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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY03914

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juin 2024, 23LY03914


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.



Par un jugement n° 2305441 du 24 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'

une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n° 2305441 du 24 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français, et, d'autre part, renvoyé sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal.

Par un jugement n° 2305441 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, M. C..., représenté par Me Rouvier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Isère portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour être insuffisamment motivé sur son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour, et pour avoir omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance du 7) de l'article 6 et du e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation sur la menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et le e) de l'article 7 bis du même accord ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée pour caducité par une décision du 27 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Porée, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 22 juin 2004, est entré régulièrement le 20 janvier 2015 sur le territoire français dans le cadre d'une procédure de regroupement familial dont il a bénéficié en vertu d'un acte judiciaire de recueil légal dit kafala du 12 février 2012 par sa grand-mère. Il a demandé le 24 août 2022 la délivrance d'un titre de séjour sans en préciser le fondement. Par un arrêté du 6 juillet 2023, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an. Par un arrêté du 14 octobre 2023, le préfet de l'Isère l'a placé en rétention administrative. Par un jugement du 24 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et interdisant le retour sur le territoire français, et a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal. Par jugement du 23 novembre 2023, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de la demande, a répondu dans le point 5. D e de son jugement, de manière suffisamment motivée, au moyen de M. C... tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation.

3. Le tribunal administratif de Grenoble a répondu aux points 7, 9 et 10 du jugement aux moyens de M. C... tirés de ce que le préfet de l'Isère aurait méconnu le 7) de l'article 6 et le e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien et n'a ainsi entaché sa décision d'aucune omission à statuer. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularités.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 4 du jugement.

5. En deuxième lieu, la décision de refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise notamment les articles 6 et 7 bis de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le préfet n'avait pas à se prononcer sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'est pas applicable aux ressortissants algériens. La décision attaquée mentionne les faits caractérisant une menace du requérant à l'ordre public et une absence d'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. M. C... ne peut se prévaloir à l'appui de son moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige, de la circonstance que sa vie privée et familiale justifie la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision de refus de titre de séjour, que le préfet de l'Isère a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... avant d'édicter cette décision.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans (...) ". L'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne prive pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. En outre, la circonstance qu'un ressortissant algérien entrerait dans un des cas de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ne fait pas obstacle à ce que l'attribution de ce titre de séjour lui soit refusée pour des raisons tenant à l'ordre public.

8. M. C... a été condamné le 11 mai 2022 à des mesures éducatives et judicaires pendant deux ans pour des faits de recel de bien provenant d'un vol et a fait l'objet de plusieurs rappels à la loi par le délégué du procureur de la République pour recel de bien provenant d'un vol les 5 mars 2019, 8 et 15 janvier 2021, ainsi que pour détention non autorisée et usage illicite de stupéfiants le 26 novembre 2021. Il ressort du jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 5 mai 2023 qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement délictuel de douze mois, dont six mois de sursis probatoire renforcé pendant deux ans, pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis (11 avril 2023), de recel de bien provenant d'un vol (17 mars, 11 et 20 avril 2023), de vol (7 au 8, 11 et 20 avril 2023), de vol avec destruction ou dégradation (21 février, 16 et 17 mars 2023), de tentative de vol avec destruction ou dégradation (16 et 17 mars 2023), de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui (16 mars 2023), de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt (26 février et 2 mars 2023) et de vol par escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt (9 avril 2023). Si M. C... se prévaut de son état psychique atteint de schizophrénie, cet état est un élément à prendre en compte dans la caractérisation de la menace pour l'ordre public et n'est pas de nature à relativiser sa dangerosité, alors qu'il ressort d'une expertise psychiatrique du 30 avril 2023 d'un expert près la cour d'appel de Grenoble, qu'il présente un état dangereux s'il est livré à lui-même sans cadre suffisamment structurant, favorisant la récidive, et que ses grands-parents ne peuvent à eux-seuls être structurants. Ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de M. C... constitue une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens du requérant tirés de la méconnaissance des 5) et 7) de l'article 6 et du e) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, doivent être écartés.

9. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. M. C... est arrivé en France à l'âge de dix ans, il y séjourne depuis un peu plus de huit ans et vit chez ses grands-parents. Toutefois, il ne peut être regardé comme justifiant d'une insertion particulière dans la société française eu égard au nombre de délits commis alors en outre qu'il ne rapporte pas la preuve de l'obtention d'un baccalauréat professionnel en maintenance des équipements industriels, de l'exercice d'une activité professionnelle régulière et de ressources personnelles. L'intéressé ne démontre pas qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Il ressort des pièces du dossier que ses parents et ses cinq sœurs vivent en Algérie. Enfin, il ressort du point 8 ci-dessus que sa présence sur le territoire français menace l'ordre public. Dans ces conditions, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. C..., le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03914
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ROUVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly03914 ?
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