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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY03955

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juin 2024, 23LY03955


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. G... et Mme F... E... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2022 par lesquels la préfète de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement nos 2304372 - 2304373 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.



Procédure

devant la cour



Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, M. G... et Mme F... E..., représentés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. G... et Mme F... E... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 17 novembre 2022 par lesquels la préfète de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2304372 - 2304373 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, M. G... et Mme F... E..., représentés par Me Paquet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés de la préfète de l'Ain ;

3°) d'ordonner avant-dire droit la communication de la preuve de la tenue d'une conférence audiovisuelle ou téléphonique par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des extrais Thémis et de l'avis de ce collège ;

4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler dans l'attente de la délivrance du titre de séjour, dans un délai de huit jours, ou à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler durant ce réexamen, dans un délai de huit jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à leur conseil, une somme de 1 500 euros hors taxe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n'a pas statué sur le moyen tiré de la remise en cause de la scolarité de leur fils handicapé en Albanie ;

- les arrêtés sont entachés d'un vice de procédure en l'absence de délibération collective du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- ils sont entachés d'un défaut d'examen particulier de leur situation personnelle ;

- ils ont inexactement appliqué les articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- ils méconnaissent l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle et familiale et celle de leurs fils ;

- la préfète de l'Ain a méconnu l'étendue de ses compétences en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation ;

- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions de délai de départ volontaire de trente jours méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de leurs deux fils ;

- les décisions portant fixation du pays de destination sont entachées d'inexacte application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La préfète de l'Ain, qui a reçu communication de la requête, n'a pas présenté d'observations.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport A... Porée, premier conseiller,

- et les observations de Mme E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants albanais, nés respectivement les 17 janvier 1982 et 18 décembre 1989, sont entrés sur le territoire français avec leurs deux fils le 11 avril 2022, selon leurs déclarations. Ils ont déposé les 25 avril 2022 des demandes d'asile, qui ont été rejetées par des décisions du 25 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmées par des ordonnances de la Cour nationale du droit d'asile des 27 décembre 2022 et 17 janvier 2023. M. et Mme E... ont demandé le 11 juillet 2022 la délivrance d'autorisations provisoires de séjour, sur le fondement de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de l'état de santé de leur fils C.... Par deux arrêtés du 17 novembre 2022, la préfète de l'Ain a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Lyon, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui des demandes, a répondu dans le point 10. de son jugement au moyen A... et Mme E... tiré de ce que la scolarité de leur fils handicapé serait remise en cause en Albanie. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur la légalité des arrêtés du 17 novembre 2022 :

3. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. En premier lieu, les articles L. 425-9, R. 425-11 à R. 412-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 5 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 de ce code, ont institué une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Ainsi, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis le 4 novembre 2022 par le collège de médecins de l'OFII doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire droit la communication de la preuve de la tenue d'une conférence audiovisuelle ou téléphonique, des extrais Thémis et de l'avis de l'OFII, qui d'ailleurs, pour ce dernier, a été produit en première instance.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Ain, qui a notamment relevé que dans la mesure où M. et Mme E... ne font valoir aucune circonstance humanitaire exceptionnelle à l'appui de leur demande de titre de séjour et n'ont transmis aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, ainsi que si leurs deux enfants mineurs sont actuellement scolarisés en France, il n'est pas établi qu'ils seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité en Albanie, n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle des requérants avant d'édicter chacune des mesures litigieuses.

6. En troisième lieu, par son avis du 4 novembre 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé du fils des requérants, C..., nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard, à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que cet état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que le fils A... et Mme E... est atteint de dystrophie musculaire de Duchenne, responsable d'une faiblesse musculaire évolutive, qu'il a perdu la possibilité de marcher au début de l'année 2022, que la faiblesse de ses membres supérieurs progresse et qu'il se déplace en fauteuil roulant. Le certificat médical confidentiel, qui a été adressé au médecin de l'OFII et qui a servi de base au rapport médical soumis au collège de médecins de cet office, indiquait un traitement à base de cortancyl à partir de septembre 2022, et il ressort des pièces du dossier que le deflazacort n'a été prescrit que le 23 février 2023, postérieurement à l'avis du collège de médecins de l'OFII et des arrêtés attaqués, et que le jeune C... ne bénéficie pas encore du protocole de thérapie génique (microdystrophine). S'il ressort d'un document établi par une pharmacie en Albanie que le cortancyl, l'uvedose, le zyma D et le perindopril, qui constituent le traitement médicamenteux suivi par C... à la date des arrêtés en litige, ne sont pas disponibles dans cette pharmacie, ce document n'est pas daté et il ne concerne que le stock de cette pharmacie. Le certificat médical confidentiel, qui a été adressé au médecin de l'OFII et qui a servi de base au rapport médical soumis au collège de médecins de cet office, mentionnait une nécessité de suivi médical pluri-annuel (MPR, pneumopédiatrie, cardiopédiatrie), d'un suivi rééducatif intensif et ophtalmologique, d'une absorptiométrie, de radiographies une à deux fois par an, d'une surveillance de l'hypertension artérielle, du surpoids, de l'hypoglycémie et de l'ostéopénie. M. et Mme E... ne démontrent pas que leur fils ne pourrait pas bénéficier d'un tel suivi pluridisciplinaire en Albanie, alors qu'il ressort du rapport d'épicrise établi le 17 mars 2022 par un neuropédiatre du Centre hospitalier universitaire de Tirana que le jeune C... y a bénéficié de différents examens médicaux et biochimiques, notamment pour la glycémie et l'EKO-cardiaque. Par suite, les moyens tirés de l'inexacte application des articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des arrêtés attaqués sur la situation personnelle et familiale des requérants et celle de leur fils, doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " (...) 2. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants handicapés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

