syndicat requérant ne peut sérieusement soutenir que le projet en litige emporterait une utilisation privative du domaine public du fait de la desserte des parties communes de l'immeuble (local-poubelles, local deux roues) depuis la rue, de l'absence d'accès intérieur à l'immeuble et de l'existence d'une ouverture sur la rue de l'espace de travail partagé.

8. D'autre part, il ressort des plans produits dans le dossier de demande de permis modificatif et de la notice explicative que les trois terrasses prévues initialement sur le côté sud-est ont été supprimées et ont été remplacées par un cheminement en pas japonais, permettant ainsi de respecter le retrait de trois mètres prévu par les dispositions précitées.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article UCA5 du règlement du PLUi relatif à la qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère : " Les projets ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. /(...)/ Aspects des constructions : Dans les secteurs couverts par l'AVAP-SR, le règlement de l'AVAP-SPR se substitue aux règles énoncées ci-dessous. (...) / Les nouvelles constructions doivent s'inscrire en cohérence avec la hauteur des constructions environnantes, les formes urbaines, caractéristiques de la zone et contribuer à la cohérence urbaine, architecturale et paysagère de celle-ci. /(...) Volumes : / Les constructions projetées doivent présenter une simplicité de volumes. / Les gabarits doivent être harmonisés à l'échelle générale des constructions avoisinantes, à l'exception des équipements d'intérêt collectifs et des services publics et des équipements d'hébergement relevant de la destination " habitation " qui, par leur nature ou leur fonction, peuvent nécessiter des gabarits en rupture avec le contexte urbain environnant ".

10. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni du document graphique de l'aire de valorisation de l'architecture et de patrimoine (AVAP) librement accessible sur le site Géoportail de l'urbanisme, que le terrain d'assiette du projet serait situé dans le périmètre de l'AVAP. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de cette AVAP est inopérant.

11. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige modifié, consistant dans la construction d'un immeuble en R+5 de plus de 17 mètres de hauteur, d'une surface de plancher de 1 326,67 m², se situe dans le centre-ville de Chambéry, dont les constructions environnantes ou avoisinantes sont composées majoritairement d'immeubles collectifs ayant des densités, hauteurs et gabarits similaires. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, dès lors, être écarté.

12. De plus, l'article UCA5 du même règlement prévoit que : " Façades : /(...)/ Les murs pignons aveugles visibles depuis la voie ou l'espace public doivent faire l'objet d'un traitement architectural en cohérence avec les caractéristiques des constructions avoisinantes et contribuer à l'ambiance urbaine globale à l'échelle de la rue ou du projet. / Ouvertures et systèmes d'occultation : / Les ouvertures en façades doivent présenter une harmonie quant à leur ordonnancement et leurs dimensions. En cas de réhabilitation, il est recommandé de maintenir dans leur disposition d'origine les percements existants et de ne pas modifier leur rythme. / Les systèmes d'occultation doivent s'harmoniser à l'époque et au style du bâtiment. Ils doivent présenter une unité de traitement au niveau du bâtiment. / Les volets roulants et leur dispositif ne doivent pas être en saillie ".

13. D'une part, s'agissant des murs pignons, il ressort des pièces du dossier que la façade nord-est du projet en litige ne constitue pas un mur pignon aveugle au sens des dispositions précitées, dès lors qu'elle comprend des ouvertures. S'agissant de la façade sud-ouest, il ressort de la notice du dossier de demande de permis de construire modificatif que les façades pignon latérales, dont fait partie le pignon aveugle côté sud-ouest, seront tramées, que la végétation des jardinières en terrasses se développera sur les murs pignons grâce à l'installation de filins en inox sur les deux derniers étages et que le rez-de-chaussée du pignon aveugle (façade sud-ouest) sera traité en béton lasuré et coloré à l'instar du rez-de-chaussée sur rue et dans une teinte similaire au traitement des balcons de l'immeuble géré par le syndicat requérant. Compte tenu de ce traitement architectural particulier, cohérent avec les constructions avoisinantes et l'ambiance urbaine globale de la rue Lamartine composée d'immeubles collectifs qui ne comportent pas un traitement architectural homogène, les dispositions précitées sur les murs pignons n'ont pas été méconnues.

