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12/06/2024 | FRANCE | N°22LY03688

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 12 juin 2024, 22LY03688


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La SARL Le Hameau de Barboron a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de Savigny-les-Beaune en tant qu'il classe partiellement en zone rouge les parcelles supportant son activité et d'enjoindre audit préfet de prononcer l'abrogation sollicitée.



Par un jugement n° 2003270 du 7 novembre 2022, le

tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Hameau de Barboron a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de Savigny-les-Beaune en tant qu'il classe partiellement en zone rouge les parcelles supportant son activité et d'enjoindre audit préfet de prononcer l'abrogation sollicitée.

Par un jugement n° 2003270 du 7 novembre 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2022, la SARL Le Hameau de Barboron, représentée par la SELAS d'avocats Légi Conseils Bourgogne, agissant par Me Joubert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 7 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande d'abrogation partielle du plan de prévention des risques d'inondation de Savigny-les-Beaune ;

3°) d'enjoindre au ministre de procéder à l'abrogation partielle de ce plan en tant qu'il classe partiellement en zone rouge les parcelles cadastrées OD13 à OD15 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise tendant à la fourniture de tous éléments de nature à permettre à la cour de se prononcer sur la pertinence du classement en zone rouge de la parcelle cadastrée OD 13 de la commune de Savigny-les-Beaune par le PPRI de la commune de Savigny-les-Beaune, et confiant à l'expert une mission de médiation.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché le jugement attaqué de plusieurs erreurs d'appréciation ;

- en écartant sans motivation des études scientifiques qu'elle avait produites, le tribunal n'a pas exercé la plénitude de son contrôle juridictionnel ;

- le tribunal ne répond pas à certains éléments de son argumentation relative à l'incohérence du PPRI ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'utilité d'une expertise ;

- le classement des parcelles litigieuses en zone rouge, qui méconnaît les termes de la note de présentation du plan de prévention du risque d'inondation, est entaché d'erreur de fait ou de droit ;

- ce classement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 14 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mars 2024.

Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a produit un mémoire en défense qui a été enregistré le 18 mars 2024 et n'a pas été communiqué.

Par courriers du 26 avril 2024, les parties ont été invitées, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à produire diverses pièces pour compléter l'instruction.

La SARL Le Hameau de Barboron et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en réponse à cette demande, ont produit des pièces respectivement le 30 avril et le 6 mai 2024, qui ont été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Hameau de Barboron exploite un hôtel-restaurant dans la combe du même nom, ou Combe Bernard, sur le territoire de la commune de Savigny-lès-Beaune. Pour certaines réceptions, et notamment les mariages, elle a fait édifier un grand chapiteau, qui permet l'accueil de 350 convives assis, ou 550 debout. Une visite de la commission de sécurité, en 2019, a attiré l'attention de l'administration sur le fait que non seulement cette structure avait été édifiée sans la moindre autorisation, mais qu'elle était implantée en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation (PPRI), approuvé par un arrêté préfectoral du 2 novembre 2006. Par un arrêté du 12 juin 2019, le maire de Savigny-les-Beaune a autorisé à titre temporaire la poursuite de l'exploitation du chapiteau pour une durée de douze mois, et mis en demeure l'exploitant, notamment, de déposer une demande de permis de construire en zone constructible et en dehors de la zone rouge. La société Le Hameau de Barboron a demandé au préfet, sur le fondement de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, que le PPRI soit abrogé en tant qu'il classe en zone rouge la partie des parcelles où cette installation est implantée. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence conservé par l'administration sur sa demande d'abrogation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments développés par la SARL Le Hameau de Barboron à l'appui de son moyen tiré de ce que le classement des parcelles litigieuses, pour partie en zone rouge du PPRI, serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ni de mentionner tous les documents dont elle avait fait état. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date du présent arrêt : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) ".

5. En premier lieu, aux termes du I-1 du règlement du PPRI de Savigny-lès-Beaune : " (...) La zone rouge correspond aux zones d'aléa fort quel que soit leur degré d'urbanisation ou d'équipement, aux zones inondables non urbanisées ou peu urbanisées quel que soit leur niveau d'aléa et aux zones non urbanisées classées en aléa moyen. / Cette zone est à préserver de toute urbanisation nouvelle soit pour des raisons de sécurité des personnes et des biens (zone d'aléas les plus forts), soit pour la préservation des champs d'expansion et d'écoulement des crues ainsi que des principaux axes de ruissellement. (...) La zone bleue correspond aux zones d'aléa faible et moyen d'inondation et de ruissellement situées en secteur urbanisé, ainsi qu'aux zones d'aléa faible et potentiel de ruissellement quelle que soit l'occupation du sol. (...) ".

6. La note de présentation du PPRI n'ayant pas un caractère réglementaire, la SARL Le Hameau de Barboron ne peut utilement faire valoir que celle-ci ne prévoit le classement en zone rouge que pour les parcelles affectées par un aléa fort, ou se situant dans le champ d'expansion des crues du Rhoin. Le moyen tiré de ce qu'en classant pour partie en zone rouge les parcelles en litige, qui ne sont pas affectées par un aléa fort et sont situées à 3,5 kilomètres du Rhoin, le préfet de la Côte-d'Or aurait commis une erreur de droit ou une erreur de fait, ne peut dès lors être accueilli.

