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11/06/2024 | FRANCE | N°23LY03686

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 11 juin 2024, 23LY03686


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304934 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023, M. D

... E..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêté du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304934 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023, M. D... E..., représenté par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 5 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a entaché sa décision d'erreurs de fait s'agissant des conditions de son entrée en France, de son intégration sur le territoire national et des motifs du retrait de son titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen préalable, réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision est intervenue en violation du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Guillaume, représentant M. D... E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., ressortissant algérien né le 1er juin 1982, est entré en France en septembre 2014 selon ses déclarations. Après avoir épousé, le 16 septembre 2017, une ressortissante française, il a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " valable du 18 décembre 2019 au 17 décembre 2029, sur le fondement de l'article 7 bis a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par une décision du 28 octobre 2022, le préfet de la Loire a procédé au retrait de ce certificat de résidence. Par un arrêté du 5 mai 2023, le préfet de la Loire a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sur le fondement du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fixé le pays de destination. M. D... E... relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. D... E... fait valoir que les premiers juges ont commis des erreurs de fait s'agissant des conditions de son entrée en France, de son intégration sur le territoire national et des motifs du retrait de son titre de séjour, de telles erreurs, à les supposer établies, relèvent de l'appréciation du bien-fondé de leur décision et non de sa régularité.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ".

4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

5. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.

6. La mesure d'éloignement en litige, fondée sur le 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait suite au retrait du certificat de résidence algérien dont M. D... E... était titulaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, intervenu par décision du 28 octobre 2022, après que le préfet de la Loire a invité l'intéressé, par un courrier du 19 mai 2022, réceptionné le 2 juin 2022, a faire valoir, sous quinze jours, ses observations sur la perspective d'un tel retrait et de l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français. Dans ses conditions, même si la décision de retrait et la mesure d'éloignement en litige ne sont pas intervenues concomitamment, mais à quelques mois d'intervalle, M. D... E... doit être regardé comme ayant été mis à même de présenter des observations sur la perspective de son éloignement, ce qu'il s'est, au demeurant, abstenu de faire. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet de la Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... E... avant de décider de prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. D... E... se prévaut de sa résidence en France depuis 2014, de la présence, sur le territoire, de sa fille A..., née le 20 mai 2013 et de son intégration par le travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D... E... est séparé depuis 2020 de son épouse de nationalité française. Il ressort par ailleurs des termes du jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Créteil du 15 juin 2023 que l'intéressé n'a quasiment eu aucun contact avec sa fille, née d'un premier mariage, depuis la séparation des parents intervenue alors qu'elle était âgée de neuf mois, que la mère de l'enfant, chez qui est établie sa résidence habituelle, dispose seule de l'autorité parentale depuis 2018, qu'il n'a pas, à l'exception de trois mois en 2019, versé de pension alimentaire pour son entretien et qu'un simple droit de visite d'une journée par mois a été mis en place pour l'avenir, ainsi que le versement d'une pension alimentaire mensuelle. Enfin, M. D... E... n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, et alors même qu'il justifie avoir travaillé pendant qu'il disposait d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. D... E... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. D... E... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que M. D... E... s'est désintéressé de sa fille depuis son plus jeune âge et qu'il ne justifie pas avoir, à la date de la décision contestée, participé, de quelque manière que ce soit, à son entretien et son éducation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision désignant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. D... E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de destination.

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... E....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03686
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23ly03686 ?
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