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20/06/2024 | FRANCE | N°22LY02358

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 20 juin 2024, 22LY02358


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 9 décembre 2020 rejetant le recours qu'elle avait formé contre la décision du 7 août 2020 par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a refusé de lui délivrer un permis de visite à son époux, M. B... D..., et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en réparation de son préjud

ice moral.



Par jugement n° 2100713 du 14 juin 2022, le tribunal a annulé la décis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 9 décembre 2020 rejetant le recours qu'elle avait formé contre la décision du 7 août 2020 par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a refusé de lui délivrer un permis de visite à son époux, M. B... D..., et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Par jugement n° 2100713 du 14 juin 2022, le tribunal a annulé la décision du 9 décembre 2020 et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a annulé la décision du 9 décembre 2020 et de rejeter la demande d'annulation présentée par Mme C....

Il soutient que la décision de refus de permis de visite est justifiée au regard des faits de violences pour lesquels M. D... a été condamné et du risque de réitération d'une infraction et qu'elle ne porte pas atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à Mme C... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- et les conclusions de Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a sollicité la délivrance d'un permis de visite pour rencontrer M. D..., son époux, détenu au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse (Ain). La directrice de ce centre a refusé de faire droit à sa demande par une décision du 7 août 2020. Par une décision du 9 décembre 2020, le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes a rejeté le recours hiérarchique introduit par Mme C... à l'encontre de cette décision. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires du 9 décembre 2020 rejetant le recours qu'elle avait formé contre la décision du 7 août 2020 et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 juin 2022 en tant qu'il a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 9 décembre 2020.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé (...) et de la personnalité de la personne détenue ". Aux termes de l'article 35 de cette loi : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce (...) par les visites que ceux-ci leur rendent (...) / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné (...) que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-8-12 du code de procédure pénale : " Les visites se déroulent dans un parloir ne comportant pas de dispositif de séparation. Toutefois, le chef d'établissement peut décider que les visites auront lieu dans un parloir avec un tel dispositif : 1° S'il existe des raisons sérieuses de redouter un incident (...) ".

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces décisions affectant directement le maintien des liens des détenus avec leurs proches, elles sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées, pour assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., condamné à une peine de réclusion de vingt ans, a, alors qu'il résidait au domicile de son épouse dans le cadre d'une mesure de placement extérieur accordée à titre probatoire, exercé des violences répétées à l'encontre tant de son épouse que des trois enfants de cette dernière nés d'une précédente union et âgés de, respectivement, 12, 9 et 7 ans ainsi que de son fils âgé de 3 ans, et que ces faits de violence, commis en état de récidive, ont justifié sa condamnation à une nouvelle peine d'emprisonnement de cinq ans assortie d'un retrait de l'autorité parentale. Dans de telles conditions, en confirmant, dans le but de prévenir le risque de réitération de ces faits de violence à son égard et à l'encontre des enfants, le refus de permis de visite sollicité par Mme C..., le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes, eu égard à la nature et à la gravité des faits déjà commis en état de récidive, à l'emprise exercée par l'intéressé sur son épouse et à la situation de particulière vulnérabilité de cette dernière et des enfants à toute forme de violence, y compris psychologique, n'a pas méconnu l'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 ni porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que la décision en litige devait être annulée pour ce motif.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur l'autre moyen de Mme C... :

7. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales était entrée en vigueur à la date à laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne Rhône Alpes a confirmé le refus de délivrance du permis de visite sollicité par Mme C..., le 9 décembre 2020. Par suite, le moyen tiré de ce que le directeur aurait fait application de dispositions qui ne seraient pas encore entrées en vigueur doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 9 décembre 2020 confirmant le refus de délivrance du permis de visite sollicité par Mme C....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100713 du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 9 décembre 2020.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

Le président,

Ph. Arbarétaz

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02358
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-055-01-08 Droits civils et individuels. - Convention européenne des droits de l'homme. - Droits garantis par la convention. - Droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8).


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;22ly02358 ?
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