7. En deuxième lieu, il ressort des termes de la note de présentation du PPRI de Savigny-lès-Beaune que " Deux méthodes ont été mises en œuvre pour la détermination des champs d'inondation et des zones de ruissellement de la commune. / Le Rhoin a fait l'objet d'une modélisation hydraulique entre le lieu-dit Fontaine froide et la limite communale aval. Il en est de même des débouchés des combes Vauteloy, Bernard et Caillaux. (...) Le reste du territoire communal a fait l'objet d'une analyse géomorphologique. Cette méthode consiste à interpréter les accidents topographiques du terrain, afin de délimiter les lits moyen et majeur des cours d'eau, donc leur champ d'inondation. Elle permet également de cerner les secteurs prédisposés aux phénomènes de ruissellement et de mettre en avant les cheminements préférentiels de ces écoulements en identifiant des talwegs, etc... / Les degrés d'aléa sont alors déterminés par estimation des hauteurs d'eau et des vitesses d'écoulement susceptibles d'être rencontrées, en tenant compte des cheminements préférentiels et du risque d'être en présence d'écoulements concentrés, etc... ". Pour procéder au classement litigieux, l'administration s'est notamment appuyée sur l'Etude de localisation et de hiérarchisation des risques naturels sur la cote viticole, produite par la société IPSEAU en 2002 et 2003 et mentionnée par la bibliographie de la note de présentation. Il ne ressort pas de la citation par la requérante d'un bref passage de l'article de M. ..., " Les leçons de l'incorporation de l'expertise hydrogéomorphologique dans la doctrine française de prévention des risques d'inondation " (VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, 2014, n° 2), que la méthode hydrogéomorphologique utilisée pour apprécier les risques liés au ruissellement, notamment dans la combe sèche où sont localisées les parcelles litigieuses, serait par nature dénuée de fiabilité. Cela ne résulte pas davantage de la circonstance que, concernant les plans de prévention de risque d'inondation par submersion marine ou débordement de cours d'eau, le recours à cette méthode n'est prévu que pour les secteurs à faible ou sans enjeu. La requérante ne formule pour le surplus pas de contestation précise à l'encontre de l'étude scientifique sur laquelle l'administration s'est fondée, et ne conteste pas qu'il en résulte qu'une partie des parcelles cadastrées OD 13 et OD 14, seule des parcelles litigieuses à être classée pour partie en zone rouge, est exposée à un aléa moyen de ruissellement. En outre, si la société requérante produit des extrait de l'Etude historique du ruissellement de la côte viticole en Bourgogne (Côte-d'Or et Saône-et-Loire), réalisée en 2013 par l'Université de Bourgogne et l'unité mixte de recherche (UMR) 6298 ARTeHIS, cette étude ne remet pas en cause les résultats de celle réalisée une décennie auparavant par la société IPSEAU et il ne ressort pas de la circonstance que la Combe Bernard ou Combe de Barboron n'aurait été le siège d'aucun des évènements recensés à Savigny-les-Beaune entre 1900 et 2012 qu'elle ne serait exposée à aucun risque d'inondation par ruissellement. De même, la circonstance que les témoignages feraient état d'une lame d'eau de 20 cm de hauteur seulement, vers 1995 et régulièrement, très en aval des parcelles litigieuses dans la Combe Bernard, et que lesdites parcelles n'auraient pas été affectées par la catastrophe naturelle survenue en 2013, ne suffisent pas à établir qu'elles ne sont pas exposées à un aléa moyen d'inondation par ruissellement, justifiant leur classement en zone rouge en l'absence de toute construction à la date d'approbation du PPRI. Par ailleurs, la circonstance que le règlement du plan de prévention et le plan local d'urbanisme n'interdisent pas toute construction sur la partie des parcelles litigieuses classées en zone rouge, n'est pas de nature à faire douter de la réalité de ce risque. Le fait que, sur le plan de zonage réglementaire, la zone rouge jouxte en cet emplacement une zone bleu clair, correspondant à des contraintes très faibles, et non une zone bleu foncé correspondant à des contraintes faibles, ne suffit pas davantage à susciter un doute quant à la nature de l'aléa affectant les parcelles litigieuses, alors au demeurant que ni la note de présentation, ni le règlement du PPRI ne prévoient de distinction entre la zone bleu foncé et la zone bleu clair. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du classement d'autres parcelles de la commune ou de parcelles incluses dans le périmètre d'un autre PPRI. Le moyen tiré de ce que le classement pour partie en zone rouge des parcelles cadastrées OD 13 et OD 14 serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, doit dès lors également être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise, la SARL Le Hameau de Barboron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'abroger le PPRI de Savigny-les-Beaune en ce qu'il classe pour partie en zone rouge les parcelles cadastrées OD 13 et OD 14.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué et du refus implicite du préfet de la Côte-d'Or de procéder à l'abrogation partielle du PPRI litigieux, n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions à fin d'injonction doivent dès lors également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SARL Le Hameau de Barboron.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Hameau de Barboron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Hameau de Barboron et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

M. Joël Arnould, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

Le rapporteur,

Joël ArnouldLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03688
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. - Divers régimes protecteurs de l`environnement. - Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Joël ARNOULD
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;22ly03688 ?
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