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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY03886

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23LY03886


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 août 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2302569 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le

18 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 août 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2302569 du 25 juillet 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 5 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, " salarié " dans le délai de quize jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

- le refus d'admission au séjour méconnaît l'article 6-5) de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ne faisant pas usage de son pouvoir général de régularisation, le préfet du Rhône a entaché le refus d'admission au séjour d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le délai de départ volontaire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle doit être annulée, par voie de conséquence, de l'annulation du refus d'admission au séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le délai de départ volontaire.

La requête a été dispensée d'instruction, en application de l'article R 611-8 du code de justice administrative.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- et les observations de Me Lulle, substituant Me Vernet, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 25 décembre 1977, entrée en France le 2 décembre 2018 sous couvert d'un visa court séjour, a sollicité, le 7 juin 2019, une admission au séjour sur le fondement de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Par les décisions attaquées du 5 août 2022, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination.

Sur la légalité du refus d'admission au séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit :(...) / 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme B..., qui réside depuis moins de trois ans en France à la date de la décision en litige, se prévaut de ses efforts d'insertion notamment par son implication au sein de l'association Réseau alerte et solidarité, un stage à la mairie de Vénissieux, une formation en vue d'obtenir un CAP accompagnement éducatif petite enfance, diverses prestations d'accompagnement, et une promesse d'embauche. Mais ces éléments ne témoignent pas d'une insertion suffisante pour lui ouvrir, à eux seuls, un droit au séjour au titre de la vie privée et familiale. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, ses deux frères et ses cinq sœurs. Mme B... soutient, également, qu'elle a été victime de violences physiques et sexuelles au mois de mars 2018 en Algérie où elle ne peut déposer plainte en raison des relations de l'auteur de ces faits et qu'elle demeure exposée au harcèlement et aux représailles qu'il exercerait contre elle. Si elle produit des certificats médicaux dont la teneur est cohérente avec l'agression physique et sexuelle dont l'intéressée indique avoir été victime, il n'est pas établi qu'elle aurait poursuivi des soins en France en raison de cette situation y compris en raison d'un stress post-traumatique. Il n'est pas davantage établi qu'elle ne pourrait bénéficier d'une protection de la part des autorités algériennes dans l'hypothèse où elle serait menacée en cas de retour dans ce pays où elle n'a, d'ailleurs, pas porté plainte alors qu'elle ne démontre pas les protections supposées de son agresseur. Si elle argue des difficultés du traitement de la situation des femmes victimes de violences conjugales dans la société algérienne, elle n'a pas sollicité, à ce titre, la protection de la France comme elle peut le faire si elle s'y croit fondée. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle ne pourrait poursuivre sa vie privée qu'en France et qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet du Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. S'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est titulaire de promesses d'embauche, notamment, en tant que secrétaire dans un cabinet dentaire, a exercé diverses prestations d'accompagnement de personnes âgées ou handicapées et de jeunes enfants et s'est engagée dans une formation de CAP petite enfance, ces éléments, examinés par le préfet, ne sont pas suffisants pour lui ouvrir droit à un certificat de résidence alors, au demeurant, que les formations professionnelles de l'intéressée permettent sa réinsertion en cas de retour en Algérie pour y accéder à un emploi, lui permettant de faire face à ses besoins de manière autonome. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de Mme B... en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. La décision de refus d'admission au séjour n'étant pas illégale, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, prise à son encontre.

7. Pour les motifs développés au point 3 du présent arrêt, Mme B... ne démontre pas que le centre de sa vie privée et familiale est désormais fixé en France, ni qu'elle ne pourrait revenir dans son pays d'origine, la décision d'éloignement ne prescrivant pas, d'ailleurs, le pays de destination. En décidant son éloignement, le préfet du Rhône, n'a, par suite, pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de sa situation particulière.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

8. En l'absence d'autre élément propre à critiquer la décision fixant le délai de départ volontaire, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

9. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation des décisions de refus d'admission au séjour, d'obligation de quitter le territoire français et prescrivant le délai de départ volontaire, Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de renvoi.

10. Si Mme B... soutient qu'elle ne pourrait pas revenir en Algérie en raison d'un risque de violences de la part de son agresseur, qui serait protégé, elle ne produit aucun élément probant sur l'actualité d'un tel risque, en l'absence d'aucun fait nouveau, par rapport aux violences dont elle a été victime. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, ainsi, être écarté. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.

Le rapporteur,

J-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03886
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly03886 ?
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