14. D'autre part, s'agissant des ouvertures et systèmes d'occultation, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées du règlement n'imposent pas une harmonisation avec les immeubles avoisinants, mais exigent une harmonie des ouvertures en façades quant à leur ordonnancement et dimensions sur l'immeuble projeté, et les systèmes d'occultation doivent également s'harmoniser à l'époque et au style de ce même bâtiment, avec une unité de traitement. En l'espèce, la notice de la demande de permis de construire précise que le projet comprend une façade principale sur rue traduisant un ordonnancement contemporain, avec un décalage des ouvertures qui auront une forme rectangulaire et verticale, deux creux verticaux venant ponctuer cette façade, pour finir par former des jardinières au R+1 et au R+3. Il est également précisé que, s'agissant des systèmes d'occultation que des volets roulants sont prévus sur l'ensemble des façades avec la présence, du côté de la rue Lamartine, de cinq persiennes pliables utilisées pour animer la façade en créant un jeu d'ombre aléatoire et évolutif en fonction des horaires et des saisons. Enfin, cette notice précise que les dimensions des menuiseries extérieures sont travaillées en fonction de la forme du bâtiment et que le rez-de-chaussée est très ouvert sur ses deux façades principales et offre des vues traversantes sur le jardin intérieur. Il ne ressort pas de ces éléments architecturaux que les différences en résultant traduiraient une absence d'unité de traitement, qui doit être appréciée au niveau du seul bâtiment. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement du PLUi doit, dès lors, être écarté.

15. Enfin, l'article UCA5 du même règlement précise que " Toitures : / Nombre de pans : La toiture des constructions principales (hors annexes) doit comporter au moins 2 pans. Le nombre de pans de toit peut être limité dans l'intérêt de la simplification et de l'allègement de la composition des façades. / La toiture des volumes secondaires et des constructions annexes, accolés à la construction principale, peut être constituée d'un seul pan. /(...)/ Toiture terrasse : / La valorisation éco aménageable (végétalisation, valorisation énergétique...) des toitures terrasses non accessibles de plus de 25 m² est obligatoire. / Les toitures accessibles ayant un accès collectif doivent être aménagées et jouer un rôle social en tant qu'espace de vie. / Cette dernière disposition ne s'applique pas aux constructions d'habitation individuelles. (...). ". Il ne ressort pas de ces dispositions, contrairement aux allégations du syndicat requérant, qu'elles réserveraient les toitures-terrasses aux annexes ou volumes secondaires en les interdisant sur les constructions principales à usage collectif d'habitation. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article UCA7 du règlement du PLUi relatif aux obligations en matière de stationnement : " /(...)/ Les besoins générés par le projet doivent être satisfaits sur le terrain d'assiette du projet ou à une distance maximum de 500 m du terrain d'assiette du projet. / Les aires de stationnement et leurs zones de manœuvre doivent être réalisées en dehors des voies de circulation, sur le terrain d'assiette du projet. / (...)/. Le calcul des obligations de stationnement est réalisé sur l'ensemble du projet immobilier suivant les règles définies dans le tableau ci-dessous : /(...). / Les obligations sont arrondies à l'entier le plus proche ou, à défaut, à l'entier supérieur. ". Les dispositions générales applicables à l'ensemble des zones urbaines prévoient, à l'article 5 relatif aux définitions, une sous-destination " Hébergement " à la destination habitation, en relevant que " cette sous destination comprend les résidences ou foyers avec services. Il s'agit notamment des maisons de retraites, des résidences universitaires, des foyers de travailleurs et des résidences autonomie. Il s'agit de logements particuliers répondant à un besoin particulier. ".

