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20/06/2024 | FRANCE | N°23LY03169

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 20 juin 2024, 23LY03169


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par jugement n° 2305766

du 13 septembre 2023, le magistrat désigné du tribunal, après avoir renvoyé à une formation collégiale ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 2305766 du 13 septembre 2023, le magistrat désigné du tribunal, après avoir renvoyé à une formation collégiale l'examen de la demande dirigée contre le refus de séjour a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 octobre 2023 et le 29 février 2024, M. A..., représentée par Me Chinouf, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de réexaminer sa situation, dans le délai de cinq jours suivant la notification de l'arrêt et après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros HT en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer sur les moyens tirés de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français, et d'omission à statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire ;

- les décisions litigieuses sont entachés d'incompétence de leur signataire ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de délai de départ volontaire est illégal par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ;

- il méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'existe pas de risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de celle du refus de délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée en droit ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle présente un caractère disproportionné ;

- l'assignation à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de celle du refus de délai de départ volontaire ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par mémoire enregistré le 15 février 2024, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 25 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- et les observations de Me Chinouf pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né en 2002, est entré en France en octobre 2019, selon ses déclarations. Le 23 octobre 2019, le conseil départemental de la Drôme a refusé de le prendre en charge en tant que mineur isolé. Le 24 septembre 2020, il a sollicité son admission au séjour en tant que réfugié auprès du préfet du Rhône. La consultation du fichier Eurodac ayant démontré que l'intéressé avait été identifié en Espagne le 10 octobre 2019, le préfet du Rhône a, par arrêté du 20 novembre 2020, prononcé son transfert à destination de l'Espagne, Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le 29 avril 2021, le préfet du Rhône l'a assigné à résidence dans l'attente de l'organisation d'un prochain transfert. L'intéressé qui a été déclaré en fuite a été interpellé et placé en rétention administrative à laquelle il a été mis fin par ordonnance du juge des libertés et de la détention. Le 27 juillet 2023, M. A... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 et, subsidiairement des articles L. 423-23 et L. 435-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Il relève appel du jugement du 13 septembre 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal, après avoir renvoyé l'examen des conclusions dirigées contre le refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... avait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 8 septembre 2023, qu'il n'avait pas été statué sur cette demande à la date du jugement et que le magistrat a omis d'examiner les conclusions présentées devant lui tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tirés de son irrégularité.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A..., le requérant ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de l'instance devant le tribunal.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

4. L'arrêté attaqué a été signé par M. Cyril Moreau, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, lequel a reçu une délégation consentie par arrêté du préfet de la Drôme du 21 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, à l'effet de signer, au nom du préfet, tous actes et documents administratifs relevant de la préfecture à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé.

6. Le refus de séjour vise les articles L. 422-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels M. A... a demandé son admission au séjour. Il mentionne que M. A... n'était pas muni d'un visa de long séjour lors de son entrée en France, qu'il ne justifie pas de circonstances permettant de le dispenser de la présentation de ce visa ni d'aucune circonstance particulière justifiant que l'autorité administrative fasse usage de son pouvoir discrétionnaire pour déroger à l'exigence de visa. En outre, il rappelle les éléments propres à la situation personnelle de M. A..., et, notamment, la durée de son séjour, son parcours scolaire en France et l'absence d'attaches familiales sur le territoire. Enfin, il relève que sa situation, tant au regard de l'absence d'attaches familiales en France que de l'insuffisance de l'expérience professionnelle, ne correspond à aucune considération humanitaire ni à aucun motif exceptionnel. Par suite, cet arrêté, qui n'avait pas à faire mention de l'ensemble des attestations de soutien apportées par des tiers, comporte l'énoncé des circonstances de fait et de droit sur lesquelles il se fonde et est, ainsi, suffisamment motivé.

7. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté contesté, ainsi motivé, que le préfet de la Drôme a procédé à un examen particulier de la demande de M. A..., sans que celui-ci puisse utilement faire état des erreurs de fait dont cet examen serait entaché.

8. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, de la copie de la demande de titre de séjour formée par M. A..., que cette demande a été formée le 27 juillet 2023. En se bornant à produire un message électronique d'un agent de la préfecture de la Drôme daté du 7 septembre 2020, qui ne fait pas référence à une demande de titre de séjour, M. A... n'établit pas avoir présenté une demande d'admission au séjour avant le mois de juillet 2023. Par suite, et alors même que l'intéressé aurait pris au préalable des contacts avec diverses associations, le préfet de la Drôme, en mentionnant une telle date, n'a pas entaché sa décision d'erreur matérielle.

9. En mentionnant, d'une part, que M. A... est entré sur le territoire français à une date indéterminée, et, d'autre part, que le métier d'" ouvrier du bâtiment en métallerie " n'entre pas dans la liste des métiers en tension fixée par l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, le préfet de la Drôme n'a pas davantage entaché sa décision d'erreurs matérielles.

10. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article L. 412-1 de ce même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire (...) est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 412-3 du même code : " Par dérogation à l'article L. 412-1 l'autorité administrative peut, sans que soit exigée la production du visa de long séjour mentionné au même article, accorder les cartes de séjour suivantes :

1° La carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l(article L. 422-1 ".