8. Il résulte du point 6 du présent arrêt que le jeune C... peut bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. S'il ressort des observations finales CRC/C/ALB/CO/2-4 sur les rapports périodiques de l'Albanie distribuées le 7 décembre 2012 du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations-Unies qu'il " est préoccupé par le fait que (...) les enfants handicapés continuent d'être victimes de graves discriminations, en particulier en ce qui concerne leur accès (...) aux soins de santé ", et s'il ressort des observations finales CRPD/C/ALB/CO/1 concernant le rapport initial de l'Albanie distribuées le 14 octobre 2019 du Comité des droits des personnes handicapées de l'Organisation des Nations-Unies qu'il " s'inquiète de l'absence de mesures visant à améliorer les services de santé actuellement proposés, y compris en ce qui concerne la prise en charge précoce des enfants handicapés. (...) prend note avec préoccupation des informations faisant état de violences et de mauvais traitements à l'égard de personnes handicapées, en particulier dans les institutions (...) ", il ressort du rapport d'épicrise établi le 17 mars 2022 par un neuropédiatre du Centre hospitalier universitaire de Tirana que le jeune C... a bénéficié dans son pays d'origine de différents examens médicaux et biochimiques, d'un traitement adjuvant avec du D-Corten, d'une thérapie d'entretien avec idébénone et de suppléments complémentaires. Les requérants n'allèguent, ni n'établissent que leur fils aurait fait l'objet de traitements inappropriés dans des institutions albanaises. Il ressort des pièces du dossier que le fils des requérants ne bénéficiait pas encore d'un traitement à base de deflazacort, ni d'un protocole par thérapie génique (microdystrophine) en France, à la date des arrêtés en litige. En outre, les observations finales CRC/C/ALB/CO/2-4 sur les rapports périodiques de l'Albanie distribuées le 7 décembre 2012 du Comité des droits de l'enfant de l'Organisation des Nations-Unies et la décision du Défenseur des droits français n° 2021-038 du 9 février 2021 ne suffisent pas à démontrer l'impossibilité pour l'enfant C... d'être scolarisé dans son pays d'origine, en l'absence de toute précision sur cette impossibilité avant son arrivée en France à l'âge de neuf ans. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 7 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des arrêtés attaqués sur la situation personnelle de leur fils C..., doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. M. et Mme E... ne séjournent sur le territoire français que depuis sept mois, alors qu'ils ont vécu respectivement quarante et trente-deux ans en Albanie, où ils ne peuvent être dépourvus de toute attache personnelle. Il résulte des points 6 et 8 du présent arrêt que leur fils C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie, et qu'il peut y poursuivre sa scolarité. M. et Mme E... ne démontrent pas une insertion particulière dans la société française, en se limitant à justifier de leur inscription à des cours de français depuis respectivement le 15 novembre 2022 et l'année scolaire 2022/2023. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des arrêtés attaqués sur la situation personnelle et familiale des requérants et de leurs fils, doit être écarté.

11. En sixième lieu, il résulte des points 6, 8 et 10 du présent arrêt que la préfète de l'Ain n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences en n'exerçant pas son pouvoir exceptionnel de régularisation.

12. En septième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

13. Il résulte des points 6 et 8 du présent arrêt que le fils C... des requérants peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit en tout état de cause être écarté.

14. En huitième lieu, il résulte des points 6 et 8 du présent arrêt que le jeune C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie. En outre, M. et Mme E... ne démontrent pas que leurs fils, inscrits en classes de 6ème et de CE2, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des enfants B... et C..., doivent être écartés.

15. En neuvième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

16. Il résulte des points 6 et 8 du présent arrêt que le jeune C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations précitées doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête A... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et Mme F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03955
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly03955 ?
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