17. Aux termes de l'article L. 152-6-1 du code de l'urbanisme : " En tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut, par décision motivée, lorsque le règlement du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, réduire cette obligation à raison d'une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d'infrastructures ou de l'aménagement d'espaces permettant le stationnement sécurisé d'au moins six vélos par aire de stationnement.". Ces dispositions, adoptées par l'article 117 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et issues d'un amendement parlementaire, s'inscrivent dans l'objectif porté par la loi d'orientation des mobilités n° 2019-1429 du 24 décembre 2019 visant à favoriser l'évolution des mobilités en facilitant l'emploi du vélo par la création d'espaces sécurisés pour leur stationnement. Elles permettent ainsi, en tenant compte de la nature du projet et de la zone d'implantation, une réduction du nombre de places de stationnement des véhicules motorisés en contrepartie de la création d'emplacements clos et couverts pour les vélos, les espaces dédiés au stationnement étant ainsi mutualisés. Il ne ressort toutefois pas des dispositions précitées qui dérogent au règlement du PLUi, qu'elles puissent être comprises comme permettant à un projet de se dispenser de la création de la totalité des places de stationnement requises par le règlement du PLUi pour les véhicules motorisés.

18. En l'espèce, le projet en litige, qui a une destination d'habitation et une sous-destination d'" hébergement ", nécessitait, pour le stationnement des véhicules motorisés, une place pour trois logements (ou chambre en cas d'absence de logement individualisé). Le projet autorisé par le permis de construire initial du 26 mai 2021 prévoyait dix places de stationnement, avec une promesse synallagmatique de cession de droit d'occupation passée entre la société pétitionnaire et la société Q-Park Chambéry et portant sur la réservation de dix emplacements, sa notice précisant aussi que la réalisation des neuf places de stationnement exigées pour les véhicules était prévue dans le cadre d'un projet d'amodiation signé entre le parc de stationnement Cassine et la pétitionnaire. Ce permis prévoyait par ailleurs un local deux roues de 48,60 m² au rez-de-chaussée avec un accès direct depuis l'extérieur. Toutefois ce projet a été modifié par le permis modificatif délivré le 31 août 2022, qui conserve le local à vélos de 48,60 m² équipé de 59 arceaux et aménagé pour le stationnement des 56 logements, situé au rez-de-chaussée avec un accès direct depuis l'extérieur, mais ajoute un second local à vélos au rez-de-chaussée, d'une surface de 61,24 m² équipée de 60 arceaux et comportant une zone atelier-réparation, en en déduisant, en conséquence, ainsi que le relèvent notamment la notice de ce projet et l'arrêté du 31 août 2022, qu'il pouvait supprimer toutes les places de stationnement des véhicules motorisés et en soulignant à cet égard faire application, après avoir relevé la nature du projet (résidence étudiante) et sa zone d'implantation (proximité de la gare SNCF de Chambéry-Challes-les-Eaux et de la gare routière de Chambéry), de la dérogation prévue à l'article L. 152-6-1 du code de l'urbanisme.

19. Les places de stationnement pour les véhicules motorisés étant supprimées dans le projet modifié, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la société pétitionnaire ne ferait pas état d'une impossibilité juridique de créer des places de stationnement sur le terrain d'assiette du projet ou que la règle du stationnement serait contournée avec cette concession en ce que le parking " Cassine " ne serait pas situé à une proximité suffisante du projet.

20. Toutefois, en admettant même que la nature du projet, à savoir la construction d'une résidence universitaire destinée à accueillir un public peu véhiculé, et sa localisation, en centre-ville de Chambéry, à proximité immédiate de la gare routière et des transports en commun, puissent justifier l'application des dispositions dérogatoires de l'article L. 152-6-1 du code de l'urbanisme, ces dernières ne permettaient pas de dispenser le projet de la création de la totalité des places de stationnement pour les véhicules motorisés. Le permis de construire, tel que modifié, méconnaît par suite les dispositions précitées de l'article UCA 7 du règlement du PLUi.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article UCA9 du règlement du PLUi, relatif aux conditions de desserte des terrains par les réseaux publics d'eau, d'électricité, d'assainissement et de télécommunication : " /(...) 3 / Eaux pluviales : / Tout nouvel aménagement doit respecter les règles imposées par le zonage pluvial, y compris sur des surfaces déjà imperméabilisées. Les règles reprises dans la suite de cet article sont les règles les plus générales. Il est indispensable de se référer au zonage pluvial (notice et cartographies) pour connaître l'ensemble des règles qui s'appliquent au projet. / Le zonage pluvial contient également un certain nombre de recommandations utiles pour une gestion intégrée et approuvée des eaux pluviales. / Les eaux pluviales doivent être gérées à l'aide de dispositifs séparatifs, c'est-à-dire propres aux eaux pluviales et de ruissellement, sans aucune connexion avec des eaux usées. / Dans le cas de la mise aux normes d'un dispositif de gestion des eaux pluviales existant, ou dans le cas d'un changement de destination d'une construction, lorsque la réalisation du dispositif n'est pas possible techniquement dans le périmètre de la zone U sur le terrain d'assiette, la réalisation du dispositif en zone A, Ap ou N est possible. (...) ".

22. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone " zéro rejet " au sein du zonage pluvial de Grand Chambéry Agglomération. Selon la notice de ce zonage, librement accessible sur Internet, la zone " zéro rejet " correspond aux zones où la capacité d'infiltration est a priori bonne, en la distinguant ainsi des zones connaissant des contraintes conséquentes (fortes pentes) ou rédhibitoires (PPRN, risque de glissement de terrain pour infiltration des fortes pluies) et implique comme règle générale " qu'aucun rejet d'eaux pluviales n'est admis à l'aval des surfaces aménagées, jusqu'à la période de retour d'insuffisance minimale imposée. ". La notice du dossier de demande de permis de construire précise quant à lui que les eaux pluviales seront collectées par un bassin de rétention puis rejetées au réseau de la ville avec un débit de fuite de 1,0 l/s, en renvoyant à l'étude hydraulique jointe au dossier. Le permis de construire du 26 mai 2021 impose par ailleurs dans son article 2 que les prescriptions émises par le service des eaux de Grand Chambéry, qui lui sont annexées, soient strictement respectées. Cet avis du service des eaux du 12 mai 2021 précise notamment, s'agissant des eaux pluviales, qu'il préconise " l'installation d'un ouvrage de rétention (9m3) avec rejet par débit de fuite (1l/s) vers le réseau public. Attention, le projet n'est pas desservi par un réseau d'eaux pluviales strict et les conditions de rejet au réseau unitaire sont limitées (5 l/s/ha maximum si l'infiltration n'est pas possible). Un dispositif de gestion des eaux pluviales respectant le zonage pluvial en vigueur et les autres règles de gestion doit être prévu " et exige qu'une note spécifique justifiant le choix des ouvrages et précisant leurs caractéristiques (études d'infiltration, dimensionnement, plan d'implantation devant être fourni au service des Eaux pour une validation avant tout démarrage de travaux). Dans ces conditions, et alors que le contenu de cet avis n'est pas sérieusement remis en cause et qu'il a été repris dans les prescriptions du permis de construire, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UCA9 du règlement du PLUi doit être écarté.

23. En cinquième lieu, la circonstance que le raccordement du projet en litige ne répond pas aux conditions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ne peut être utilement invoquée dans le présent recours, qui tend à l'annulation des permis de construire en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-13 du code de l'urbanisme est, enfin, inopérant, le territoire étant couvert par un plan local d'urbanisme.

24. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif, saisi d'un recours en excès de pouvoir à contre un permis de construire, d'apprécier l'opportunité du projet et notamment de trancher le point de savoir s'il répond à un besoin identifié.

Sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code précité : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

26. Il résulte de ce qui précède que le vice relevé au point 20 du présent arrêt et tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UCA 7 du règlement du PLUi apparaît susceptible d'être régularisé, sans que la nature même du projet ne soit bouleversée et en tenant compte, conformément à l'article L. 152-6-1 du code de l'urbanisme, de la nature du projet et de la zone d'implantation. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la SCCV CL 36 pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.

DECIDE :

Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, il est sursis à statuer sur la requête dans les conditions prévues au point 26, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties dans cette instance sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du ..., à la commune de Chambéry et à la SCCV CL 36.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

La rapporteure,

C. BurnichonLa présidente,

M. B...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY00296 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00296
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: Mme MAUCLAIR
Avocat(s) : JEAN-MARC PETIT-AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ly00296 ?
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