11. Il est constant que M. A... était démuni du visa de long séjour exigé par l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de son entrée en France. Par ailleurs, s'il a obtenu le certificat d'aptitude professionnelle " métallier " et est inscrit, au titre de l'année scolaire 2023-2024, en première année de préparation au baccalauréat professionnel " ouvrages du bâtiment-métallerie ", et s'il a réalisé différents stages, de telles circonstances ne suffisent pas, alors d'une part que l'intéressé, d'abord inscrit en certificat d'aptitude professionnelle métiers de l'agriculture, a été scolarisé ensuite dans le cadre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire puis s'est réorienté dans un dernier temps dans la formation en métallerie, et, d'autre part, qu'il n'est fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce que l'intéressé poursuive une telle scolarité en Guinée, à ce qu'il soit dérogé à l'obligation de présentation de visa en application de l'article L. 412-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Drôme, en refusant de l'admettre au séjour en qualité d'étudiant en raison de l'absence de visa, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 422-1 et L. 412-3 de ce code.

12. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " (...) ou " vie privée et familiale " (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, le 26 juin 2023, le gérant de l'Atelier Thomas Vitraux a fait état de son intention d'employer M. A..., du 4 septembre 2023 au 31 juillet 2025, en qualité d'apprenti dans le cadre de sa formation en première année de préparation au baccalauréat professionnel " ouvrages du bâtiment-métallerie ". Toutefois, et alors au demeurant que l'emploi d'ouvrier du bâtiment en métallerie que le requérant souhaite occuper n'est pas au nombre des métiers en tension, le préfet de la Drôme n'a pas, compte tenu de l'absence d'expérience professionnelle de M. A... en dehors de l'exercice d'un emploi familial, et de la brève durée de son séjour en France, méconnu les dispositions précitées en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour sur leur fondement.

14. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 (...), et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a jamais été admis au séjour en France et qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure de transfert qu'il n'a pas exécutée. La double circonstance qu'il a suivi une scolarité en France et effectué des stages n'est pas par elle-même de nature à lui conférer un droit au séjour. Enfin, M. A..., qui est âgé selon ses indications de vingt-et-un-ans, célibataire et sans enfant, ne démontre pas être dépourvu de toute attache privée et familiale en Guinée, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où réside sa mère. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, il n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur un refus de séjour illégal.

17. En troisième lieu, et pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d' erreur manifeste d'appréciation de la situation particulière du requérant doivent être écartés.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

18. En premier lieu, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de délai de départ volontaire serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

19. En second lieu, aux termes de l'article 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Enfin, aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

20. M. A... n'ayant pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, le préfet pouvait regarder comme établi le risque qu'il se soustraie à la nouvelle obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. En se prévalant de sa situation personnelle et de sa scolarité, telles que rappelées précédemment, de la circonstance qu'il a sollicité son admission au séjour et de ce qu'il dispose d'un logement dont l'adresse est connue de l'administration, le requérant ne justifie pas de circonstances particulières propres à écarter ce risque de soustraction. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 19 doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la fixation du pays de destination :

21. L'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la fixation du pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire n'étant pas établie, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...)". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

24. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

25. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

26. L'arrêté en litige mentionne que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. En outre, il ressort des termes mêmes de cette décision que le préfet de la Drôme a pris en considération la durée de présence du requérant sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, ainsi que les circonstances qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Par conséquent, et alors même que cet arrêté ne vise pas l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré par M. A... de ce que préfet de la Drôme n'aurait pas suffisamment motivé sa décision en lui opposant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an doit être écarté.

27. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, M. A... avait déjà fait l'objet, le 20 novembre 2020, d'une première mesure d'éloignement qu'il n'avait pas exécutée. Il résidait depuis moins de quatre années en France où il ne justifiait d'aucune réelle attache privée ou familiale. Dans ces circonstances, et alors même que le requérant poursuit une scolarité en France, le préfet de la Drôme n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant sur leur fondement une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Pour les motifs exposés précédemment, il n'a pas davantage porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de la mesure.

Sur l'assignation à résidence :

28. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'assignation à résidence serait illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de celle du refus de délai de départ volontaire.

29. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 732-1 du même code : " Les décisions d'assignation à résidence (...) sont motivées ".

30. L'arrêté du 4 septembre 2023 portant assignation à résidence vise l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que M. A... fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et indique que si l'intéressé ne peut quitter immédiatement le territoire français, son éloignement demeure une perspective raisonnable. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'assignation à résidence est insuffisamment motivée.

31. En dernier lieu, l'arrêté du 4 septembre 2023 prévoit en son article 2 que M. A... doit se présenter les mardi et jeudi à 10h auprès des services de la police nationale de Valence afin de faire constater qu'il respecte la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet et qu'il a entrepris les démarches nécessaires en vue de son départ pour la Guinée. Le requérant ne peut utilement se prévaloir du suivi, postérieurement à cet arrêté, d'une formation qui ne fait pas partie des modalités de préparation de son départ. Par suite, l'assignation à résidence n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation dans la fixation des modalités de présentation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les motifs évoqués précédemment, elle ne méconnaît pas davantage l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

32. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

33. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2305766 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 13 septembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

M. Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03169
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CHINOUF

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23ly03169 ?
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